Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Après l'idiot utile, l'imposteur ?

lundi XIV juillet MMVIII

Jamel Boussetta était entré dans la police pour la nettoyer (lien). Bien que révoqué, ses propos on ne peut plus critiques à l'égard de la police sont régulièrement pris pour parole d'Evangile, même lorsqu'ils sont peu crédibles. De la même manière qu'il est opportun d'avoir des juifs opposés à l'existence d'Israel, le témoignage hostile, même absurde, provenant de l'intérieur bénéficie toujours d'une aura commode - principe de l'idiot utile (lien).

Mais à défaut de se trouver un idiot utile, on peut s'en fabriquer un. Et, sans évidemment le garantir, je ne doute guère que c'est bien ce dont il s'agit lorsqu'on apprend dans la presse l'existence du « Brigadier, un policier rappeur qui rime masqué Â» (lien - 20 Minutes, 09/07/2008).

Le journaliste de 20 Minutes, peu suspicieux, écrit que son rap «  n'émane ni de NTM, ni d'Assassins, groupes de rap pas forcément en amour avec l'uniforme, mais directement de la maison Poulaga Â», d'un « flic très discret sur son identité, qui lâche seulement avoir "dix ans de patrouille dans le 93" Â». Et, le moins que l'on puisse constater, c'est que ce rappeur est pour le moins critique à l'égard de l'action policière. Ainsi, « le Brigadier dénonce, en vrac, "l'industrie de la preuve", "les descentes sans décence", ou les "traquages au faciès". "Ouvrier des statistiques", il s'en prend à Nicolas Sarkozy, son ancien patron au ministère de l'Intérieur. "Depuis le Patriot Act de monsieur Nicolas, tous les abus sont possibles", affirme-t-il, ajoutant "on nous demande de faire du crâne, c'est électoralement juteux, pourvu que la banlieue crame" Â».

Qu'est-ce qui pourtant peut laisser penser que ce rappeur n'appartient pas à la maison poulaga ? La forme et le fond. Je m'explique.

Voici les paroles de la chanson « B.A.C dans les bacs Â», trouvées sur le site du « Brigadier Â» (lien):

« B.A.C dans les bacs
car le malaise policier est exponentiel
B.A.C dans les bacs
et certains officiers sont suicidaires potentiels
B.A.C dans les bacs
léve les mains en l'air si mon discours t'interpelle
B.A.C dans les bacs
pour tous les faux coupables qu'on a rendu criminel

La où la "B.A.P.S.A" trinque avec les "I.P.M" j'ai mis de côté le C.S.A tout comme le "R.I.P.N" pour passer aux aveux, loin de toutes bavures qui commet d'office des "baveux". Volontaire, calibrer mon "inter" sur les ondes de france inter pour exprimer la blessure d'un coeur sous la "pelure" qui bat sur la mesure. De l'"U.A.R" à l'"U.V.P", interne est la guerre qui se génère sur la "V.P". Car le malaise policier est exponentiel, et certains officiers sont suicidaires potentiels. On réclame le salaire, des heures suplémentaires promis par le ministére. Loin de toute réalité, informez nos "tauliers" que Maigret commissaire, n'est qu'un rôle de feuilleton joué par Brunot Crémaire

"les policiers considerent que les jeunes les narguent, et les jeunes que les policiers les provoquent"

Les rangs nous seduisent au detail mais nous réduise à du betail en sous effectif. de plus en plus depourvu de sentiment affectif. je reste loin du mepris, même si mon "deux tons" cri, c'est de l'espoir que j'ecris altruitement, puisque l'on se contente, d'une police mécontente qui travaille gratuitement là où tout agissement focalise l'attention, généralise l'intention peu commune mais coutumière. Selon l'idéologie, la banlieue c'est l'étranger fait d'idéaux logiques qui nous perdront tôt ou tard, donc autant s'échanger la déontologie contre le guide du routard. Du regard dévêtue, des hommes de bleu vêtus qui s'egarent dans des vécus entre faction et fiction là où la friction conditionne l'effet de la cause d'une hiérarchie qui commissionne.

"Les policiers de Dunkerque se font taper sur les doigts, leur hiérarchie estime qu'ils ne dressent pas assez de procès verbaux pour infraction au code de la route, une note de service les invite donc à faire des efforts".... "alors on crée ce sentiment, cette panique qui consiste à dire : vous vivez au bronx, tous, votre vie est en permanence en danger et donc on met du bleu partout"... "on met des policiers débutant dans les quartiers les plus difficiles, ça ne s'améliore pas aujourd'hui" Â»

La forme abonde de références policières. Une orgie de preuve, une abondance d'expressions qui, au delà de donner un style, font penser à du mauvais jargonnage, un peu comme lorsqu'un chercheur incompétent fait une conférence et dissimule l'absence de maîtrise de son sujet en noyant son auditoire de références improbables. Le profane n'y verra bien souvent que du feu. L'initié, lui, a contrario, risque de tiquer, sauf si c'est extrêmement bien fait (cf. Affaire Jean-Claude Roman lien). Trop d'évidences agitées sous notre nez ont de quoi susciter le soupçon. Il est tout à fait possible pour quelqu'un sans lien avec la police de connaître ces références : les individus connus des services de police passent suffisamment de temps dans leurs locaux pour ne pas être ignares en la matière (de la même manière, bien des policiers connaissent les us et coutumes des populations sujettes à forte délinquance) ; par ailleurs, internet y donne assez largement accès (lien).

Et si la forme abonde de références policières, se pose la question de la cohérence de leur choix ou assemblage. Le policier rappeur exercerait sa fonction en Seine-Saint-Denis, pourtant il commence par nous parler de la BAPSA (lien), dépendante de la Direction de la Police Urbaine de Proximité (DPUP) de la Préfecture de Police de Paris, donc territorialement limitée au département 75. Puis, il nous parle d'une guerre interne entre UAR et UVP, précisant qu'il s'agit des Unités Auto-Routiére et des Unités Voie Publique. Drôle de guerre sans combattant, vu que les UAR n'existent plus depuis 2004 (lien), établies depuis en CRS Autoroutières autonomes. Drôle de guerre dans tous cas de figure, sans ligne de front ni matière à comparaison, vu le peu de rapport entre l'activité de police en agglomération et celle en autoroute. Plus loin, le Brigadier évoque « Maigret commissaire [qui] n'est qu'un rôle de feuilleton joué par Brunot Crémaire [sic] Â». Passons sur l'orthographe douteuse du nom et prénom de l'acteur Bruno Cremer (lien). Passons sur la réduction de l'oeuvre de Georges Simenon (lien) à des feuilletons télé. Mais quel policier aurait l'idée absurde de comparer un mythe fictif du 36, quai des Orfèvres, de la PJ, avec la réalité d'un commissaire chef d'une circonscription de sécurité publique ? Une telle analogie est aussi incongrue que celle entre UAR et UVP.

La forme n'atteste pas d'une familiarité avec la grande maison, bien au contraire. Que dire du fond ? Certains propos sont tout bonnement incompréhensibles ; que peut bien signifier « on se contente d'une police mécontente qui travaille gratuitement là où tout agissement focalise l'attention, généralise l'intention peu commune mais coutumière Â».

D'autres -lieux communs, truismes- surfent sur des problèmes inévitables et fréquents dans toute profession, comme le sentiment d'incompréhension du subordonné de la part de son supérieur (« informez nos "tauliers" que ... Â») ou encore les dérives de l'approche comptable des missions de service public. D'autres encore reprennent des vulgates qui appelleraient pourtant à discussion. Ainsi, il nous est conté que « on met des policiers débutant dans les quartiers les plus difficiles, ça ne s'améliore pas aujourd'hui Â». Oubliant que les policiers débutants d'aujourd'hui ont une formation bien plus longue qu'autrefois et, surtout, que les moins doués d'entre-eux au cours de cette formation ne sont pas affectés dans les zones urbaines sensibles, assez demandées par les policiers motivés, mais à Paris intra-muros, notamment à la Direction de l'Ordre Public et de la Circulation (DOPC lien) de la Préfecture de Police. Oubliant également, et c'est valable aussi pour les enseignants, c'est que l'expérience acquise dans un département normal n'est pas forcément de grand secours dans un département sensible.

Si l'on fait le compte, la plupart des propos sont gratuits, sont des généralisations, intrinsèquement invérifiables - « tous les faux coupables qu'on a rendu criminel Â», « Depuis le Patriot Act de monsieur Nicolas, tous les abus sont possibles Â», « les descentes sans décence Â», « les traquages au faciès Â». Invérifiables et curieux dans la bouche d'un policier, qui doit ignorer que certains de ses collègues ont déjà reçu des sanctions pour des faits aussi triviaux qu'un tutoiement. Invérifiable et curieux dans la bouche d'un policier, qui ne doit pas souvent se pencher sur les décisions de la justice correctionnelle pour croire à une omnipotence policière.

Mais le plus curieux réside dans le fait que les rares propos qui évoquent une question précise sont des cas qui ont fait les choux gras des médias. Ainsi, notre « brigadier Â» « réclame le salaire des heures supplémentaires promis par le ministère Â». Il s'agit là d'une revendication qui a provoqué de très médiatiques manifestations en 2007 (lien) des fonctionnaires du corps de commandement, c'est-à-dire des officiers de police, pour qui, vu la réforme en cours dite des corps et carrières, ces heures ne sont désormais plus décomptées. Cela ne concerne en rien les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application (corps auquel appartiennent les brigadiers de police) pour lequel les heures supplémentaires restent principalement récupérées sous forme de congés selon les dispositions de l'article 113-34 du Règlement Général d'Emploi de la Police Nationale (RGEPN lien). Autre exemple, notre « Brigadier Â» évoque, comme s'il était représentatif, le cas de policiers de Dunkerque qui se plaindraient du nombre de « timbres-amende Â», c'est à dire de verbalisations contraventionnelles (généralement au code de la route), qu'on leur demande d'établir. Là aussi, il s'agit d'un cas de contestation médiatisée, il est très facile de la trouver sur internet, par exemple là lien ; et il peut laisser sourire, songeant que les contestataires semblent estimer excessif d'attendre un peu plus de vingt-deux timbres-amendes par an par fonctionnaire de voie publique, c'est à dire moins de deux contraventions relevées par mois par fonctionnaire.

Pour conclure, vu le fond et la forme de son propos, même s'il est impossible d'absolument exclure l'hypothèse de l'idiot utile, l'imposture semble probable, tant ce « brigadier Â» qui, en dépit du jargonnage qu'il assène, semble très largement ignare des réalités de la police en France. Et on devait se laisser aller à jouer aux devinettes, je chercherais du côté de l'extrême-gauche, à la fois du fait de la médiocrité musicale et lyrique évidente (on est loin de la qualité ou de l'énergie de lien lien lien lien etc), à la fois par les références et thèmes qui sont des redites du discours habituel qu'on peut lire dans les commentaires de rue89.

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« 21 juillet, Encore une tuile ? Laisse béton.   

    7 juillet, Quand les pouvoirs publics se tirent une balle dans le pied Â»

1.

"Si l'on fait le compte, la plupart des propos sont gratuits, sont des généralisations, intrinsèquement invérifiables - « tous les faux coupables qu'on a rendu criminel », « Depuis le Patriot Act de monsieur Nicolas, tous les abus sont possibles », « les descentes sans décence », « les traquages au faciès ». Invérifiables et curieux dans la bouche d'un policier, qui doit ignorer que certains de ses collègues ont déjà reçu des sanctions pour des faits aussi triviaux qu'un tutoiement. Invérifiable et curieux dans la bouche d'un policier, qui ne doit pas souvent se pencher sur les décisions de la justice correctionnelle pour croire à une omnipotence policière."

Justement, pourriez-vous nous fournir pour vérification ces décisions sanctionnant un tutoiement ou les autres auxquelles vous faites référence ?

Posté le 21.07.2008 à 18h17 par Moa

2.

Je dois reconnaître que, pour le coup, vous ne manquez pas d'habilité, en m'imposant de ne pas me laisser aller à la gratuité.

Pour le cas du tutoiement, non, je ne peux apporter d'élément probant. La Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose dans son article 67 que « L'autorité [doté du pouvoir disciplinaire] peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs ». À défaut de sanction disciplinaire spécialement publiée, il est impossible de prouver quoi que ce soit en la matière.
Alors, à quoi bon opposer un fait invérifiable à un autre, me demanderez-vous ? Disons que ce fait que j'évoque est vérifiable par qui a dans ses relations des personnes familières avec « la grande maison », tel ce « brigadier » si il est qui il prétend être.

Pour ce qui est des « décisions de la justice correctionnelle » qui n'invitent pas à « croire à une omnipotence policière » (précisont que ce propos, en soi, n'est pas une contestation de la justice correctionnelle, mais la contestation de l'idée que cette justice est inféodée à la police), j'en ai fait la mention plusieurs fois sur ce blog, même si, certes, je n'ai pas fait de catalogue.
Exemples : deux jeunes individus reconnus coupables de violences volontaires en réunion ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours sur personnes chargées d'une mission de service public, infraction faisant encourir une peine de 7 ans d'emprisonnement. Résultat, 7 et 6 mois d'emprisonnement. Drôle de pays tout répressif, dont les jugements sont étonnement cléments par rapport aux peines encourues.

Posté le 21.07.2008 à 19h31 par Enclume des Nuits (auteur du blog)

3.

Ce n’est pas de l’« habileté ».
C’est une mise en lumière de votre pensée viscérale jamais démentie : Faite ce que je dis, pas ce que je fais, en l’occurrence, à quelques lignes d’intervalles.
Cela a déjà été vu, sur le fond cette fois, dans des anciens billets et commentaires de votre cru, à propos du respect de la Loi et de la sauvegarde de la Morale.
Quand on veut donner des leçons, puisque tel est votre crédo, il faut être honnête ainsi que droit et de la sorte commencer par s’appliquer à soi-même ce que l’on reproche à autrui.
L’Enclume Patoulatchi en est très loin.

Posté le 23.07.2008 à 16h29 par Moa

4.

Vous êtes libre de conclure de la sorte.

J'ai en effet manqué de détailler en quoi mes deux remarques n'étaient pas gratuites dans mon article.

Maintenant que c'est fait, votre position reste inchangée. C'est curieux, mais ça vous regarde.

Posté le 23.07.2008 à 19h37 par Enclume des Nuits (auteur du blog)

5.

Bien entendu votre réponse n’est pas du tout satisfaisante, puisqu’elle se contente de fournir des (vos) explications quant à une justification du caractère gratuit de vos propos. Autrement dit, ces derniers demeurent fondés sur vos propres affirmations invérifiables, c’est-à-dire ce que vous reprochez à M. Jamel Boussetta.
Et il serait « curieux » de ne pas se contenter de votre réponse ?
Décidément ! Vous osez vraiment tout !

Posté le 27.07.2008 à 9h47 par Anonyme téméraire

6.

Bon, ça y est, le masque est tombé, j'avais donc (sans trop de mérite) vu juste :

<lien>

Posté le 17.03.2009 à 23h36 par Enclume des Nuits
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