Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

.

Ici :

Ailleurs :

« Sur un malentendu... »

mardi I juillet MMVIII

« ... ça peut toujours marcher », comme le disait Jean-Claude (lien). C'est un conseil que semblent affectionner ceux qui aiment à trouver du scandale judiciaire, comme dans cette affaire de Thionville où une fille se voyait poursuivie pour avoir volé et falsifié des chèques à sa mère (lien), se mortifiant qu'on puisse passer outre l'immunité familiale prévue pour le vol, passant sous silence que celle-ci est hors-sujet pour la falsification de chèques.

Il en va du même esprit, semblerait-il, dans cette affaire de médecin condamné car il « a soigné un homme blessé par balles, et lui a probablement sauvé la vie [sans l'avoir] dénoncé [alors qu'il était] soupçonné d'avoir participé à une tentative de braquage d'un fourgon blindé en 2005 » (lien - Libération Lille, avec l'AFP, 01 juin 2008). En détail, « c'était le 15 septembre 2005, quelques heures après une tentative de braquage violente d'un fourgon Sécuritas, à Villeneuve d'Ascq, près de Lille. Le médecin est sollicité pour aller soigner un homme blessé par balles au ventre. Il sait que l'homme blessé pourrait avoir pris part au braquage, il y va quand même, le soigne, et ne le dénonce pas. Conformément au serment dit "d'Hippocrate" que prêtent les jeunes médecins avant d'exercer ». Bien évidemment, « pendant le procès, son avocate avait demandé la relaxe : "Comment peut-on condamner un médecin qui n'a fait que son devoir ? Il avait l'obligation de soin et de secret médical. Il devait soigner et devait se taire" ».

Inutile de se demander si le médecin avait l'obligation de soigner le blessé ; passons outre les évidences. Le médecin avait-il « l'obligation de secret médical » comme le plaide son avocate ? La chose peut se discuter. L'article 434-1 du Code pénal réprime « le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ». En d'autres termes, si le citoyen lambda rencontre un braqueur, c'est un devoir pour lui de le dénoncer. Mais, sans doute parce qu'il est acceptable d'entraver l'action judiciaire si cela permet de sauver une vie, même celle d'un criminel, il est permis aux « personnes astreintes au secret [dont font partie les médecins] dans les conditions prévues par l'article 226-13 [du Code pénal]» de s'abstenir de dénoncer un crime. Les médecins n'ont pas l'obligation de dénoncer, ont-ils pour autant celle de se « taire » ? L'article 226-14 du Code pénal prévoit que l'infraction de violation de secret professionnel ne peut être reprochée « aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une ». Si cette disposition ne semble pas prévue pour le cas des braqueurs, il est sans doute possible d'y recourir dans certains cas.

Quoi qu'il en soit, rien de tout cela n'explique comment un médecin tenu au secret médical peut se retrouver condamné pour avoir soigné et omis de dénoncer un braqueur. C'est « un jugement décevant, incompréhensible » serions-nous tenté de dire comme le fait Me Blandine Lejeune, avocate du condamné. Mais l'explication est pourtant élémentaire, le médecin a été poursuivi et condamné pour « recel de malfaiteur », c'est à dire, selon l'article 434-6 du Code pénal pour avoir « fourni à la personne auteur ou complice d'un crime [...] un logement, un lieu de retraite, des subsides, des moyens d'existence ou tout autre moyen de la soustraire aux recherches ou à l'arrestation ». Bref, tout autre chose que des soins médicaux et un peu de silence.

La conclusion qui s'impose, c'est que, comme trop souvent, nous ne disposons pas de toutes les informations nécessaires pour comprendre cette condamnation. C'est un problème récurrent avec une certaine presse. Radotons, donc, et disons une fois encore que peut-être qu'un chantier d'avenir pour la Justice est là : la publication immédiate des jugements rendus, via internet. C'est un principe de notre Justice d'être publique ; à quand une publicité adaptée aux moyens modernes de communication ? Peut-être que nous, citoyens, la comprendrions mieux, si la Justice se montrait à nous (lien).

.

«  2 juillet, Quel est cet orage qui gronde ?   

   30 juin, Moi j'me goure de sirène »

Pseudonyme, nom :

Adresse (url, courriel) :

Titre du commentaire :

Commentaire :

Retour à l'index