Quel est cet orage qui gronde ?
mercredi II juillet MMVIIIL'affaire de Carcassonne, où lors d'une démonstration publique, un militaire à tiré en direction de la foule avec des munitions réelles au lieu de munitions à blanc a de quoi étonner. Étonnement, car ce militaire faisait partie d'un groupe d'élite, le Groupement des commandos parachutistes du 3ème RPIMa, qu'on n'imagine pas capable de fautes aux conséquences potentielles aussi dramatiques. Étonnement, car le président de la République Nicolas Sarkozy, courroucé, est allé jusqu'à parler d'une « absence de maîtrise de l'organisation de ces journées portes-ouvertes [...] effrayante », d'un « relâchement extrêmement grave, tout à fait anormal » (lien). Étonnement, enfin, par la démission du général Bruno Cuche (lien), chef d'état-major de l'Armée de terre, à un mois de sa retraite (lien), outré par les déclarations de Sarkozy selon la rumeur de la Grande muette (rumeur et muette, voilà un paradoxe !).
La question induite par les déclarations de Sarkozy est celle de la responsabilité de l'Armée tout entière dans ce drame. Mérite t-elle d'être accusée « d'amateurisme » ou s'agit-il de l'erreur d'un seul homme ?
Certains estiment inimaginable qu'un soldat ait pu disposer de munitions. À les entendre, il faudrait que chaque étui vide soit compté après chaque exercice de tir, afin de s'assurer que toutes les cartouchées non percutées aient bien été réintégrées dans la soute à munitions. Ce serait un tort de l'Armée d'avoir failli à ce décompte. Une telle proposition me semble du plus déraisonnable, en particulier lorsqu'on parle de bataillons d'élites qui tirent des centaines de cartouches à intervalle régulier. Compter les étuis vide deviendrait sans doute un métier à part entière.
D'autres tendent à considérer que c'est le faute d'un seul homme. Après tout, le sergent est seul mis en examen (lien), et ce pour avoir « inconsciemment complété un chargeur à l'intérieur duquel il existait des balles réelles qui provenaient d'un résidu de tirs avec des balles à blanc et, deuxième erreur, d'avoir utilisé ce chargeur lors de cette manifestation ». Il aurait notamment du se rendre compte d'une différence de poids en se saisissant du chargeur : dans le cadre d'un rechargement d'urgence, rien n'est moins sûr.
Pour ma part, je remarque que le principe de sécurité inévitable lorsqu'une arme à feu est manipulée, c'est de la considérer comme chargée (à cartouches réelles) jusqu'à preuve du contraire. De ce principe découle une règle incontournable : en aucun cas l'arme ne doit être manipulée en direction d'un être vivant.
Si on se permet de faire un exercice où il est prévu de manipuler cette arme en direction d'êtres vivants, il me semble élémentaire de vérifier systématiquement le contenu de chaque chargeur. C'est un strict minimum. Même s'il s'agit de soldats d'élites ; la confiance n'exclut pas le contrôle, et cet incident est bien là pour nous rappeler sa pertinence. Il ne s'agit pas d'infantilliser des soldats d'élites, bien sur, par un contrôle hiérarchique ; un simple contrôle entre pairs aurait fait l'affaire.
Sans vouloir préjuger des suites de l'enquête, remettre tous les torts sur un seul homme parait malaisé. Soit le contrôle était prévu et n'a pas été fait -auquel cas il y a au moins deux fautifs-, soit le contrôle n'était pas prévu -auquel cas, il y a un trait de légèreté qui frise avec l'amateurisme, vu qu'il était prévu de tirer dans la foule.
Esperons que, au delà du brouhaha, seront vite tirées les conclusions qui s'imposent quant aux contrôles nécessaires en cas d'exercices de ce type. Espérons aussi que la Justice saura se montrer clémente pour ce soldat, s'il est établi qu'il n'y avait aucun caractère intentionnel dans ce tir à balles réelles.