Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Vers une Déconstituante ?

samedi XV septembre MMVII

Souvenez-vous, en 1789 en France était née l'Assemblée nationale constituante sous la houlette des députés des États généraux. Cette dernière avait pour objectif de définir la Nation, de la constituer, maintenant que la sujétion au roi de France n'était plus considérée comme suffisante pour définir les Français. Cette assemblée nous a donné la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que la Constitution de 1791 (type monarchie constitutionnelle).

À présent, on nous propose de retirer de la Constitution (de 1958) un ajout récent : l'article 88-5 qui dispose que « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République ». Pourquoi donc ? Nul ne le sait. Jean-Pierre Jouyet (lien) demande s'il « faut maintenir ou supprimer cette disposition », remarquant qu'elle « ne connaît aucun équivalent dans les autres États membre ». Il reconnaît que c'est un sujet « délicat, qui peut faire débat » (lien, AFP, 14 septembre 2007). Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'un changement constitutionnel est une affaire délicate. Ce n'est pas tout à fait comme si, dans une constitution, on plaçait des articles au hasard, sans trop savoir pour quoi (exception faite du cas du fourre-tout du Traité établissant une Constitution pour l'Europe). Jouyet s'appuie sur « le fait que [le référendum] pourrait faire échouer, pour des raisons de politique intérieure française, des candidatures légitimes de pays ayant franchi le cap de difficiles négociations », et « cela peut mettre la France en difficultés à l'égard des pays qui ont une vocation indiscutable et indiscutée d'adhérer à l'UE » : reste à savoir si un pays dont les Français ne pensent pas qu'il doit appartenir à l'Europe a vocation indiscutable à appartenir à l'Europe. Par ailleurs, reste encore à définir le caractère de l'Europe. S'il ne s'agit que d'une alliance économique, alors ce sont des critères économiques qui doivent la régir en premier lieu. Mais s'il est question de créer une cohésion politique, et donc sociale, alors il conviendrait de redéfinir le cadre social impératif des états membres. Il devrait notamment sauter aux yeux qu'on ne peut pratiquer le libre échange économique avec des pays sans système social, tout particulièrement pas en subventionnant les bribes de système social existant de ces pays. C'est pourtant ce que semble être l'Union Européenne aujourd'hui : des pays comme la France doivent démanteler leur système social pour pouvoir financer les subventions dont bénéficient les pays fraîchement entrés dans l'UE et rester économiquement compétitifs avec ces mêmes pays où la main d'oeuvre ne coûte rien, justement du fait de l'absence de tout système social financé localement. Certains optimistes pensent qu'une fois que ces pays se seront développés économiquement, ils se développeront socialement. Étrangement, lorsque ces pays se développent, la zone de libre échange s'élargit et le vent tourne dans une autre direction. Hormis les grandes groupes transnationaux et les places boursières, la réelle difficulté est de trouver des bénéficiaires réels à ces mouvements perpétuels. Dans l'idée d'établir une union européenne sociale, il ne devrait plus être question d'adhésions mais de démissions. Le Groenland semble l'avoir compris (lien). Notre président l'a peut-être compris, lui qui pour le moment ne prend pas parti... reste à voir si son coeur penchera pour la France ou pour la bourse de Paris.

On ne s'arrête pas en si bon chemin et l'on se propose également d'altérer l'article 3 de la Constitution qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. [...] Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». En effet, Jack Lang estime que « Les résidents étrangers qui viennent hors de l'Union européenne et qui vivent depuis plus de cinq ans en France et paient leurs impôts doivent pouvoir voter aux élections locales » (lien, AFP, 14 septembre 2007). Fustel de Coulanges disait qu'être Français est une affaire de coeur. De fait, notre nationalité peut-être acquise (lien) : il suffit de vivre depuis 5 ans en France, être de bonne moralité (ie : ne pas avoir fait l'objet de condamnations) et être assimilé à la communauté (savoir parler Français et connaître les principes fondateurs de la République). En bref, celui qui, selon les conditions de Jack Lang, devrait pouvoir voter le peut déjà : il lui suffit de désirer et demander l'adhésion à la Nation. Que penser de celui qui ne fait pas cette démarche ? Son coeur n'est pas suffisamment présent pour faire la démarche mais il devrait pourtant pouvoir concourir aux choix de la destinée des nationaux ? La souveraineté nationale devrait-elle appartenir non plus au peuple français mais aux habitants de la France ? On note que notre actuel président de la République s'était autrefois annoncé favorable à cette mesure que j'estime anti-civique. Il ne faut pas trop s'empresser de satisfaire des groupes qui veulent des communautés, au lieu de réclamer l'appartenance à la communauté, dans une visée électoraliste à court terme ; il faut prendre en compte les aspirations à long terme de ces personnes et se demander si elles sont compatibles avec l'intérêt commun.

On a voulu nous imposer une Constitution pour l'Europe comme s'il s'agissait d'une simple formalité. S'agit-il à présent d'amputer celle de la France sans coup férir ?

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« 16 septembre, Simplifications législatives : où le besoin se fait-il sentir ?   

   14 septembre, Les soldats perdus de la CRS n°7  »

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