Post-scrutin : la démocratie en question à gauche, suite
dimanche XXVII mai MMVIILe 14 de ce mois, j'évoquais brièvement cette gauche là qui professe son non-ralliement à la démocratie, c'est-à-dire sa non-acceptation du fait que, par la voie des urnes, le peuple français a fait porter sa voix (lien) à l'occasion d'un scrutin au résultat pourtant net.
Cette gauche là n'hésite pas à oeuvrer à la mise en échec de l'application des lois de la République, notamment du CESEDA, code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (lien), encore aujourd'hui (lien « un vol annulé après l'intervention de passagers contre une expulsion » : des passagers... membres de RESF), indépendamment du fait que le scrutin présidentiel a donné toute légitimité à la politique menée par l'ex-ministre de l'Intérieur devenu ainsi président de la République.
En juillet 2006, RESF déclarait que « l'événement le plus important provoqué par l'action des collectifs de sans papiers et le RESF nous semble être l'évolution d'une part de l'opinion sur la question de l'immigration et des sans papiers. La médiatisation des affaires des enfants et des parents sans papiers a été un cinglant démenti aux insinuations des ministres de l'intérieur successifs qui n'avaient de cesse de charger l'immigration de tous les péchés. Brutalement, le sans papier prenait le visage de l'élève de sa classe, du copain de ses enfants, de la maman qu'on côtoie tous les jours à la sortie de l'école. La multiplication des affaires, les centaines d'écoles concernées, les dizaines de visages vus à la télévision ont fait bouger les regards et la conscience d'une fraction de la population. Sur les familles, bien sûr. Mais aussi, plus largement sur l'ensemble des sans papiers. En prenant appui sur la situation des familles, le RESF a fait avancer la cause de tous les sans papiers. Les quelque deux cent mille signatures recueillies par les pétitions UCIJ et RESF, les actions concertées conduites avec des syndicats aériens, l'engagement de personnalités, les prises de positions de personnalités politiques qu'on avait connues plus frileuses sur la question, les sondages et, pour finir, les reculs quand même imposés à Monsieur Sarkozy disent que les choses sont en train de changer » (lien).
Assurément, la vision d'un vaste ralliement, du pékin lambda (pétitions, sondages) aux célébrités, en faveur d'une désobéissance dite civique (lien) était commode pour pouvoir séduire au-delà des révolutionnaires, parmi les démocrates.
Mais depuis, un scrutin net a porté au pouvoir celui qui s'était fait l'artisan de cette politique contestée. On peut, certes; toujours être opposé à cette politique -personnellement, je n'y suis ni opposé ni franchement favorable- mais le respect des règles démocratiques voudrait que, désormais, on s'y plie, qu'on la reconnaisse comme le voeu de la majorité.
La gauche réformiste, au contraire de la gauche révolutionnaire, acte en légiférant pour réguler une société naturellement injuste. Dès lors que, répondant à l'appel du pied de la gauche révolutionnaire, cette gauche réformiste se met à jouer le jeu de la désobéissance civique, dès lors qu'elle se permet de décider toute seule quelles lois appliquer et quelles lois ignorer, elle autorise la droite libérale à en faire de même, faisant du respect de la loi non plus une obligation mais la conséquence d'un rapport de force. In fine, agissant ainsi, elle sabote le fonctionnement social d'une démocratie, ce qui est son outil de travail, en faisant des lois une option facultative, que l'on pourra ignorer si l'on est assez fort pour cela.
Certains ont reproché à la candidate du Parti Socialiste à l'élection présidentielle d'avoir mené une campagne trop à droite. Je ne pense pas que cette analyse soit pertinente, je ne crois pas que Ségolène Royal ait mené une campagne spécifiquement et excessivement à droite ou à gauche. Mon sentiment est plutôt que le PS a payé à cette élection l'amalgame en son sein de mouvances normalement d'extrême gauche (exemple RESF) - le noyautage (lien) ne serait-il pas d'actualité ? Si Nicolas Sarkozy a voulu prendre l'électorat de l'extrême droite, il n'a néanmoins jamais remis en question les principes fondamentaux qui différencient la droite de l'extrême droite (notamment le refus d'une vision ethnique de la nationalité et, corollaire, le refus de l'antisémitisme). Le PS, lui, a accepté, notamment sous la houlette de Jack Lang, d'entrer en voie d'illégalité au nom de la bonne cause, par exemple avec les « parrainages républicains » (lien), une approche révolutionnaire et non réformiste. Le PS lui-même s'est ainsi donné en spectacle comme une organisation peuplée de gens prêts à mettre entre parenthèse la démocratie, prêts à bafouer les lois ; un spectacle écoeurant pour un réformiste simple, qui croit que c'est par les lois qu'on organise la société, et non par le biais de rapports de force n'étant pas instaurés par scrutins.