La foire du Nord à la gare du Trône
mardi X avril MMVIISi vous suivez l'actualité, vous n'êtes pas sans savoir qu'un gardien de la paix est mort hier à la foire du trône : « le policier décédé serait intervenu parce que des jeunes voulaient accéder au manège sans payer » ; « les premiers témoignages semblent attester qu'il n'a pas été poussé » (lien).
L'émeute récente à la gare du Nord nous permet de déduire logiquement l'avis des certaines organisations politiques sur le sujet.
Ainsi, Olivier Besancenot (LCR) pourrait écrire : « L'évènement fait couler beaucoup d'encre et de salive. Les évènements de la foire du Trône ont mis Sarkozy d'excellente humeur électorale. On va pouvoir enfin parler d'insécurité, histoire de booster encore un peu plus le score dans les sondages. On va pouvoir verser des larmes de crocodile sur les victimes et faire les gros yeux aux voyous, leur promettre le karcher. Bref, l'occasion de remettre un franc dans la machine sécuritaire, qui a déjà maintes fois fait la preuve des risques qu'elle comporte et du fait qu'elle n'est efficace qu'électoralement. L'occasion aussi de faire preuve de condescendance pour ceux qu'il appelle les « braves gens » et son mépris pour ceux qui ne payent pas leur billet de manège. Comme si la société était divisée en deux, les braves gens qui payent et les salopards qui fraudent. Comme si derrière les fraudes, il n'y avait que de la malice et jamais de misère. Seulement voilà, parmi les « braves gens » qui payent, il y en a aussi qui sont solidaires de ceux qui n'ont pas les moyens de payer leur place de manège à la foire du trône, il y en a aussi qui n'aiment pas les violences policières. Pour empêcher le contrôle policier, il n'y avait pas que des jeunes. Dans la file d'attente, des « braves gens » se sont interposés, d'autres ont même proposé de payer le manège. Par ailleurs, cette affaire en dit long sur les rapports entre la police et la population qu'a contribué à installer la politique de Sarkozy. Le responsable de FO-Police parle même d'hystérisation de ces rapports, c'est dire ! Il y a pourtant les moyens pour que ça dérape moins. Pourquoi pas ne pas commencer par rendre les manèges de la foire du Trône gratuits ? Les manèges gratuits pour tous, ça coûterait 1,5 milliards d'euros en Ile-de-France, l'équivalent d'un sous marin nucléaire. Et combien ça rapporterait à la société, avec une ville moins engorgée et la pollution qui recule, ce qui est tout à fait en rapport avec le sujet ? » (lien).
Julien Dray (PS) et Delphine Batho (secrétaire nationale chargée de la sécurité au PS), eux, déclareraient sans doute : « Jamais la société française n'a été aussi violente. Jamais les rapports entre le service public de la police nationale et la population, c'est à dire ceux qui ne paient pas leur ticket de manège à la foire du Trône, n'avaient été aussi dégradés. Les policiers ne peuvent plus faire leur travail dans des conditions normales et disent eux-mêmes que cela ne peut plus durer. Cette situation devrait interpeller tous les responsables car elle est extrêmement dangereuse pour le Pacte républicain. Plutôt que de perdre leur sang-froid, les portes paroles de l'UMP devraient balayer devant leur porte car, après cinq ans au pouvoir, ces violences illustrent dramatiquement la réalité du bilan de l'ex-ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy : celui-ci est désastreux. Les socialistes n'ont donc pas de leçons à recevoir. Il faut avoir le courage de regarder la réalité en face. C'est ce que fait Ségolène Royal qui préconise une fermeté et une précocité nouvelles pour prendre à bras le corps la montée de la violence dans la société française. Nous sommes prêts à en débattre avec qui veut. » (lien). Qu'est-ce qu'une « fermeté et une précocité nouvelle » vous demandez-vous ? C'est « recadrer un certain nombre de règles dans notre société », « que ces règles soient rappelées à tous », dixit Ségolène Royal. Un rappel « à tous », un rappel collectif donc, comme s'il y avait une faute collective généralisée. Logique quand on voit dans ces émeutes « une telle rupture entre les citoyens et les professions en uniformes », s'étonnant que « les contrôleurs sont de plus en plus mal reçus » (lien). Il est donc question d'être ferme avec tous les citoyens, comme si tous les citoyens étaient concernés. Ça doit être cela, « voir la réalité en face », au PS de l'an 2007. Dont acte : en 2008, à la foire du Trône, sera précisé que les tickets de manège doivent être payés, pour lever tout doute bien légitime.
Pour Dominique Voynet (Verts), « Les causes profondes de tels événements sont à chercher dans une situation sociale détériorée, dans les échecs répétés des politiques de la ville, de l'emploi, de l'éducation, du logement, de l'égalité des droits de l'accès aux manèges de la foire du Trône, etc. [...] Il faut changer les politiques publiques, et en particulier oeuvrer à la fin des quatre systèmes d'humiliation qu'ont dénoncé à leur manière les émeutiers : l'humiliation face aux violences de la police et le "silence" de la justice ; l'humiliation face à la question de l'accès aux manèges de la foire du Trône ; l'humiliation face aux inégalités liées à l'école ; l'humiliation face à une "sous-citoyenneté" due aux discriminations et à une sous représentation politique. C'est en donnant à chaque citoyen les mêmes possibilités d'épanouissement par l'éducation, la mobilité, l'emploi, le logement, les tickets de manège et la citoyenneté que nous sortirons de cette impasse de l'exclusion » (lien).
Quant Marine Le Pen (FN), elle pourrait suggérer que « le clandestin qui, en refusant de se faire contrôler, a provoqué une émeute à la foire du Trône lundi soir, aurait dû attendre trois jours : en effet, grâce au Président du Conseil Régional d'Ile-de-France il n'aurait pas du tout payé son ticket de manège ! Depuis le 1er octobre, les bénéficiaires de minima sociaux comme l'AME ou la CMU ont droit à une réduction de 75 % sur les tickets de manège , et le 31 mars les titulaires du RMI ne les paieront même plus du tout. Le Groupe Front National au Conseil Régional d'Ile-de-France aurait approuvé cette mesure si elle s'était appliquée aux Français uniquement, mais M. Huchon a tenu à l'étendre aux étrangers » (lien). Ajoutons que le fait qu'il y ait des resquilleurs est, « au-delà des tabous et de l'omerta médiatique, [...] la conséquence directe de la politique d'immigration massive et aberrante menée par les gouvernements successifs depuis trente ans » (lien).
De son côté, le Syndicat de la Magistrature pourrait affirmer « qu'un simple contrôle de ticket de manège aboutisse à de tels événements résume les résultats absurdes et déplorables de la stratégie de la tension mise en oeuvre depuis des années par Nicolas Sarkozy. L'accumulation de lois répressives, notamment concernant la foire du Trône, stigmatisant plus particulièrement les jeunes et les étrangers comme catégories dangereuses, les provocations verbales de Nicolas Sarkozy et la politique du chiffre imposée à la police encouragent des pratiques de contrôles de tickets de manège à la foire du Trône et d'interpellations systématiques. Cette politique a pour but de diviser de manière artificielle la société en deux camps : celui des bons et celui des mauvais citoyens. Elle a pour conséquence de créer un climat de tension et de défiance entre la population, c'est à dire ceux qui ne paient pas leur ticket de manège à la foire du Trône, et les forces de l'ordre » (lien).
Le plus croustillant, ce bon vieux José Bové, fidèle à son slogan « osez Bové », pourrait, lui, constater très sobrement que « Il y a une responsabilité évidente des forces de l'ordre dans ce qui s'est passé ». Si jamais il devait y avoir des « condamnations contre [des] participants aux incidents de la foire du Trône », il ne manquerait pas de rappeler qu'il est « dangereux de juger dans l'immédiateté sauf lorsqu'on accuse les forces de l'ordre », qu'il « faut prendre le temps de faire une enquête sauf pour établir la responsabilité des forces de l'ordre » et que, après tout « le fait de ne pas payer son ticket de manège, c'est une amende, point, même si c'est suivi de violences volontaires aggravées » (lien).
(Vous l'avez compris, ce qui n'est pas en italique dans les citations est une adaptation de circonstance, adaptation sans perversion de l'essence du propos cité. Ça laisse rêveur)