Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Quand on confond suicide et homicide involontaire

dimanche III décembre MMVI

La question de la re-pénalisation de suicide (lien) sous la qualification d'homicide involontaire se pose en observant la constance du tribunal administratif de Lyon dans la condamnation (au civil, puisque le pénal n'est pas de son ressort) de l'État dans des cas de suicides réalisés dans le cadre carcéral.

En mai dernier, « le tribunal a noté que le jeune homme s'était "vu prescrire un traitement psychotrope" qui "nécessitait une assistance médicale rapprochée" dont il n'a pas bénéficié. Il souligne aussi que "la distribution quotidienne des médicaments n'a pas été assortie de la vigilance attendue du personnel médical en pareil cas" » (lien). Ce mois-ci, le tribunal estime que « le personnel de l'administration pénitentiaire a commis une succession de fautes qui a privé le détenu d'une chance sérieuse de survie et est de nature à engager la responsabilité de l'Etat » (lien).

Dans les deux cas, on confond suicide et homicide involontaire - car seul l'homicide involontaire justifie la condamnation d'un mis-en-cause qui, sans rechercher le résultat dommageable, n'a pas pris toutes les précautions pour en éviter la réalisation (défaillance par rapport à une norme de conduite). Dans les deux cas, la mort découle de l'action directe et délibérée des décédés, l'un ayant stocké des médicaments (préméditation flagrante), l'autre ayant bu de l'alcool à 70° C.

Comme je l'évoquais en mai dernier la loi, dans sa rédaction actuelle, décourage les tribunaux à prendre en considération le libre-arbitre de chacun. C'est troublant lorsque cela signifie condamner des individus pour les décisions d'autrui. Car la loi semble ignorer la différence entre l'accident et le choix. Même si le choix peut prendre une tournure tragique, le choix fait par un individu disposant de son libre-arbitre ne devrait jamais pouvoir être reproché à autrui.

Bien entendu, ce qui facilite de tels jugements, c'est que c'est l'État qu'on condamne : bref, on joue au grand sport national qui consiste à voir l'État comme une entité malfaisante qu'on peut ponctionner à tort et à travers, sans voir que cette entité est l'outil central de la République. C'est toujours plus facile de condamner l'immatériel, l'administration, plutôt qu'un homme.

Mais de tels jugements, à mon sens, suggèrent de re-pénaliser le suicide. Il ne s'agit plus comme autrefois de punir le suicidé, et sa famille, en lui refusant la sépulture. Non, il s'agit de condamner tout ceux qui n'ont pas eut la force de contraindre le suicidaire à se résoudre à vivre. Je trouve cette idée tout à fait dangereuse. Très concrètement, la seule manière de la rendre acceptable serait de considérer que le suicidaire doit-être placé sous tutelle et que celui considéré comme responsable doit être omnipotent à son endroit -il s'agit bien de considérer que le suicidaire est irresponsable de ses actes-, car je ne peux envisager qu'on considère un homme responsable des actes d'un autre sans même que cela ait été formellement décidé.

Je vous invite à relire la bande-dessinée « Billy the Kid » des aventures de Lucky Luke. Pour creuser encore cette question, on pourra aussi s'interroger sur l'euthanasie et les poursuites du personnel de soin ayant accepté une telle pratique.

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«  6 décembre, Prix d'une vie, prix d'une mort   

   28 novembre, Me Gilbert Collard : Je ne sais rien mais je dirais tout ! »

1.

Nullement, on va d'ailleurs plutôt vers une dépénalisation de l'euthanasie, pour prendre un exemple qui montre qu'il n'y a pas de chasse à l'Etat ou de requalification du suicide en homicide. Mais on peut penser que dans votre exemple, que la personne ne disposait pas de son "libre arbitre", tout comme on "réduit" la responsabilité pénale du malade mental (de moins en moins, il est vrai). On peut penser qu'il y a une différence entre ne pas empêcher quelqu'un de se suicider et le "pousser" à le faire (toute la question est dans les guillemets).

Posté le 14.12.2006 à 21h34 par clic
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