L'humour de Dieudonné
lundi VI novembre MMVILe mois dernier, sur une chaîne du câble passait un spectacle de Dieudonné (lien), « Cocorico », de 2002. Je l'avais déjà vu, j'ai néanmoins pris plaisir à le regarder à nouveau. C'était un spectacle solitaire, donc d'après sa rupture avec Elie Semoun.
Je suis tombé sur un enregistrement de son spectacle « Mes excuses » qui date de 2004, tourné au Canada.
Au bout de 8 minutes, j'ai la fâcheuse sensation d'avoir déjà perdu du temps, un peu comme si j'écoutais un discours de Le Pen. Je ne ris pas, je vois pas où est l'humour. Non, je n'entend que jérémiades, plaintes, ponctuées de remarques portant sur le « peuple élu ». Une sorte de cahier de doléance qui aurait peut-être été rédigé par un agent de l'Okhrana.
Visiblement aigri (« j'ai compris comment ça marche dans le show-business, je vais faire une belle carrière de faux-cul, tu va voir »), il ne blague pas il se lamente sur son sort de martyr : « ils étaient capable de rétablir la peine de mort rien que pour ma face », déclare-t-il par exemple, ce que son auditoire trouve apparemment drôle (ou encore « c'est tout juste s'il ne m'ont pas collé les attentat de Madrid sur le dos » ; le public est plié en deux ; « on en a parlé dans le Herald Tribune [...] comme quoi j'étais une merde internationale »). Bref, si son discours n'est évidemment pas celui de Le Pen, il partage avec ce dernier, qu'il a autrefois beaucoup et intelligemment combattu, l'art de discourir en se reposant sur son image négative, recourant au juif comme Le Pen recourt à l'arabe. Par exemple, quand Dieudonné déclare « Ils m'ont traîné dans la boue. C'est vrai qu'après ce qu'il m'est arrivé, j'aurais pu glisser dans le larmoyant, me répandre dans la pleurniche : [il mime] pardon excusez-moi, 4000 ans de persécutions quand même" », l'ensemble de public applaudit largement, l'ensemble saisissant manifestement l'allusion délicate.
Bien sur, l'obsession de Dieudonné pour le « peuple élu » qui exploiterait les persécutions qu'il a subi pendant des siècles n'est pas absolument antisémite. Il ne dit pas, comme on disait dans les années 1940 et comme on dit aujourd'hui dans les cours d'écoles françaises des banlieues à émeutes, que c'est une bonne chose de taper sur les youpins, youtres, j'en passe et des plus lamentables. On peut imaginer que ses attaques persistantes contre les juifs visent en fait que certains juifs. On peut l'imaginer. On en sait rien. Il attaque perpétuellement ce « ils » qu'il ne défini jamais. C'est vrai qu'il évoque bien « les fiotasses de Tsahal » mais on ne sait pas si cela regroupe l'ensemble du « peuple élu » qu'il voue aux gémonies.
Comme si ce n'était pas assez, il donne en plus dans l'insulte d'une vulgarité incroyable et inutile : « tu fais du Bruel, de la merde en barquette pour jeunes pucelles décérébrées », « BHL en hébreu ça veut dire porteur d'excrément je crois ».
Par ailleurs, il n'oublie jamais, dès qu'il peut, de parler de l'esclavage - un enjeu d'actualité vous en conviendrez (championnat d'ouverture de portes préalablement défoncées). Mais, semble t-il, ne l'intéresse que la petite portion historique de l'esclavage qui fut celle pratiquée par des blancs. Ca l'intéresse d'autant plus lorsqu'il peut trouver à un de ces blancs un nom juif.
Après 26 minutes d'ennui, je me suis interrompu.
C'est naze. J'espère que c'est une phase.
1. Dieudonné en 2006
Dieudonné dans sa vidéo publiée sur le site « les ogres » au lendemain de sa visite du Front National à la fête des BBR :
Au bout de 8 minutes, il n'a pas parlé d'autre chose que de la diabolisation de Le Pen. Manifestement, c'est une véritable passion, un point essentiel, la notion de martyre.
Pendant ces 8 minutes, il a tout de même donné du « nous représentons 10 % », « la population que je peux représenter », « voir ce que chacun a à nous proposer », sans préciser qui est ce nous, qui sont ces représentés. Parfois, ça s'explique tout de même : « l'épouvantail du racisme a très bien fonctionné sur la population que... dont j'étais issu et que je représente ».
Ce serait malhonnête de dire qu'il se revendique communautariste. Il se revendique du contraire. Reste à voir quel sens donner à ce « nous » dont il est « issu », qui sont ces individus qu'il représente à quoi ils se reconnaissent.
Sinon, la notion révolutionnaire me semble être surprésente en filigrane, il ne s'agit que de déstabiliser le système, persuadé que Le Pen « n'aurait pas la possibilité de gouverner », faute de Parlementaires.
Au point de dire que le FN n'a jamais connu le pouvoir, niant le passé communal peu glorieux du FN.
Je me suis arrêté au bout d'un quart d'heure. Un peu molasson.