Politesse et prétexte, ou l'art de parler de la police en général pour éviter de parler des délinquants en détail
mardi XVII octobre MMVIRappelez-vous, le 5 novembre dernier, alors que commençaient les émeutes de l'année, on pouvait lire des journalistes de Libération qui « prétendaient faire parler « les jeunes des cités » affirmant que « le « manque de respect » du ministre est à l'origine des troubles » (lien). On pouvait lire dans la presse l'affirmation absolument effarante que lorsqu'une poignée de sales types délibérément détruisent l'ensemble du cadre de vie de leurs concitoyens, cela pourrait ne pas être de leur faute. Doit-on disserter sur la nature inacceptable de tels faits ? Peut-on le faire sans insulter le bon sens ? Par quel cheminement mental tordu pourrait-on se mettre à trouver acceptable de tels faits ? Il est une règle à laquelle je tente de m'astreindre depuis un certain nombre d'années : le principe que la charge de la preuve revient à l'accusation, reposant sur l'idée que c'est une lutte sans fin de débattre face à des idées stupides si on doit en plus se charger de leur trouver une argumentation que leurs propres agents taisent. Alors que, manifestement, j'accuse les racailles d'adopter un comportement nuisible pour la société, si quelqu'un prétend que ce n'est pas de leur responsabilité, il lui revient d'argumenter, de prouver qu'il est envisageable d'estimer que ces gens-là ne sont pas responsables de leurs actes. Ce n'est pas à moi de chercher toutes les hypothèses d'irresponsabilités, même si ce serait pour mieux les démonter. J'ajoute, dans la foulée, que quand bien même la preuve de leur irresponsabilité serait faite, chose qui me semble impossible en l'état actuel des choses, j'en conclurais de toute façon qu'un individu irresponsable au comportement nuisible doit assurément être écarté de la société, la priorité devant être la sécurité du citoyen innocent et non pas le confort de l'individu délinquant.
Nous sommes en octobre 2006. Entre janvier et septembre de cette année, « 215 affrontements entre bandes ont eu lieu [...], 4.149 "rodéos" de véhicules, 5.959 actes de dégradation de mobilier urbain, 228 occupations de halls d'immeubles, 6.113 jets de projectiles, 4.244 violences collectives à l'encontre des services de sécurité, de secours et de santé, 20.080 incendies de poubelles, 4.396 incendies de biens publics et 31.514 incendies de véhicules ont été recensés » (lien). En somme, on prend à partie physiquement 15 fois par jour des pompiers, des policiers ou des infirmiers. À supposer que la moitié des incendies de voiture sont des escroqueries à l'assurance, estimation ultra-lourde pour éviter que l'on joue sur les mots, vous en conviendrez, il y a chaque jour au moins 60 foyers qui perdent leur automobile. Tout ça pour quoi ? Au profit de qui ?
Dans de telles circonstances, « des associations [se disent] inquiètes de "tensions" un an après les émeutes ». On le serait à moins. Mais certains ont quand même le tact d'oser accuser, une fois de plus, d'autres que les auteurs de ces actes, comme pour expliquer l'ambiance. Ainsi, Stéphane Ouraoui, président de « Pas de quartier, tous citoyens », il faudrait « une police "mieux formée", estimant que certains policiers arrivent "du fin fond de la province" dans "des zones auxquelles ils ne connaissent pas grand-chose" » (lien). Ainsi, pour ce brave monsieur, il est encore l'heure de prétendre que la qualité de la formation des policiers, qu'il attaque sans donner le moindre argument concret, expliquerait pourquoi des malfrats décident de brûler la voiture de leur voisin. C'est tout de même effarant. On en vient à l'apogée de la bêtise -ce qui me surprend car je croyais que nous y étions déjà auparavant, mais je n'avais pas encore tout lu et tout entendu- lorsque ce monsieur ose nous donner de la division parisiano-centriste entre Paris et la Province, comme si c'était une qualité d'être issue de la banlieue parisienne, comme si cela donnait une idée de ce que doit être un État de droit, alors qu'il me semble que c'est tout à fait l'inverse. Je souhaite en effet que l'on ne considère pas ces banlieues dites défavorisées (qui pourtant depuis un certain nombre d'années focalisent toutes les attentions) comme un idéal pour la France, vu qu'on y bafoue quotidiennement à peu près tous les principes constitutifs de notre Nation. Quant au collectif « Banlieues respects », il a « réitéré son souhait d'obliger les policiers à vouvoyer les jeunes des quartiers parce que, s'il n'y a pas de respect, on ne peut rien construire de positif dans ces quartiers ». Là encore, je manque de m'étrangler. Cela coule de source qu'un fonctionnaire de police doit être au plus irréprochable possible dans ses actes. Il incarne la Nation, ses faits et gestes doivent tendre vers la pacification et non l'escalade. Mais peut-on, dans un esprit doté d'un minimum d'intelligence et de sens critique, croire que lorsqu'un individu décide de détruire le bien de son voisin, c'est parce qu'un fonctionnaire de police, un matin, aurait oublié de lui dire poliment bonjour ? De qui se moque t-on ? Pense t-on que le capitaine de police de CRS blessé grièvement aux Tarterets était un impoli, aurait-il du vouvoyer ceux qui le frappaient à coup de barre de fer ?
À lire certains, on croirait que l'absence totale de respect pour autrui de la part des racailles, à l'égard de qui que ce soit, des policiers évidemment, mais aussi des pompiers et des femmes en général, pourrait être soignée en leur donnant du respect. Le Christ fut pourtant crucifié : tendre l'autre joue est très fort symboliquement mais ne vaut que si on a une vision eschatologique de l'avenir et que l'on place la priorité à l'au-delà. Si on veut faire de notre monde un monde acceptable, il va falloir proposer autre chose que de revivre la Passion. Peut-être qu'ils « ne savent pas ce qu'ils font » eux-non plus, mais avant de se poser la question du pardon, il serait temps de les mettre hors d'état de nuire. Et pour cela, il s'agit en premier lieu d'affirmer une volonté. D'ailleurs, la question se pose de savoir s'ils ne savent réellement pas ce qu'ils font. Je constate qu'à l'heure où des fonctionnaires de police semblent craindre les émeutes au point de ne pas faire usage de leur arme de service lorsqu'ils sont agressés à coup de barre de fer (je crois que l'aspect concomitant et proportionné rendant légitime la défense par l'usage de l'arme de service aurait été évident dans plusieurs des agressions récentes), les racailles cherchent délibérement ce qu'ils appellent, aidés en cela par nombre de journalistes, la bavure, ce qui ne surprendra que les inattentifs qui ont oublié ces « J'aime bien frapper la police. J'attends la bavure, comme ça, ça tournera à l'émeute » étalés dans les pages du Monde en mars dernier (lien).
Ne nous laissons pas enfumer par ces débats biaisés sur la police. Comme je l'écrivais l'autre jour dans un commentaire sur le blog de monsieur l'avocat général Bilger « Quand bien même la police serait parfaite, quand bien même elle n'aurait plus de brebis galeuses en son sein, quand bien même elle parviendrait toujours à ce que ses membres soient tous parfaits et irréprochables en toutes circonstances, bref, quand bien même la police serait tel le chevalier Bayard sans peur et sans reproche, il y aura toujours des délinquants qui l'observeront d'un mauvais oeil et des spectateurs persuadés qu'on soigne les problèmes en lançant des pierres sur les oiseaux de mauvais augure. La police nuit naturellement à la délinquance. Lorsque ce ne sera plus le cas, on pourra se demander dans quelle mesure elle remplit encore son contrat social. La police nuit tout autant à ceux qui prétendent que la responsabilité individuelle est un leurre, ceux qui prétendent qu'un délinquant est une victime de la société et non pas un acteur délibéré de la dégradation de la société, lui-même mettant d'autres individus en situation de victime. Les uns lancent des cocktails molotovs, les autres publient. » (lien)