Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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C'est la foire où pour trois sous...

dimanche I octobre MMVI

Je crois que ça y est, je fais partie du vieux monde.

Le vieux monde, ce sont ces générations qui passent, avec leur lot de préoccupations et de références culturelles.

Certaines références culturelles restent synonyme de jeunesse. L'immodération politique en est un exemple. Le jeune, c'est celui qui a les mains pures. C'est Antigone qui n'est pas encore devenue Créon, c'est Antigone qui ne s'est pas encore résignée à admettre qu'elle a une destinée. Le jeune, c'est Jeannot qui s'apprête à tenter de remédier à l'angoisse du roi Salomon et d'en recevoir l'héritage ; le jeune c'est une association caritative à lui-tout seul. Le jeune, c'est celui pour qui le compromis est compromission. Enfin, je parle là d'une jeunesse particulière, celle que j'ai connue intra-muros ; le terme jeune n'est pas ici employé pour désigner des petits délinquants dont l'égocentrisme n'a même pas la décence de se prétendre souci des autres, dont les gesticulations existentielles ne se veulent même pas humanistes.

Le refus du vieux monde impose au jeune de créer sa culture, de s'imaginer tel le colon protestant abandonnant les esprits étriqués du vieux continent pour s'inventer un brave new world. Cela consiste à réinventer la roue. Car la roue aura toujours le problème bien connu des informaticiens notamment : « Not Invented Here » (lien).

Qu'il est étrange, le jeune, lorsqu'il se met à goûter, à adhérer, à la culture du vieux monde. Trahison ! Enfin, je parle là de cette jeunesse qui s'est sentie rebelle au monde. Je ne prétend pas comprendre ceux qui ont eu le talent de toujours s'accommoder du monde en douceur, de n'avoir jamais rué dans les brancards, de n'avoir jamais porté d'oeillères persuadé pourtant d'être un bronco. À ceux là les voies royales, à eux les grandes portes grandes ouvertes. Je mentirais si je niais en être quelque peu jaloux. Mais c'est mon lot. L'homme n'est jamais que le produit de son histoire, mais il en est au moins partie ; on ne peut se satisfaire d'un présent en reniant le cheminement qui l'a fondé.

Trahison, lorsque le jeune adhère à la culture des vieux, disais-je. On commence par un bouquin, une musique, et on finit par croire que, du haut de nos 15, 17 ou 20 ans, on n'est pas parvenu à une compréhension plus fine du monde que celle produite par les hommes depuis quelques millénaires. Le risque est grand, on menace de croire que la roue fut inventée par autrui autrefois. On risque de commettre le parjure d'aimer des styles du passé, de préférer des colonnades, quelles soient doriques, ioniques ou corinthiennes, au tout-en-béton du présent. En somme, on risque de bêtement soupçonner qu'il ne suffit pas d'avancer pour progresser, on risque de dangereusement suggérer que certains grands pas en avant puissent être une multitude de petits pas en arrière, on risque d'outrageusement imaginer que l'histoire n'a pas de sens.

Lorsqu'on trahit de la sorte, le péril est grand d'obtenir la carte vermeil prématurément. Ne sachant plus si on a encore la vie devant soi, on peut être tenté de se créer son propre trou juif, se terrer dans le passé, se réfugier dans le legs des mourants et haïr en bloc tout ce qui discute ce legs, tout ce qui le modifie. En somme, on peut vite devenir gâteux, c'est à dire adolescent vieux : passer de la certitude que le vieux monde n'était rien à la certitude que le nouveau monde n'est rien non plus. Passer de la haine du regret à la haine du progrès.

Mais je ne vous propose pas ici de voyager à moitié prix. Pas de carte de réduction sur la vie.

Je voulais juste vous dire que... j'aime l'accordéon.

Ça m'a pris en écoutant l'anachronique Gérard Blanchard, il y a quelques années (lien). J'ai bien peur que cette attirance étrange persiste, il faut me rendre à la déraison. Je me suis mis à aimer ces morceaux des Naufragés (lien) que ma jeunesse, en 1994 je crois, m'avait fait dénigrer pour une pompe à bière, alors que ces morceaux se produisaient là devant moi, dans une petite salle obscure. J'ai bien envie d'aller avec mon ami d'enfance Grand-Jacques -nous avons tant voyagé ensemble dans cette Renault 18 beige- du coté de Vesoul. Chauffe Marcel, chauffe !

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1.

Bon, et bien il va falloir que je me fasse à l'idée d'être un traître à ma génération. ;-)

Il faut bien reconnaître qu'à part quelques morceaux soigneusement selectionnés, ma génération ne produit pas beaucoup de choses de qualité. En poésie, on pourrait peut-être trouver quelque chose dans le slam et certains morceaux de rap. Mais est-ce à la hauteur de Mozart, de Beethoven? Non, loin de là.

Car le seul critère essentiel pour juger des oeuvres est le temps. C'est le meilleur des filtres. C'est pour cela qu'on ne peut juger qu'à posteriori. En littérature, il semblerait que le bouquin de Liddell soit devenue un classique dés sa sortie. Mais seul le temps pourra le confirmer.



Le progrès est une chose formidable. Cependant, l'homme demeurant tel qu'il est, n'est et ne sera pas meilleur pour autant, et ne saura pas forcèment gérer ce progrès.

Donc oui au progrès technique, mais non aux changements des valeurs sous pretexte de "progrès". L'homme demeure toujours le même.

Posté le 1.10.2006 à 21h56 par Polydamas
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