Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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En butte à la colère des victimes

mercredi XII juillet MMVI

La vie est dure pour les avocats de la défense, si l'on en croit le Figaro, « pris à partie, publiquement maltraités à l'audience comme devant les caméras » (lien).

Je ne saurais démentir le fait que « en principe, soutient Dominique Coujard, président de cour d'assises, on ne devrait pas parler de victime au début du procès, puisque l'on ne sait pas encore qui est coupable de quoi ». Parler de victimes, ou même de supposées victimes (comme à lien), avant procès est irrémédiablement insatisfaisant.

J'ai déjà dit ce que je pensais de la loi de 2000 sur la présomption d'innocence (dite Guigou) : de bonnes intentions très mal formalisées (lien). Néanmoins, je ne saurais me plaindre du fait que cette loi « a modifié le serment des jurés, qui promettent désormais de "respecter les droits des victimes" ». Aux jurés nous demandons de décider s'il y a coupable ou pas. La déclaration de non-culpabilité n'emporte pas nécessairement la déclaration d'affabulation de la victime. La non-culpabilité peut tout simplement signifier que l'accusé n'est pas l'auteur de l'infraction. Mais si pour les jurés il n'y a pas d'infraction caractérisée, il devrait couler de source qu'il n'y a pas de victime. Certes, il aurait pu paraître plus logique de parler de l'intérêt de la partie civile. Le terme est cependant moins fort.

Aussi, s'il semble véridique que pour un temps « la parole des enfants victimes a, elle aussi, bénéficié d'un statut à part, plus personne, ou presque, n'osant remettre en cause l'exactitude de ces témoignages sensibles », on ne peut reprocher à « Ségolène Royal [le fait qu'elle] a elle-même enjoint les professionnels à ne pas sous-estimer la parole des enfants ». Si Outreau révèle qu'on ne peut prendre pour argent-comptant ce qui sort de la bouche des enfants, lorsqu'un enfant raconte des faits ignobles, cela témoigne de toute façon d'un problème grave, même si ce problème n'est pas forcément celui qu'il conte, ou tel qu'il le raconte.

« Une partie des professionnels [de la défense] estiment aujourd'hui que la sacralisation de la souffrance [des victimes] tend à empiéter sur les droits de la défense » nous dit-on. Peut-être que les avocats devraient s'interroger aussi sur leur propre attitude, sur ce qu'ils font couramment au nom des droits de la défense. « En janvier dernier, Me Jean-Louis Pelletier a ainsi été agressé à l'audience, par le père d'une victime, Audrey, violée et tuée à l'Île de Ré », nous dit-on. Je ne cautionnerais évidemment pas un acte de violence illégitime, bien entendu, mais je serais très curieux de savoir dans quelles conditions cela s'est passé. Nous avons vu l'autre jour, en finale de coupe du monde, comment quelques insultes peuvent troubler un footballeur qui pourtant devrait y être habitué. Si la France entière pardonne facilement au footballeur cet égarement, je serais désolé que l'on ose accabler le père d'une fille violée et tuée si cette dernière fut insultée directement ou non à l'audience, dans une affaire où le statut de victime est indéniable, indépendemment de la déclaration de culpabilité ou d'innocence de l'accusé.

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« 13 juillet, Le coupable est celui qui provoque ?   

   10 juillet, Dans un an »

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