Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Délinquance, criminalité et population étrangère : l'éternel non-débat

vendredi XXVI mai MMVI

En lisant le compte-rendu du Monde sur la dernière étude de « l'Observatoire national de la délinquance » (lien), on apprend que « cette étude montre que les étrangers ne sont pas plus responsables que les Français de la hausse de la violence », « la part des étrangers restant stable » dans les statistiques de la délinquance et de la criminalité. Plutôt positif, non ?

Pas vraiment, en fait.

On ne parle là que de la « hausse », enfin de son absence. Rien ne change, pas de quoi en faire un fromage, n'est-il pas ? Le sujet est d'emblée plus délicat si l'on parle des proportions globales, indépendemment de leurs immobilité récente. Même si, comme Le Monde, on s'empresse de déclarer que « si les étrangers représentent 5,8 % de la population de la France métropolitaine, leur sur-représentation parmi les mis en cause reste très relative », il s'avère extrêmement difficile de présenter le fait que 52 % des vols à la tire et 27,3 % des vols à l'étalages furent apparemment réalisés par lesdits 5,8 % de la population comme étant du domaine de la grande relativité. Même les plus faibles 13 % des atteintes aux biens et 14 % des agressions physiques restent du registre de la sur-représentation manifeste - puisqu'on parle bien de 5,8 % de la population. Si ces chiffres là imposent de voir cette sur-représentation comme « très relative », qu'est-ce qui ne l'est pas ?

Alain Bauer, de l'Observatoire ayant publié l'étude, nous dit que « les délits dans lesquels les étrangers sont impliqués relèvent surtout d'une délinquance de subsistance, liée davantage à leur statut ». Cette affirmation est intéressante mais on a du mal à être convaincu de sa totale pertinence si on la confronte à d'autres chiffres issus de la même étude du même Observatoire, chiffres qui eux sont publiés par le Figaro - le Monde n'a semble t-il pas trouvé intéressante cette mise en relief que je vous propose céans. En lisant Bauer dans le Monde, on a tête l'image d'Épinal du malheureux étranger sans le sou qui commet de menus larcins pour survivre - c'est lié à son statut, au besoin de subsistance. Et là, on ne comprend strictement plus rien lors qu'on est confronté aux 21,6 % d'implication dans les viols sur majeurs et aux 17,4 % d'implication dans les harcèlement sexuels (lien).

Au Figaro, Alain Bauer lui choisit de commenter ces chiffres sur les violences sexuelles en disant que cela pourrait être lié à la « misère sexuelle touchant certaines populations ».

Alors en faisant la synthèse de tous ces chiffres, même avec la meilleure volonté du monde, on a énormément de mal à ne pas constater qu'il y a sur-représentation effarante des étrangers dans les statistiques de la délinquance et de la criminalité. Mais ce n'est pas nouveau, certes. Je ne crois pas mentir si je dis qu'autrefois, c'est-à-dire il y a peu de temps, suggérer cette sur-représentation signifiait se faire ensuite immédiatement cataloguer d'extrême-droite. Après-tout, selon le Figaro, nous sommes dans le registre des « clichés xénophobes » ! Maintenant on nous présente cette suggestion comme un lieu-commun et on se réfugie derrière l'absence de hausse, c'est-à-dire d'évolution palpable du phénomène, pour éviter toute discussion, comme si cette absence changerait le fond de l'affaire, après d'ailleurs avoir précisé néanmoins que cette absence de hausse fait suite à « quatre années de hausse » (le tassement est-il alors si étonnant ? Peut-être, peut-être pas. La question mérite d'être posée, non ?).

Je constate que ce débat est une forme de non-débat absolu.

Tous les chiffres donnés nous invitent à penser qu'il y a un problème spécifique de criminalité et de délinquance lié à la population étrangère. Un problème grave. On apprend que si vous êtes victimes d'un vol à la tire, il y a apparemment une chance sur deux qu'il ait été commis par quelqu'un issu d'une minorité spécifique de 5,8 % de la population. On apprend que lorsqu'un individu est victime d'un viol, il y a presque une chance sur quatre que cet individu soit victime de cette même minorité de 5,8 %.

Confronté à des chiffres aussi surprenants, s'explique t-on qu'on parte en chasse aux « clichés xénophobes » et que l'on titre « Plus les infractions sont graves, moins les étrangers sont représentés » ou « La hausse des violences n'est pas plus élevée chez les étrangers », alors que tout ceci apparaît comme largement secondaire ? Est-il si courant qu'au Figaro et à Le Monde on soit aussi mesuré dans le choix du titre, comme si on était à la recherche du titre neutre parfait ? Ce grand et neutre optimiste est-il si courant en ces enseignes ?

S'étonne t-on de la résurgence de clichés xénophobes si on ne pose aucun débat, si on se contente de dire que tout est normal alors qu'on avance des chiffres pareils ? Peut-on s'étonner que des courants immodérés politiquement se nourrissent de ces vides de débats ? Quelle est donc cette frilosité qui impose de vite détourner le regard sur ce qui manifestement ne s'explique pas bien ?

Ce que nous dit Bauer sur les causes de cette criminalité et délinquance est intéressant. Mais est-il sain de s'en satisfaire et se contenter de se réjouir en se disant que finalement ce n'est pas pire que l'an dernier ?

Moi je veux bien tout entendre. Je veux bien par exemple, pourquoi pas, que l'on suggère que si les mis en cause sont souvent étranger, c'est peut-être parce qu'un certain nombre de policiers et gendarmes regardent facilement dans leur direction. Ils seraient donc plus susceptibles d'être attrapés. On peut sans doute trouver beaucoup d'éléments d'explication, si on veut s'en donner la peine. Mais il y a t-il du monde qui veuille se donner la peine, qui veuille réellement chercher ? Y a-t-il du monde qui ne soit pas embrigadé, pétri dans des partis-pris idéologiques, ou bien tout simplement lâche, au point d'oser ne pas conclure si vite que tout va bien et prendre le risque d'ouvrir la voie au débat ?

Quoi de plus mortifère pour une démocratie que de ne pouvoir dialoguer de tout, en particulier de ce qui pose problème ? Après l'ochlocratie, devrons-nous subir la dictature qui se sera nourrie de nos silences ?

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« 27 mai, L'épineux non-débat sur l'immigration, suite   

   23 mai, Des anti-démocrates de Gauche »

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