À proximité d'une société communautaire
dimanche VIII juin MMVIIILe service public se souciant de proximité avec une société de plus en plus communautarisée -un monde de ségrégation ethnique bienveillante- doit-il devenir communautaire ?
C'est ce que semble penser le sociologue Laurent Mucchielli (lien - La Gazette, 19 mai 2008). Pour lui, « l'urgence et le courage seraient de reconnaître l'incapacité actuelle de l'institution policière à théoriser le fait qu'elle est plurielle : il faut une police judiciaire, une police de renseignement, une police de maintien de l'ordre et une police de proximité - que l'on nomme "police communautaire" dans les autres pays ». De fait, le découpage très officiel des directions centrales de la police entre celle de la PJ, celle du Renseignement Intérieur (réunissant RG et DST), celle des CRS et celle de la Sécurité Publique théorise et incarne parfaitement cette pluralité (lien). De ce point de vue, la remarque du sociologue semble absolument absurde. Elle s'éclaire en poursuivant la lecture de son propos. Il affirme ensuite que « nous disposons des trois premières ; manque la dernière qui, pourtant, détermine aussi les performances des autres » : que les trois premières existent, c'est un fait, mais pour quelle raison le sociologue décide t-il d'ignorer la direction de la Sécurité Publique, celle qui comprend le plus de personnel, celle qui assure la continuité du service public dans le temps et l'espace, si ce n'est pour suggérer qu'elle devrait se recadrer dans ce qu'il considère être police de proximité, une police qui pour lui est « nomm[ée] "communautaire" dans les autres pays » ?
Si la Sécurité Publique doit se modeler sur les polices communautaires des autres pays, il convient de se demander quelles sont-elles, ces polices. Et l'actualité nous en donne un aperçu savoureux. En février, deux prêtres américains officiant depuis de nombreuses années à Birmingham pérégrinaient dans leur ville, faisant oeuvre d'apostolat (lien - Telegraph.co.uk, 6 février 2008). Alors qu'ils discutaient avec quatre jeunes asiatiques, un police community support officier (agent de police dédié au soutien des communautés) s'est approché et les a interpellés sur le motif de leur présence. Se rendant compte de l'origine nationale des prêtres, le policier aurait, selon les prêtres, fait des déclarations à propos de Georges Bush et de la guerre en Irak, ce à quoi les prédicateurs auraient rétorqué que ce sujet est sans lien avec leurs discussions théologiques. Pour finir, le policier aurait alors déclaré que le fait de diffuser la foi chrétienne dans un secteur musulman est un hate crime (infraction en raison d'une appartenance supposée ou réelle à un groupe ethnique, religieux, etc) et aurait invité les prêtres à déguerpir, ceci tenant lieu d'avertissement, ne répondant pas d'une éventuelle agression physique s'ils devaient revenir. La police des West Midlands (région où se trouve Birmingham), en réponse aux plaintes des prêtres, a refusé toute excuse mais a, néanmoins, déclaré que le policier en question ferait l'objet d'une formation. Il s'agit d'un cas dont la représentativité reste à étudier. Néanmoins, on peut se permettre de considérer qu'il n'est pas franchement souhaitable de modifier notre Sécurité Publique au point que l'on ne puisse plus la penser comme au service d'une France réputée indivisible (lien) et laïque (lien).