Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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La vidéosurveillance en échec ?

lundi XXVI mai MMVIII

La vidéo-surveillance, maintenant renommée vidéo-protection ou vidéo-sécurité, aurait elle connu son Waterloo à Londres ? C'est ce que l'on pourrait croire, en lisant un article paru dans le Guardian au début de ce mois (lien).

On y apprend, en substance, que « seulement 3 % des infractions de voie publique ont été résolues grâce à la vidéo-protection, en dépit du fait que l'Angleterre soit dotée de plus de caméras que n'importe quel autre pays d'Europe » (« Only 3% of street robberies in London were solved using CCTV images, despite the fact that Britain has more security cameras than any other country in Europe »). Le groupe Claris, constitué de chercheurs en sociologie intéressés par le sujet de la sécurité et la justice, gravitant autour de Laurent Mucchielli -une sociologie donc bien loin d'être politiquement neutre, cf. lien-, à l'appui de ce rudimentaire article, conclue donc au « fiasco » (lien).

Pourtant, pour en arriver à un constat aussi tranché, il convient de se demander exactement ce qui est en jeu avec la vidéo-protection.

S'agit-il, uniquement, d'un outil répressif, en l'espèce un outil facilitant les enquêtes judiciaires ouvertes après la commission d'une infraction pénale ? Si tel était le cas, ce serait d'une naïveté sans nom. Sans compter le fait que le délinquant ou criminel prévoyant sait se jouer des caméras, il ne devrait faire aucun doute pour personne qu'accroître la surveillance d'un point invite la délinquance à se déplacer vers un autre. En ce sens, nul ne saurait croire que la vidéo-protection puisse être un outil magique, en particulier par contre les malfrats prévoyants - même s'il est certain que l'outil n'est pas sans intérêt contre les autres, il existe des cas d'affaires criminelles résolues en large part grâce à la vidéo-protection.

Croire que la vidéo-protection puisse être un outil répressif magique eut été vain - toute technique vient en complément et non en remplacement, c'est vrai pour les analyses d'ADN comme pour les documents vidéos. Cela tombe bien, car la vidéo-protection n'a pas été présentée comme telle. Ainsi, dans l'article Suivis à la trace (lien, MCSInfos, Univ. Strasbourg III), on apprend que dans la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS - soit plus de 500 000 habitants, avec une forte disparité économique et sociale interne), « depuis 2001, la délinquance générale a baissé deux fois plus dans les endroits vidéosurveillés. En particulier dans l'hyper-centre, où elle a diminué de 40% », selon Francis Jaecki, directeur général délégué à la sécurité et à la prévention à la CUS. Il n'est pas ici question de répression mais de prévention. La présence de caméra a un effet dissuasif sur certains délinquants. Ça ne veut pas dire que ces délinquants vont cesser de l'être, qu'ils vont stopper leurs activités. Mais cela va déporter leurs activités, permettant de sécuriser de facto les transports en commun et les lieux de grande affluence. Il ne s'agit pas ici de naïvement croire supprimer la délinquance, ou faciliter par l'action du Saint Esprit les investigations judiciaires. Il s'agit de réduire l'étendue territoriale de la délinquance, d'offrir des zones apaisées, de confiner les débordements. De plus, la surveillance des axes routiers, notamment des échangeurs, entrées et sorties, interdit aux délinquants de s'éclipser des lieux de commission des infractions.

La vidéo-protection est-elle véritablement un fiasco ? Sans doute, si on se contente de la voir comme outil répressif, dès lors que l'on met en relation son apport et son coût. Mais en terme de prévention, son intérêt a déjà été remarqué et confirmé (lien). Non seulement la vidéo-protection dérange les malfaiteurs prévoyants en leur interdisant certaines zones pour leurs activités interlopes mais, de plus, elle réduit leurs possibilités en leur interdisant la fuite inaperçue. Cet outil n'est donc pas dépourvu de vertus - son vice serait toutefois de le croire omnipotent.

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«  8 juin, À proximité d'une société communautaire   

   10 mai, Comme une offre commerciale »

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