Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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L'antiracisme comme bolchévisme du XXIème siècle, l'exemple de Paul Moreira

lundi XXVIII janvier MMVIII

Je ne surprendrais guère les lecteurs attentifs de ce blog en reconnaissant trouver une forme de bon sens au postulat que l'antiracisme puisse être le bolchévisme de notre siècle. « un anticommunisme est un chien » disait Jean-Paul Sartre (lien). Penchons-nous sur ce que nous dit aujourd'hui l'antiraciste Paul Moreira, rédacteur en chef de Canal+.

Critiquant Eric Zemmour (lien), celui-ci ayant le tort de séduire un lectorat d'extrême-droite (mémo : ne pas oublier de ne plus manger d'entrecôtes de boeuf, car parait-il qu'Adolf Hitler en mangeait occasionnellement), notamment son livre évoquant le racisme anti-blanc, Paul Moreira estime celui-ci partage avec Alain Finkielkraut une « crainte du métissage ». Impossible de savoir comment Moreira transforme une interrogation sur le racisme anti-blanc en France, sur le fait qu'une partie de la jeunesse d'origine immigrée ait un discours raciste, n'ayant pas de complexe à insulter des « faces de craie » de « sale français », ou encore le fait que des enfants se sentent contraints de pratiquer des rites musulmans sans l'être pour ne pas subir de représailles (des faits qui ne sont pas courant partout en France, mais dont des précédents existent), avec l'idée de crainte du métissage. Zemmour, dans les passages évoqués par Moreira, ne parle pas de métissage. Les problèmes graves qu'il relate dans son bouquin n'ont pas les traits du métissage, mais de l'oppression d'un groupe par un autre, d'un groupe qui haït l'autre et, en tout état de cause, n'a guère envie de s'y mêler.

Le cheminement de Moreira est donc pour le moins spécieux. Mais l'on arrive ensuite au summum du bancal quand Moreira écrit que tout ceci « dissimule une peur irrationnelle, inavouée et profonde de la sexualité nègre ». Pardon ? Parler d'un fait divers raciste, fictif ou réel, ce serait sexuel ? Et tout ça parce que Moreira « se souvient des lynchages qui pouvaient frapper les noirs aux États Unis, jusque dans les années 60 » (quelle mémoire !) et lui sait ce que « L'histoire ne livre pas [comme] information [pourtant] la plus importante sur ces exécutions extra-judiciaires », à savoir que « les corps étaient systématiquement émasculés ». Il est fort, notre antiraciste, il sait ce que l'histoire, donc les historiens, ne savent pas - comment, on ne saura pas, car l'avant-gardiste ne donne pas ses sources (l'histoire sans sources, est-ce encore de la science ?).

Mais, de plus, si on lui fait crédit de l'élément factuel qu'il prétend apporter, il faut encore admettre une foultitude de postulats, pour que son discours soit cohérent. Par exemple, il faudrait considérer que ces émasculations n'aient comme motif que le racisme à l'encontre des noirs, et en aucun cas le fait prétexte/cause de l'assassinat. Or, me semble t-il, bien des exécutions sommaires ont été perpétrées après des accusations (fondées ou pas, ce n'est pas le sujet) de viol. Cela change un tout petit peu la donne, les conclusions, tout de même - on se rappellera pour la petite histoire que même les chantres rock'n'roll de l'antiracisme des années 80 n'aurait pas rechigné sur une émasculation en pareilles circonstances (lien). Par ailleurs, il faudrait aussi considérer l'émasculation comme un acte de torture/barbarie propre au racisme à l'encontre des noirs. Je n'ai pourtant rien qui m'indique que cette pratique soit née avec cette forme de racisme, ni même qu'elle soit née avec une quelconque forme de racisme.

Si Sartre traitait ses opposants de chiens, les opposants de Moreira sont des personnes « toutes bêtes, primitives, barbares », des animaux peureux, frileux d'échanges sexuels, que « seul[e] le[s] psychanalyste[s] » peuvent vraiment appréhender. De quoi se demander qui « fait étalage de ses fantasmes et pulsions » en osant les exposer comme s'il « s'agissait d'une vérité [à] révéler ». De quoi être rassuré de savoir que le seul pouvoir entre les mains de personnes osant de tels jugements restent dans le domaine médiatique. On aurait tôt fait de se retrouver en vacances en Sibérie, en séjour (ré)éducatif, pour avoir osé suggérer qu'existe à certains endroit de France une forme de racisme dont les auteurs ne sont pas autochtones de longue date, attitude qui atteste sans nul doute d'un problème d'ordre sexuel.

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