Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Le choix des armes, le choix des rôles

dimanche XXVI août MMVII

« L'Union nationale des agents de police municipale (UNAPM CFE-CGC) de l'Ile de France a demandé vendredi que les policiers municipaux puissent être autorisés à porter le pistolet à impulsions électriques (PIE) [NDM : Tazer], dont trois milliers de gendarmes et policiers sont équipés », car « le décret du 24 mars 2000, qui fixe la liste des armes des policiers municipaux, ne prévoit pas le Taser et des municipalités qui en ont fait l'achat se sont vu interdire de les utiliser par le préfet » (lien). Une telle demande est-elle outrageante, excessive, acceptable ou logique ?

Ces dernières années, il y a eu un accroissement significatif du rôle accordé à la police municipale. Allant de pair avec la réforme des corps dans la police nationale, élevant largement le niveau de formation et de recrutement de son personnel, la police municipale, de son côté, fut naturellement appelée à la remplacer dans les tâches les plus ingrates et les plus en lien avec l'activité du maire : la gestion du stationnement et de la circulation.

Mais cette évolution des rôles semble s'être faite de manière chaotique, très disparate sur l'ensemble du pays, selon les volontés municipales. Des municipalités de droite on naturellement été tentées de développer l'activité de lutte contre la délinquance - au point de créer des services du stationnement, détachés de leur police municipale. Dans une telle optique, les policiers municipaux devenant des cibles pour les délinquants, puisque empêcheurs de délinquer en rond, les doter en armement et protection s'imposait. Ce que n'ignore pas Brice Hortefeux quand, en 2005, en tant que ministre délégué aux collectivités territoriales, il fait que remarquer que « l'armement a fait également l'objet de dispositions réglementaires qui permettent aux policiers municipaux d'être dotés d'armes à létalité réduite, tels les flash-balls » (lien).

Pour tenter de mettre fin à la confusion naissante entre les deux polices, des règlements sont apparus ces dernières années. Hortefeux déclare devant un parterre de maires et chefs de service de police municipale que « les policiers municipaux ont enfin un décret depuis janvier 2004 qui fixe les caractéristiques de leurs uniformes afin que le public les reconnaissent sans les confondre avec les policiers nationaux », bien qu'il ne soit guère douteux que ce ne sont pas les policiers municipaux qui avaient à craindre d'une confusion avec l'autre police. Quant aux véhicules sérigraphiés « les véhicules des polices municipales seront dorénavant, grâce à un décret d'avril 2005, signalés de façon très précise ; ce sera là aussi un élément d'identification et de reconnaissance significatif ».

Mais cette clarification formelle dissimule mal la confusion qui existe désormais sur le rôle réel de ces deux polices. En considérant que la police nationale dispose de fonctionnaires recrutés sur des critères plus exigeant que la police municipale, considérant que la police nationale incarne le pouvoir régalien de l'État, considérant que le fonctionnaire de la police nationale de base (le gardien de la paix) a une qualification judiciaire supérieure à celle du fonctionnaire de la police municipale au grade le plus élevé (le chef de service), le premier étant Agent de Police Judiciaire à l'article 20 du code de procédure pénale, le second étant Agent de Police Judiciaire Adjoint à l'article 21 du code de procédure pénale, les activités de lutte contre la délinquance et la criminalité semblent dévolues à la police nationale. Notamment parce que seuls les fonctionnaires de la police nationale ont une qualification judiciaire leur permettant d'établir un procès-verbal d'enquête judiciaire, comme par exemple un procès-verbal de plainte ou un procès-verbal d'interpellation. Cette activité semblait être dévolue à la police nationale, sans discussion.

Pourtant, ce n'est plus le cas. À Metz en juin 2006 lorsque « le maire de Metz a décidé que la police municipale serait présente la nuit sur le terrain » fut, déjà, fait le constat que « la répartition des rôles entre la police municipale et la police nationale n'est pas définie ». Il était logique de demander « que fait la police municipale lorsqu'elle est témoin d'un trouble grave à l'ordre public ? Dans quelles conditions peut-elle intervenir ? La nuit, ces problèmes prennent une tout autre dimension. Il serait bon que le rôle de chacun soit précisé dans une convention liant l'État et la ville. Les récents événements dans le conflit avec les forains ont nettement fait apparaître l'absence de coordination entre les diverses polices » (lien). Pourquoi existe t-il ainsi ce chevauchement de compétence ? Tout simplement parce que si la loi ne donne aux policiers municipaux que la qualité d'Agent de Police Judiciaire Adjoint, l'article 73 du code de procédure pénale dispose que quiconque, policier ou pas, est compétent pour appréhender un individu autant d'un délit ou crime flagrant et le remettre à l'Officier de Police Judiciaire (à l'art 16 du code de procédure pénale) compétent le plus proche. Cette porte ouverte par la loi est nécessaire car il n'y a pas de raison d'empêcher les citoyens de remettre à la police l'individu qu'elles ont vu commettre un crime et qu'elles sont capable d'appréhender. Mais cette porte est aussi celle par laquelle la confusion naît. Dans l'absolu, elle autorise un simple citoyen à monter sa propre milice d'anti-délinquance, elle autorise donc évidemment les policiers municipaux à appréhender des délinquants - donc à lutter contre la délinquance.

Plus on est de fous, plus on rit ? À voir. Aux États-Unis, le Los Angeles Police Department et le New-York Police Department ont un rôle majeur et ne constituent pas une petite police aux côtés des Fédéraux. La délinquance en France étant un phénomène notable et important (ceci étant désormais reconnu par la gauche comme par la droite), on ne peut blâmer les « les maires qui ont pris la décision de créer une police municipale pour renforcer la sécurité de leurs administrés ont investi, je le sais, de façon très importante dans les moyens d'actions » (lien). Après tout, il y a suffisamment de délinquance pour ne pas se plaindre que plus de monde participe à sa lutte. Cependant, il y a tout de même deux questions décisives qui se posent : quelle peut-être la qualité opérationnelle de la présence concomitante de deux polices, quels sont les moyens engagés de part et d'autre.

En effet, tous les policiers nationaux, quels qu'ils soient et où qu'ils soient, dépendent toujours de leur structure hiérarchique. Un policier hors-service qui intervient, par exemple pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l'ordre public (intervention que sa déontologie lui impose - article 8 du code de déontologie de la police nationale lien) ne sera pas perturbé et ne perturbera pas l'intervention d'autres policiers nationaux avec lesquels il ne travaille pas habituellement, sachant où il se situe dans la chaîne hiérarchique. Mais que se passe t-il lorsque son présents deux policiers qui ne répondent pas de la même autorité, en particulier lorsqu'ils sont en désaccord ? En théorie, l'avis du policier national devrait s'imposer, y compris face au chef de la police municipale, vu que sa qualification judiciaire est supérieure, mais il est notable qu'aucun ne peut donner d'ordre à l'autre. L'absence de logique hiérarchique manifeste est la contrepartie de la réforme des corps de la police nationale additionnée à la décentralisation : on a donné à la police municipale les activités des policiers nationaux de base d'autrefois sans leur donner la subordination hiérarchique. Lorsque les relations entre les deux polices sont au beau fixe, ce qui dépend des lieux et des personnes, ces difficultés opérationnelles ne sont pas des obstacles infranchissables. A contrario, lorsqu'il y a un désaccord courant et fréquent entre les deux polices, le débouché peut s'avérer chaotique - et il y a déjà eu des affaires scabreuses en la matière.

L'autre question est celle des moyens. Vouloir n'est pas pouvoir. J'ai souvenir d'un documentaire (dont j'ai oublié le nom) où l'on suivait un équipage de la police nationale qui devait intervenir sur une rixe pour y découvrir que la police municipale, déjà sur place, avait aspergé des passants de lacrymogène puis appréhendé, menotté et placé dans leur véhicule un individu, le tout en étant absolument incapable de dire ce qu'ils reprochait à l'individu sinon qu'ils présumaient qu'il était impliqué dans la rixe, sans avoir le moindre élément appuyant cette hypothèse. Les missions de lutte contre la délinquance sont délicates, s'il est irréfutable que certains des membres de la police municipale pourraient sans accrocs s'y adapter, ce n'est néanmoins pas sur cette base qu'ils ont été recrutés et formés. Mais au delà de la question de la compétence du personnel, se pose aussi celle de l'investissement financier. Comme le faisait remarquer Hortefeux, « les maires qui ont pris la décision de créer une police municipale pour renforcer la sécurité de leurs administrés ont investi, je le sais, de façon très importante dans les moyens d'actions. Des achats de matériels, de véhicules (parfois même plus performants que ceux de la police nationale) terrestres ou maritimes, des investissements immobiliers afin de permettre l'accueil du public, des dépenses d'équipements en armement, en uniforme, ont représenté des sacrifices » (lien). Lorsque la police municipale se dote en matériel, cela se ressent dans les impôts locaux. Ce n'est pas anodin. Et lorsque la police municipale dispose de matériel « plus performant que la police nationale », ce qui est une réalité courante, naturellement on participe à la confusion, puisqu'on reconnaît que des services qui ont normalement une compétence plus réduite ont néanmoins des moyens plus importants. En dernier lieu, les moyens de la police municipaux découlant directement de ceux de la municipalité, il va sans dire qu'une ville pauvre aura une police municipale faible, ceci pouvant récréer des disparités critiques dans l'aménagement du territoire.

Pour conclure, je ne saurais que dire du rôle que doit être celui de chaque police : c'est à l'ensemble des citoyens de s'exprimer. Néanmoins il importerait que soit opérée une clarification dans un temps très proche, qui aille au-delà de considération cosmetiques sur les véhicules. Aussi, je pense que la proportion et la quantité des dépenses réalisées par une municipalité dans sa police municipale mériterait d'être contrôlée et limitée, au regard de sa criminalité : il parait inacceptable que des impôts locaux servent à payer du superflu alors que par ailleurs l'État se sent contraint de baisser les impôts nationaux. Ceci clarifié, alors pourrons-nous réfléchir sur l'armement adéquat pour la police municipale.

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«  1 septembre, Le professeur s'est trompé de salle de classe   

   24 août, Du professionnalisme dans le contresens »

1.

Que pensez-vous des "conventions" dites de coordination dressées et signées sur l'ensemble du territoire national en application des dispositions de l'article 2212-6 du code général des collectivités territoriales et du décret du 24 mars 2000 ?

J'ai eu à en connaître, consulté conformément auxdits textes sur leur établissement et tenu régulièrement informé de leur mise en oeuvre et ma foi, elles me paraissaient utiles...

Qu'en est-il aujourd'hui?

Sont-ce des documents purement formels ou de véritables outils ?

Posté le 28.08.2007 à 0h10 par Parayre

2.

Je pense que de telles conventions (<lien>) sont nécessaires pour définir quelle part des tâches relativement ingrates doivent être réalisées (gardes statiques, circulation et stationnement, etc) mais n'abordent néanmoins pas clairement le rôle de la police municipale dans la lutte axée contre la délinquance.

Il n'est pas anodin que des polices municipales aient demandé à disposer de véhicules banalisés. Veut-on créer des BAC ou autres GSP en police municipale ?

Posté le 31.08.2007 à 15h53 par Anonyme courageux

3. Le Taser autorisé
pour les policiers municipaux

Le célèbre et controversé pistolet à impulsion électrique pourra être utilisé par les forces de l'ordre municipales dès mardi.

Donner des Taser aux policiers municipaux pour éviter qu'ils aient recours à des armes à feu. Telle est la logique qui a conduit le gouvernement à autoriser l'usage du pistolet à impulsion électrique. Le décret leur permettant de s'équiper de cette arme sera publié au Journal Officiel mardi, selon les informations du Parisien.
Rien n'oblige les communes à équiper leurs policiers de cette arme, qui propulse deux dards reliés au pistolet par des filins juqu'à une dizaine de mètres et envoie une décharge de 50.000 volts, qui paralyse la victime quelques secondes.
Pour le moment, 10 communes seulement auraient fait la demande : Le Raincy, Emerainville, Etampes, Dole, Orange, Venelles, Levallois-Perret, Rueil-Malmaison, Hem et Claye-Souilly. Au début de l'été, le ministère de l'Intérieur avait fait paraître un premier décret fixant les exigences de formation nécessaires au maniement de cette arme par les polices municipales.
Le but : «trouver un juste milieu entre la matraque et l'arme à feu» alors que «les policiers municipaux sont de plus en plus confrontés à des situations violentes», a expliqué une source du ministère au Parisien. Toujours selon Beauvau, pas moins de 38% des policiers municipaux seraient dotés d'armes à feu. Le ministère espère réduire cette proportion à mesure que les communes s'équiperont en Taser X26.
3.800 Taser dans la police et la gendarmerie
Environ 3.800 de ces armes non létales sont actuellementutilisées dans la police et la gendarmerie. Elles ont d'abord équipé les policiers d'élite du GIGN ou du RAID, avant d'être distribuées aux Brigades Anticriminalité, puis aux simples policiers. Avant de décider d'élargir son utilisation, le ministère de l'Intérieur avait mené une expérimentation entre 2006 et 2006. Une centaine de cas d'utilisations diverses ont été décortiqués, grâce à la caméra intégrée dans la poignée de l'appareil. La place Beauveau n'avait constaté, hormis le cas d'une étudiante lyonnaise touchée par un Taser en 2005, aucun dérapage. Elle assure même que l'usage des armes à feu par policiers et gendarmes est en baisse de 30% depuis l'introduction des pistolets à impulsion électrique.
Pourtant, les effets du Taser restent discutés. Amnesty International recense plusieurs cas de morts attribuées au choc électrique subi par le pistolet à impulsions.
Début août, un jeune homme avait été blessé par dans l'Eure par les dards d'un Taser, qui l'avaient atteint à la tête.
Au Canada, un décès suspect avait également créé la polémique. Aux USA, d'où est originaire cette arme, une vidéo montrant un jeune homme «tazzé» lors d'une conférence de John Kerry avait également fait scandale.

Plusieurs associations et la gauche française, notamment Olivier Besancenot, ont de nombreuse fois dénoncé les dangers liés à cette arme. Le ministère de l'Intérieur assure que «tous les utilisateurs» de cette arme «doivent suivre une formation et une évaluation psychologique» avant d'être autorisés à la porter. De plus, assure-t-on place Beauvau, les caméras qui équipent les Taser et se déclenchent en cas de tir sont «une sécurité de plus pour éviter tout abus».

Posté le 8.09.2008 à 13h51 par Enclume des Nuits (auteur du blog)
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