Du professionnalisme dans le contresens
vendredi XXIV août MMVIIInternet oblige, certains journalistes s'inquiètent de « l'ultra-démocratie » (lien), comprendre par là qu'ils trouvent qu'offrir du cratos au démos devrait se faire avec parcimonie.
Ainsi, Philippe Leroyer, qui se dit « auteur & photographe » -comme si le terme auteur désignait une activité ou un titre, voire une autorité-, ose une comparaison entre journalistes et « chercheurs en aéronautique ou énergie nucléaire » pour se plaindre qu'il « semblerait aujourd'hui que tout le monde soit [...] capable de faire le travail d'un journaliste [ainsi que] d'évaluer la qualité de travail effectué par un journaliste ». L'analogie est osée, car un article de presse, par nature, est accessible au plus grand nombre, il a vocation à la vulgarité. A contrario, les chercheurs agissent en tant que spécialistes, l'essence de leur métier n'est pas d'être compréhensible des autres mais de développer un savoir. Le degré de technicité mis en branle par un chercheur est sans comparaison avec celui d'un journaliste moyen, même si assurément, un bon journaliste devrait disposer de connaissances techniques abondantes pour pouvoir sereinement vulgariser, c'est à dire faire dans la simplicité et non le simplisme.
Le dit « auteur » considère qu'il y a « dérive en ce sens que nous sommes passé de "chacun à le droit de dire ce qu'il pense" (fondamental) à "l'opinion de chacun est pertinente" (faux et dangereux) ». Il est vrai qu'une telle confusion serait douteuse. Mais existe t-elle ? Leroyer affirme qu'un « bon journaliste se prévaut d'une formation (qu'elle soit scolaire ou acquise sur le terrain), suit un "cahier des charges" avant de livrer son information (fiabilité de ses sources, mise en contexte(s), recherches complémentaires, objectivité ou subjectivité clairement annoncée et assumée, explication, etc...), se réfère à une éthique bien précise... ». Soit. Mais sur quoi se base t-il ensuite pour affirmer que « tous ces aspects manquent cruellement dans 95% des cas lorsqu'une "information" est livrée par un non-journaliste ». D'où sortent ces 95 %, sont-ils vérifiables - peut-on imaginer vérifiable une statistique qui porterait sur autant d'informations que la masse de toutes celles révélées par des non-journalistes ?
Ainsi, au cours même de sa démonstration, et il n'y a nul besoin d'être expert pour s'en rendre compte, sinon de savoir lire le français, Leroyer se prend les pieds dans le tapis et s'offre à la critique, en ayant recours à une affirmation invérifiable et grotesque. On entend bien qu'ensuite il voue au mépris cette « ultra-démocratie », si celle-ci signifie relever des bourdes pareilles qui, du temps d'avant internet, aurait passé sans coup férir (sans jeu de mot).
Et à sa rescousse vient Nolita, qui se dit « créateur d'entreprise » -comme si c'était un métier de créer des entreprises- et affirme être « ancienne journaliste, formée à l'ESJ Lille ». Celle-ci déclare que « quand on écrit un papier, on applique des réflexes de professionnels : mise en perspective, contexte, sources, objectivité, éthique. Il y a les méthodes d'enquête, de travail, d'écriture. C'est un canevas complexe qui ne peut être confié à un amateur. C'est un peu comme en cuisine ». Tout d'abord, disons que je ne savais pas que la cuisine ne peut être confiée aux amateurs. Faut-il donc toujours manger dans un restaurant pour être bien servi ? Car même s'il est vrai que « le chef cuistot observe des règles, répond à des objectifs, à une éthique », je ne vois pas en quoi cela implique que le cuisinier amateur n'obéirait à aucune règles ni à aucun livre de recettes. Quant à l'éthique du chef cuistot, elle mériterait d'être décrite, car enfin, ce mot, « emprunté, par l'intermédiaire du bas latin ethica, de même sens, du grec êthikos [designe ce] "qui concerne les moeurs, moral" » (cf. Dictionnaire de l'Académie) et l'on saisit avec difficulté en quoi la morale d'une cuisinier est primordiale. Même si j'admets qu'il est chic de parler d'éthique, bien plus chic que d'employer l'archi-connoté terme morale.
Bref, là -dessus, Nolita ne fait que nous injecter une bonne piqûre de rappel quant à la pédanterie journalistique. Si elle s'arrêtait en si bon chemin, ce ne serait point drôle. Mais, pour notre bonheur, et au détriment de sa crédibilité, elle ajoute être outrée « quand on voit ce que Christian de Villeneuve a osé laissé faire au sein de la rédaction de l'Express (Groupe Lagardère), l'effacement sur une photo de vacances des poignées d'amour de notre président en maillot de bain ». Alors que c'est en fait Paris-Match qui est coupable de la manipulation médiatique et l'Express qui l'a révélé (lien). L'erreur est épatante dans la bouche de quelqu'un qui parlait « d'appliquer des réflexes de professionnels : mise en perspective, contexte, sources, objectivité, éthique » et évoquait la nécessité d'apporter « des informations vérifiées et fondées ».
A l'instar de son homologue Leroyer, Nolita, par des affirmations gratuitement erronées, nous offre le contre-exemple de ce qu'elle dénonçait, et par là enterre définitivement l'idée que la dimension professionnelle de l'exercice de l'activité journalistique était une garantie.
Nous n'allons pas pour autant prétendre que tous les journalistes sont mauvais. Mais il ne faudrait pas non plus s'empêcher de sourire à entendre gloser sur la médiocre qualité des travaux d'amateurs quant deux professionnels s'avèrent incapable de produire un texte, d'une poignée paragraphes, dépourvu des lacunes manifestes qu'ils reprochent aux autres.
Mise-à -jour : Il appert que Philippe Leroyer n'est pas journaliste professionnel. Vu son propos et le fait qu'il est publié sur un journal en ligne, rue89, il faut être bien habile pour comprendre le sens de sa démarche.
1. Du professionnalisme dans la manipulation
Cher Marcel Patoulatchi,
Ayant lu votre commentaire sur le permalien #699 de Maître Eolas, et sachant que d'autres internautes lisent votre blog en même temps que celui d’Eolas, je me permets d’exercer ici le droit de réponse que le sieur Eolas me refuse.
Peut-on se prétendre avocat et refuser le droit de réponse sur son blog ?
Il semble que oui. En tous cas, c’est très choquant et décevant de s’apercevoir qu’un homme de justice respecte aussi peu le débat contradictoire.
A l’heure où de nombreux avocats sont encouragés à créer leur propre blog (cf. la Blogosphère du CNB), j’aimerais bien connaître votre avis sur la question.
Voici donc un petit aperçu de la façon dont Maître Eolas gère (ou manipule) son blog :
<lien>
message 44 : maître Eolas réagit à mon commentaire en des termes suffisamment vexatoires pour que je puisse légitimement demander un droit de réponse.
Puis il bloque tout message en provenance de mon ordinateur (adresse IP).
Pourtant ma réponse n'avait rien d'insultant. Vous pourrez en juger par vous-même, et elle vous instruira sur les pratiques de cet « amoureux du droit »:
@Eolas
"Je n'ai à faire qu'à la police..." (#19)
"ne serait-ce que le temps de s'assurer qu'ils ne plaident pas au lieu de babiller" (#44)
Eolas, où est passé votre bel esprit agile et impertinent ?
Quoiqu'il en soit, un sociologue pourra étudier avec intérêt la façon dont le maître de ces lieux censure certains messages d'un acerbe "Hors sujet", puis se laisse aller à "butiner sur des idées qui en amènent d'autres".
Autre sujet d'étude: la façon dont vous allez réagir à tout ce contenu qui vous échappe...
@villiv
Je vous renouvelle mes remerciements pour #698/30 car vous n'avez pas été en mesure de lire #699/15: le maître de ces lieux a retardé la mise en ligne de mon message. Vous vous étiez remis au travail quand il est apparu hier.
Au moins, j'aurai appris sur le fonctionnement d'un blog et la façon dont le cours des évènements peut être manipulé.
@praetor
J'aimerais bien savoir de quel box ou tribune vous contemplez "les efforts déployés par un avocat pénaliste". Etes-vous juge, procureur ou client ?
Dans la mesure où Eolas n’a pas osé censurer vos critiques, je suppose que vous faites partie de la « grande famille » du droit.
@tous les autres
Personnellement je n'avais pas l'intention d'insulter le métier d'avocat. Alors considérons ces petites escarmouches comme une sorte de sous-Berryer, qui elle-même constitue un sous-match d'improvisation.
Je vous renvoie au commentaire de diling #664/23 (10 juillet 2007). Hélas, c'est sans doute peine perdue, car les avocats semblent peu ouverts à la critique ou à la remise en question. Peut-être est-ce une déformation professionnelle nécessaire, en raison de la grande confiance en soi qu'il faut afficher à tout propos. (Ah, le beau cliché !)