Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Du dialogue critique légal avec les intégristes contre l'intégrisme

mardi VII août MMVII

Sur le site des « Ogres », acronyme signifiant « Ouvertures Géographique Religieuse Ethnique Sociale », se targuant d'instaurer un « dialogue critique légal avec les intégristes contre l'intégrisme », on trouve de bien intéressants articles.

Rappelons que ce site est proche de Dieudonné, brave homme qui se dit persuadé qu'un complot sioniste l'empêche de parler (lien).

L'article ayant attiré mon attention s'intitule « Jazz et Jihad » (lien). Je n'en ferais pas un secret, c'est bien le terme djihad qui d'emblée m'a intrigué.

Est-il question dans cet article du jazzman Gilad Atzmon du djihad majeur, de la lutte d'un musulman contre ses propres démons ? Non, c'est bien de l'Irak, l'Afghanistan et la Palestine dont il est question. On apprend ainsi que les « Palestiniens, les Irakiens et les Afghans sont en train de payer au prix fort le tournant sionocentrique qui a été pris dans le circuit des décideurs anglo-américains », car, parait-il, « les siocons ont un gros appétit à satisfaire ». Le jazzman défend ainsi la thèse que « les mêmes lobbys qui ont conduit l'Amérique à cette désastreuse invasion de l'Irak et de l'Afghanistan sont maintenant en train de faire tout leur possible pour pousser l'Amérique à intervenir en Iran et en Syrie Pour les rares personnes qui ne l'ont pas encore réalisé, l'Amérique a opéré officiellement comme une force missionnée par Israël ». C'est une thèse qui peut se défendre, on peut prétendre que les USA adoptent une politique orientale favorable d'Israel, pays dont ils sont proches depuis sa fondation. La démonstration du jazzman est fragile, notamment lorsqu'il s'appuie sur un sondage en ligne demandant si « le lobby israélien contrôle la politique US au Moyen-Orient », sondage réalisé par une revue nommée Palestine Chronicle, nom suggérant fortement quelle est son obédience (ce qui est déterminant sur un sondage en ligne : la même question sur le site du Figaro et sur celui de Libération donnera des résultats bien différents, pour peu qu'elle porte sur un sujet de fracture entre les publics dedites revues), toutefois rien n'est absolument farfelu dans cette proposition.

Mais le jazzman ne s'arrête pas à cette défense. Non, il évoque dans la foulée ces belligérants qui seraient les « dernières poches souveraines de résistance musulmane ». Le cadre géographique étant dressé, on ne peut guère penser à autrui qu'aux Hamas palestinien, au Hezbollah libano-syrien, aux talibans afghans ainsi qu'aux insoumis irakiens. Ainsi ces individus dont le mode de combat place systématiquement les civils sous un régime de terreur seraient des résistants musulmans ? Le djihad auquel le jazzman s'attache semble être celui d'al-Quaida - je ne vois guère d'autre explication, à aucun moment il n'est question pour lui de combattre ses propres vices.

Il ajoute que « le dénominateur commun entre l'Irak, la Palestine et l'Afghanistan est notre indifférence collective face à un crime commis en notre nom ». Il est d'ailleurs « sidéré de constater qu'en tant que société, que groupe d'individus, nous avons réussi à échouer continuellement dans l'action pour les peuples d'Irak, de Palestine et d'Afghanistan ». S'exprime t-il en tant que musulman ? Il est vrai qu'on n'entend pas le monde musulman hors de ces zones où des crimes déments sont commis tous les jours condamner ceux qui commettent ces crimes en leur nom. Que nenni. Le jazzman s'exprime en tant qu'occidental et évoque « les crimes commis par Blair, Bush et les siocons ».

Le jazzman rappelle l'illégalité de l'invasion de l'Irak, « les écoeurants bobards diffusés par les services de renseignement anglo-américains ». On se souvient en effet de ces déclarations concernant les armes de destruction massive qu'aurait possédé Saddam Hussein, armes qui n'ont toujours pas été trouvées. Il se remémore l'opposition occidentale à cette guerre, « des millions de gens », face à « ce crime qui se préparait ». Néanmoins, il fait le choix du djihad, le choix du camp islamiste. Ce n'est pas un pacifiste opposé à la guerre, il s'associe spirituellement avec ces « résistants musulmans » dont les hauts faits guerriers consistent principalement en la commission d'attentat, attentats qui n'ont rien de moins ignobles que celui commis le 11 septembre 2001.

Le jazzman n'a pas tort lorsqu'il remarque « qu'attendre des Palestiniens qu'ils deviennent laïcs, cosmopolites et adeptes de l'idéologie de la classe ouvrière, c'est demander aux Arabes et aux musulmans d'agir comme des marxistes européens. Cela n'a rien à voir avec la solidarité ; ce n'est rien d'autre qu'une projection ». Il soulève ainsi un crucial paradoxe dans la bouche de nombreux pro-palestinien occidentaux, remarquant que « demander à des Occidentaux de soutenir les musulmans et le Jihad, c'est probablement trop leur demander » car « l'Occidental typique ne sait pas comment jeter un pont au-dessus du gouffre qui sépare le "matérialisme" du "Jihad" ou "l'amour de soi" et le "martyre" ». En Français dans le texte, le jazzman regrette ainsi l'incapacité occidentale à approuver le terrorisme.

Il conclu en associant le jazz au djihad en délirant sur la notion rebelle du jazz. Cet aspect démontrerait selon lui une profonde similitude. Le propos est débile, puisque la plupart des formes musicales ayant émergé au cours du siècle avaient ce côté rebelle, réinterprété selon les lieux et les personnes, des Sex Pistols à IAM en passant par les Rolling Stones. Le propos est d'autant plus infirme que, en plus d'ignorer la multitude de similitudes existantes entre le jazz et d'autres formes de musique, il oublie de profondes divergeances entre le jazz et l'islamisme. Le jazz n'a, que je sache, jamais servi à justifier le fait de trucider femmes et enfants d'un supposé bourreau.

Si tout ce qui est dit par ce jazzman n'est pas faux, l'article est fondamentalement favorable au terrorisme. Cela en dit long sur les « Ogres » et le « dialogue » qu'ils voudraient instaurer.

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«  9 août, Jongler avec la loi, un cas pratique   

    1 août, Les douze salopards en stage de citoyenneté »

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