Risques de la conduite et conduites à risque
lundi XXV juin MMVIIMatraquage médiatique oblige, nul n'ignore les risques des engins terrestres à moteur. Nous n'avons plus de carrosses, de véhicules à traction animale, nous avons donc oublié les risques d'autrefois, risques dont la dimension imprévisible était plus manifeste : coups de sabots, chevaux emballés, etc. Mais, airbag, ABS, et autres correcteurs de trajectoire, aussi utiles puissent-ils être, ne parent pas à tout.
Samedi 20 juin 2007, un fourgon de sapeurs-pompiers de Strasbourg, partant en intervention, a percuté un trottoir. En conséquence, le véhicule s'est renversé. Trois pompiers ont été blessés, dont l'un très grièvement (lien).
C'est un lieu commun : mieux vaut arriver tard que jamais. C'est une évidence : un secours en est réellement un que s'il n'est pas nécessaire de lui porter secours.
Mais c'est avant tout une question d'équilibre. Lors d'un incendie, d'un arrêt cardiaque, d'une agression, d'un viol, chaque seconde importe. C'est pour cette raison que le code de la route distingue les véhicules prioritaires dotés d'avertisseurs sonores et lumineux des autres véhicules.
Si j'aborde ce sujet aujourd'hui, c'est avec à l'esprit le drame survenu à Marseille dimanche matin, où un jeune de 14 ans a été renversé un véhicule de police passant au rouge. Ce jeune est décédé des suites de ces blessures (lien).
Certains éléments de cette affaire semblent dores et déjà établis. Le piéton traversait la chaussée régulièrement, au feu vert pour lui. De son côté, le véhicule de police n'avait pas son avertisseur sonore, le « deux-tons », activé. L'avertisseur lumineux, la rampe de gyrophares, que le piéton pouvait facilement ne pas remarquer dans les circonstances données, était-il actif, cela reste à éclaircir. Aussi, le caractère d'urgence de la mission n'était pas évident, voire inexistant, s'il est confirmé qu'il s'agissait simplement de « condui[re] un collègue policier qui devait prendre une relève de garde de détenu à l'hôpital Nord ».
Tels que les faits apparaissent, il y a une faute de conduite, consistant à effectuer un dépassement dangereux sans avertir de sa présence. Et il y a une faute de discipline, consistant à effectuer une manoeuvre dangereuse sans raison pertinente, l'usage des avertisseurs étant conditionnés par le caractère d'urgence de la mission en cours. Le résultat en est une erreur pénale, un homicide volontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence, faisant encourir au mis en cause 5 ans d'emprisonnement.
Nul doute, le mis en cause sera sanctionné en matière pénale, disciplinaire, en plus du poids moral des conséquences de l'accident, conséquences qui ne peuvent laisser insensible cet homme qui avait choisi pour profession de garder la paix publique. Je n'en rajouterais pas.
Espérons tout de même que ce tragique évènement ne sera pas l'occasion d'un grand festival de déclarations équivoques.
Le bal est déjà ouvert par un « haut responsable policier », qui gagnerait à ne pas rester anonyme pour tenir pareil propos, affirmant que « l'utilisation du gyrophare n'exonère cependant en rien la responsabilité du mis en cause quant au strict respect du code de la route comme tout conducteur » (lien). Je pense que ce haut responsable inconnu veut dire par là que la conduite en urgence d'un véhicule prioritaire se fait sous la responsabilité du conducteur, que la prudence s'impose aussi à lui, que toute imprudence se fait sous sa responsabilité. Il ne faudrait néanmoins pas que cette phrase soit comprise comme l'exigence que les véhicules prioritaires en urgence respectent le code de la route ; dans un tel cas de figure, nul gyrophare ne serait nécessaire, à quoi bon avertir autrui que l'on s'en tient au « strict respect du code de la route ». Evidemment, dans cet esprit, les urgences ne le seraient plus vraiment.
Et un tel bal est généralement sans fin (bientôt, dans 6 mois, les repas des fêtes de noël, instant propice aux déballages d'anecdotes croustillantes, n'est-ce pas ?). Échantillon sur « scoopeo » avec un sondage où la réponse « oui » arrive largement en tête à la question « d'après vous, les policiers abusent-ils de leur situation pour enfreindre le code de la route ? » (lien). L'un commente « ça m'étonne pas parfois quand je les vois conduire sans avertisseur ni giro ils feraient bien de repasser leur code ». Il n'a pas tort, le monsieur, je remarque souvent des véhicules de police doublant par la droite sur l'autoroute... reste à se demander comment il se fait qu'il y a de la place pour doubler à droite, comment se fait-il que les véhicules doublés ne soient pas eux sur ladite file de droite. Aussi, est-il judicieux que les policiers fassent systématiquement usage de leurs avertisseurs lorsqu'ils s'apprêtent à intervenir ? Est-il judicieux qu'ils soient toujours vu avant de voir, donnant de l'avance à ceux qui pourraient avoir tendance à vouloir prendre la poudre d'escampette à leur arrivée ?
Ce grandiose bal fait figure de festival permanent. Il éclôt ponctuellement, à l'occasion de tragiques évènements en tout genre. Mais peut-on attendre des citoyens une vision rationnelle de leur police, vu que peu de ces citoyens acceptent de bon coeur de se voir reprocher les infractions qu'ils commettent eux-mêmes, devenant fous de rage à l'idée de « passe-droit », c'est à dire à l'idée d'abus qui ne le gênent pas tant par le fait qu'ils existent mais par le fait qu'ils leurs sont refusés ? Ces débats ponctuels, forcément biaisés car trop ponctuels et référencés à un évènement précis, généralement animés par des personnes mal renseignées, invitent souvent à un abus inverse à celui constaté. Souhaitons, candide, que ce ne soit pas le cas cette fois ; cette conduite là est bien trop risquée.
1.
"Le bal est déjà ouvert par un « haut responsable policier », qui gagnerait à ne pas rester anonyme pour tenir pareil propos."
Tiens ! Tiens !
Et vous ? N'êtes-vous pas anonyme ?
Et souvent vous dites bien pire !
Encore une illustration de : Faite ce que je dis pas ce que je fais !