Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Du paradoxe d'une profession commerciale dont la déontologie interdit le commerce

dimanche X juin MMVII

Ce jour sur M6, « Mac Lesggy et Véronique Mounier accueillent des spécialistes en plateau pour analyser, commenter et réagir sur des cas manifestes de pratiques douteuses voire d'escroqueries et de détournement de la loi en matière de médecine et chirurgie esthétique. Ils dressent le liste des bons réflexes à avoir pour éviter de se retrouver dans de telles situations. Au sommaire : "Chirurgie esthétique : la foire aux prix !". "Attention aux rabatteurs : ces chirurgiens hors-la-loi...". "Faux chirurgiens... attention danger !". "Les fausses promesses de la médecine esthétique". » (lien).

Il y a de quoi s'inquiéter, à constater que certains médecins pratiquent des actes pour lesquels ils ne sont pas qualifiés (de la chirurgie), escroquent la sécurité sociale en faisant passer des actes de commodité pour des actes de soins, adoptent des méthodes commerciales en passant des accords avec des tiers pour qu'ils rabattent vers eux des patients.

Mais n'est-ce pas, finalement, l'aboutissement de la transformation du métier de médecin chirurgien en celui de commerçant esthète ? Dès lors que l'on admet qu'un acte chirurgical puisse ne pas avoir de vocation médicale, puisse ne pas être réalisé dans le « souci [...] de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux » (lien), peut-on s'étonner d'arrangements connexes que nourrissent un rapport avant tout commercial de patient -client- à thérapeute -commerçant- ?

Peut-on reprocher à un commerçant de faire de la publicité pour ses services alors qu'il vend une poitrine comme d'autres vendent un beefsteak ? Quelle est la différence fondamentale entre ces deux commerces ?

On peut certes stigmatiser les abus manifestes (escroquerie, abus de confiance, etc) mais l'esprit même de l'activité fait que nous ne sommes plus dans le registre médical, sacrifiant au culte d'une esthétique définie on ne sait trop comment, ne répondant pas à des critères simples de vitalité. On peut ainsi voir dans certains documentaires des gamines expliquer que l'ensemble de leurs problèmes existentiels sont liés à leur physique qu'elles trouvent ingrat, pour un nez quelque peu cyranidien par exemple, qu'une standardisation au scalpel, ISO 9001 éventuellement, réglerait sans tarder. Arrive sur ces entrefaites un chirurgien au grand coeur ; ce dernier de nous expliquer que l'opération de ravalement de façade qu'il envisage sur cette gamine sera vouée à l'apaisement de son esprit - modifier le physique pour soigner les maux de l'âme, en somme. En quoi cette modification peut-elle être pertinente ? La question ne se pose pas, culte du caprice enfantin oblige, on observe ce que l'on considère comme anomalie et on le fait disparaître illico. Le client est roi, après tout, c'est lui qui paye.

Et oui, c'est lui paye. Faire les gros yeux sur un plateau de télévision en s'étonnant des dérapages, contrôlés ou pas, de praticiens de la chirurgie esthétique invite au sarcasme. D'autant plus lorsque sur ce même plateau, on présente différentes méthodes d'injection de toxine botulique et équivalents sous l'angle de l'efficacité. « Vous savez tout pour vous faire opérer en toute sécurité, une décision qu'il ne faut pas prendre à légère » conclut Véronique Mounier : une conclusion à l'image du paradoxe central du thème du jour, une invitation à se faire boucher-charcuter en toute rigueur médicale dans une perspective fondamentalement commerciale.

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