Garde à vue de Christophe Mercier, « chronique de la France d'après ? »
dimanche XX mai MMVIILa question est posée dans la presse à propos de la mésaventure arrivée à Christophe Mercier, un normalien, agrégé de lettres, critique littéraire au Figaro, qui, parait-il, « a subi une garde à vue effarante », « application à la lettre, sans discernement, d'une politique qui ne semble viser qu'à l'humiliation du citoyen » (lien).
« Les faits : un mardi de février, il accompagne de trois verres de bière son déjeuner avec deux amis éditeurs. Il reprend ensuite sa moto et roule dans Paris. Arrêté par la police alors qu'il roulait à 30 km/h, il est emmené au commissariat pour y subir le test de l'éthylomètre. Menotté, déshabillé, fouillé au corps, photographié, placé dans une cellule obscure puis dans la cellule de « dégrisement », il va vivre dix-neuf heures de garde à vue. Outre que l'éthylomètre a officialisé 0,7 g d'alcool dans le sang (le plafond autorisé est de 0,4), les policiers ont remarqué qu'il roulait sur la ligne de bus ce que Mercier conteste. A aucun moment de sa garde à vue il ne pourra prévenir quiconque. ».
Christophe Mercier qui, au préalable, « savait que Nicolas Sarkozy était un ministre de l'Intérieur dangereux », a donc publié un livre qui « rappelle que l'absurde arrive tous les jours, à ceci près qu'il occasionne dorénavant des gardes à vue bien plus longues ».
Mais « il n'y a d'ailleurs rien d'illégal ni d'impoli dans les agissements policiers » nous dit-on.
Ah.
Un petit éclaircissement s'impose.
Tout d'abord, toute personne gardée à vue à le droit de faire avertir un membre de sa famille ou son employeur de la mesure dont il fait l'objet. N'importe quel avocat, même le plus misérable et le plus feignant, peut faire sauter l'ensemble de la procédure du fait d'un tel oubli. Néanmoins, signalons que l'officier de police judiciaire décidant du placement en garde à vue à une obligation de moyen à ce propos, et non de résultat. Notons aussi que le terme « fouille à corps » désigne la fouille des vêtements - il ne s'agit pas d'investigations corporelles internes, contrairement à ce que l'expression suggère, investigation qui ne peuvent être effectuées que par un médecin.
Ensuite, signalons que le fait que Christophe Mercier circulait ou non sur une file de bus, à 30 kmh ou plus, est indifférent au fond de l'affaire. Le contrôle de réglementation d'un véhicule terrestre à moteur peut être exécuté en l'absence d'infraction initiale - c'est d'ailleurs le cas le plus fréquent.
Finalement, et là nous touchons leur coeur de la non-affaire, si Christophe Mercier n'avait que 0,7 g d'alcool dans le sang, il était en deçà du seuil délictueux de la conduite sous l'imprégnation alcoolique (0,8 g / litre de sang). Or, le placement en garde à vue n'est possible, dans le cadre de l'enquête de flagrance, que pour les crimes ou délits passibles d'une peine d'emprisonnement. Son placement en garde à vue serait ainsi absolument illégal, une arrestation arbitraire, ce que nul ne peut ignorer, certainement pas le commissaire de police du service où il fut ramené (lien). Ce n'est pas tout à fait comme si les conduites sous l'empire d'un état alcoolique et les conduites en état d'ivresse étaient des infractions rarement constatées, au point que des officiers de police judiciaire s'emmêlent les pinceaux en confondant seuil contraventionnel et seuil délictueux.
Christophe Mercier nous ment-il en donnant un chiffre de 0,7 ? Pas nécessairement. En prêtant garde à ses propos, on observe qu'il nous parle d'un contrôle à l'ethylomètre. Cependant, un ethylomètre ne peut donner un taux d'alcool par litre de sang, il ne consiste pas en prise de sang. Non, l'éthylomètre se contente de donner un taux d'alcool par litre d'air expiré. Et s'il s'agit de 0,7 Mg / litre d'air expiré, l'histoire prend sens, puisqu'on est presque au double du seuil délictueux, qui est de 0,40 Mg / litre d'air expiré. L'histoire prend sens, même s'il est évident qu'un tel taux (qui doit être proche des 1,5 g / litre de sang) ne peut être atteint, par un individu de sexe masculin de constitution normale, après la consommation de « trois verres de bière ».
J'entends bien qu'un chroniqueur au Figaro soit outré d'avoir découvert que la loi s'appliquait même à lui. De là à disserter sur « le culte du résultat et la restriction de l'espace de liberté », je crois que brave monsieur dérape, dérape, dérape. Aurait-il encore bu « trois verres de bière » lorsqu'il prit la plume pour nous narrer sa si banale histoire ?
1. Oui, mais quand même
Ce qui me frappe, c'est qu'on dise "Christophe Mercier, un normalien, agrégé de lettres, critique littéraire au Figaro", comme pour souligner que les mesures dont il a fait l'objet n'auraient pas dû s'adresser à lui. Comme si, la chose aurait été moins choquante arrivée à Farid Ben Quelquechose, chômeur, en échec scolaire et connu des services de police...