Circonstances atténuantes ?
mardi XXX janvier MMVIINotre code pénal ne prévoit pas de circonstances atténuantes. Il prévoit des causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité (notamment la minorité, les troubles psychiques ou neuropsychiques, etc). Il prévoit la personnalisation des peines en ne proposant que des peines maximales. Mais il ne prévoit pas, pour des infractions données, de listes exhaustives de conditions modifiant automatiquement la peine encourue. S'il existe des circonstances aggravantes (le fait de préméditer un meurtre, le fait d'être armé lors de la commission d'un vol, etc), il n'existe pas stricto sensu de circonstances atténuantes. Le principe de la personnalisation des peines repose sur la volonté de confier aux juges (qu'ils soient magistrats ou jurés) pleine latitude en ne leur imposant aucun minimum de peine, en ne les astreignant qu'à un maximum. En ce sens, lorsque l'on dit que le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle, il faut comprendre que le viol fait encourir un maximum de 15 ans : non pas que la société estime que tout viol mérite 15 ans mais que tout viol peut être puni de 15 ans. Mais le législateur est-il capable de répondre à la question suivante : peut-il y avoir reconnaissance de culpabilité pour un crime assortie d'une peine dérisoire - peut-on, par exemple, envisager un viol qui serait puni d'une simple peine d'amende ?
Prenons un exemple concret : « Deux anciens employés d'un centre pour handicapés d'Uchaux (Vaucluse) ont été condamnés, dans la nuit de vendredi à samedi, à 10 ans d'emprisonnement par la cour d'assises du Vaucluse pour avoir violé et agressé sexuellement des pensionnaires déficients mentaux. Luc Dupriez, 52 ans, et Pierre André, 49 ans, moniteurs au Centre d'aide par le travail (CAT) d'Uchaux ont été reconnus coupables d'avoir abusé de leur situation pour imposer attouchements, fellations et viols à une dizaine d'handicapés mentaux. La peine de Luc Dupriez a été assortie d'un suivi socio-judiciaire. Un troisième employé du CAT, Joël Roure, 55 ans, qui comparaissait à leurs côtés, a finalement été relaxés des accusations portées contre lui par six handicapés, cinq femmes et un homme. Au cours du procès, Joël Roure, qui a reconnu un "simple attouchement", a été décrit comme un homme simple, voire fruste, "honnête et travailleur". Jeudi soir, l'avocat général avait requis 13 ans de prison contre Luc Dupriez et Pierre André et 9 ans contre Joël Roure, qualifiants de "particulièrement graves" les faits commis "sur des personnes vulnérables par ceux qui étaient en charge de les protéger". Une dizaine de handicapés mentaux, âgés de 30 à 40 ans, mais avec pour certains des facultés mentales de 4 ou 5 ans, se sont plaints des agissements de Luc Dupriez et Pierre André, commis de 1994 à 2002, selon l'enquête. La justice s'était saisie de l'affaire fin 2002, lorsque deux travailleuses sociales de l'Association de parents d'enfants inadaptés (APEI) d'Orange (Vaucluse), chargée de gérer le CAT, s'étaient présentées avec une handicapée au commissariat de la ville pour dénoncer les agissements de Luc Dupriez. Au cours de l'instruction, d'autres pensionnaires se sont plaints de viols et d'agressions sexuelles répétées, voire quasi-quotidiennes, de la part de Luc Dupriez, mais aussi de Pierre André et Joël Roure." » (lien, AFP, 27 janvier 2007)
Viols aggravés, faisant encourir 20 ans, pour les deux premiers, aggressions sexuelles aggravées, faisant encourir 10 ans, pour le troisième.
Concernant les deux premiers accusés, on appuie sur la gravité des faits (« particulièrement graves ») commis, pourtant, on personnalise abondamment en usant de la moitié de la peine encourue : que faudrait-il donc faire pour atteindre le maximum encouru ? Quant au troisième, il fait un aveu de culpabilité à l'audience et néanmoins la cour le relaxe. Si la cour avait estimé cet individu reclassé, sans risque de récidive, le dommage causé réparé, on aurait pu comprendre le choix du dispense de peine. Mais la cour ne choisit pas la dispense de peine, elle fait le choix de déclarer innocent un coupable ; je vous laisse apprécier le sens profond de l'arrêt.
Certes, on ne peut avoir un avis serein et mesuré sur un procès d'Assises sur la simple base d'une trop courte dépêche AFP, je le reconnais volontiers. Toutefois, cela ne m'empêche pas de penser que c'est un abus de la personnalisation des peines que de pouvoir faire des reconnaissances de culpabilité assorties de peines dérisoires. Ceci me semble d'autant plus vrai que, notre code pénal prévoyant dispenses, suspensions de peine et adaptations au stade de l'exécution des peines, ce n'est pas comme si les juridictions étaient dépourvues d'outils légaux pour rendre une condamnation avec la fermeté qui sied au crime commis tout en proposant un mode d'exécution de la peine adapté à la personnalité du condamné. Des peines planchers en ce sens ne pourraient pas faire de tort.
On dit parfois que la Justice communique mal sur sa pratique. J'ai bien peur que tout ne soit pas que question de malentendu. L'irresponsabilité des magistrats n'est sans doute pas innocente dans les déboires actuels de notre société dans sa lutte contre la petite délinquance urbaine. Je n'en blâme pas les magistrats, je constate juste que la personnalisation des peines leur a accordé des pouvoirs gigantesques, les contraignant non seulement à décider de la culpabilité d'un homme -le coeur du métier de juge- mais aussi du quantum de sa peine, sans les assortir de prises de responsabilités personnelles. Si l'homme reconnu coupable d'aggressions sexuelles aggravées récidive (récidive naturelle et non légale, puisque l'individu coupable est relaxé...) dès demain, qui s'en expliquera ?
1.
Je m'explique guère la teneur de votre billet : vous vous fondez sur une dépêche d'agence relatant un procès d'assises à l'issue duquel neuf jurés et trois juges professionnels ont , semble-t-il , prononcé des sanctions et un acquittement pour mettre en cause , je vous cite , l'irresponsabilité des magistrats constitutive des déboires actuels de notre société dans la lutte contre la petite délinquance urbaine ...
Vous vous livrez ainsi à un amalgame surprenant : affaire criminelle jugée par 3/4 de magistrats non - professionnels dont le verdict explique la petite délinquance favorisée par les juges de métier .
Primo , une seul dépêche de presse ne saurait permettre de telles conclusions sur le fond d'un dossier .Deuxio , comment comparer la petite délinquance urbaine , pour vous citer , et des agressions sexuelles apparemment perpétrées dans un contexte singulier .
Relisez les dépêches publiées lors des débuts de l'affaire dite d'Outreau ...Elles auraient dû être suivies de condamnations de tous les accusés et ainsi ...favoriser la baisse de la " petite délinquance urbaine " .
Trop , c'est trop !