Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Nationaliser la citoyenneté

lundi XXX octobre MMVI

Max Gallo, fils d'immigrés italiens, entré dans la vie active par un CAP de mécanicien-ajusteur pour en arriver notamment à un doctorat d'histoire et à l'enseignement supérieur (lien), est Fier d'être Français, nous explique t-il dans l'ouvrage de ce nom publié chez Fayard cette année.

Romain Gary, fils d'immigrés russes, entré dans la vie active en tant caporal de l'armée de l'air française pour plus tard être Consul général de France (lien), disait dans La promesse de l'aube qu'il était devenu Français à part entière lorsqu'il a cessé de croire que les Français lui étaient supérieurs.

Moi-même, fils de Français de longue date (on se trouvera toujours des parents immigrés, si on est patient), je crois que je suis devenu Français à part entière lorsque j'ai cessé de croire que les Français étaient inférieurs aux autres, lorsque j'ai pris le parti de faire de notre héritage social et culturel une fierté.

La génération de mes parents, ceux qui sont nés sur la fin de la IIème Guerre Mondiale, a constitué un terreau bien favorable pour le culte de l'Autre préfigurant l'antiracisme d'aujourd'hui, ce communisme du XXIème siècle (à quand un « Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents antiracistes » dans les salles obscures ? lien). Ils ne savaient pas. Leur enfance et adolescence passée pendant les Trente Glorieuses, ils avaient à la fois le contre-exemple de la France de la collaboration, où l'Autre était stigmatisé comme ennemi de la Nation, et le contre-exemple du renouveau économique, où l'Autre était à présent relégué comme serf de la Nation. Tenir compte de ces contre-exemples, c'était nécessairement voir la Nation comme facteur d'oppression, l'Autre comme perpétuelle victime.

Mes parents en ont tenu compte, ils étaient suffisamment curieux et idéalistes pour cela. Par conséquent, j'ai reçu une éducation où le sentiment national n'était pas exalté mais ringardisé et suspecté, une éducation où l'Autre était idéalisé. Alors que des Gallo ou Gary avaient passé une enfance à vouloir apprendre la France et y adhérer, j'ai au contraire été invité à tenter de la méconnaître et de me désolidariser. Si l'affaire est plus subtile que je ne le dis ici, si je grossis le trait, je crois que cela donne une image assez honnête du tableau.

J'ai cru au droit à la différence. Je ne comprenais pas un seul instant comment un parti tel que le Front National pouvait avoir le moindre succès.

Et puis j'ai grandi. J'ai découvert d'autres mondes que la classe moyenne majoritairement blanche. J'ai alors cessé d'être inconsciemment raciste quand j'ai compris qu'il y avait des abrutis de toutes les couleurs, que la couleur de la peau d'un individu n'en faisait pas un « pote ». J'ai côtoyé ces jeunes des banlieues à émeutes, certains furent de bons camarades, mais le trop fréquent culte de l'argent et le racisme sur-représenté, peut-être bien plus qu'au sein de l'extrême-droite elle même dans le sens où il est tacite et naturel, m'a tôt fait prendre conscience des dangers du culte de l'Autre, qui nous fait ignorer des dérives incommensurables sur la base de l'identité de supposées victimes perpétuelles de leurs praticiens. Je garde en mémoire ce fait divers de la fin des années 1990 où l'association Ras-Le-Front soutenait corps et cris une mère de famille arabe qui avait molestée une enseignante, une défense qui n'avait absolument aucune autre motivation que le parti-pris qu'une arabe ne pouvait qu'être une victime même lorsque les faits démontraient le contraire.

Le culte de l'Autre, la chanson de l'altérité mirifique qui pousse à toujours croire que l'on doit quelque chose mais qu'on n'apporte rien, est une forme d'idéologie. S'en départir crée un vide.

Ce vide, je l'ai comblé par une réflexion sur la notion de chose commune et de citoyenneté. Il ne s'agit pas de remplacer une idéologie par une autre, seulement de remplacer une idéologie par un idéalisme. Ce n'est pas incompatible avec la bonne intention de nos aînés que de penser la concorde entre les hommes en terme de Nation. Notre Nation à ceci de sympathique qu'elle est ouverte à tous par définition, d'une grande porosité pour toutes les matières qui ne sont point trop corosives. Elle s'est bâtie par l'adhésion de peuples aux coutumes parfois très différentes. Parfois aussi par le sang versé, il est vrai, mais il reste qu'on l'a définie comme une affaire de coeur, selon les mots de Fustel de Coulanges (lien), un corps auquel on peut choisir d'adhérer si on en a la volonté. Notre Nation est aussi, avec les États-Unis d'Amérique, le berceau des Droits de l'homme qui stipulent que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Quoi de plus louable que cette porte ouverte pour l'Autre, s'il veut se donner la peine d'entrer en essuyant ses pieds sur le paillasson ?

Nos principes, notre Nation, nous a autrefois donné des Gary et des Gallo, et bien plus encore, du temps de l'exigence. Aujourd'hui alors qu'on débat pour savoir si on doit tolérer qu'on outrage notre hymne, alors qu'on ne sait pas si ce serait acceptable d'exiger d'individus demandant la nationalité française qu'ils sachent parler Français et connaissent un minimum les principes de notre République, je crois que la mollesse de nos parents -ils voulaient bien faire mais il est pourtant célèbre que l'enfer est pavé de bonnes intentions-, leur dévalorisation de la France, joue un rôle notable dans les troubles perpétuels causés par des jeunes individus majoritairement issus d'une immigration récente.

On ne respecte que ceux qui se respectent, on n'adhère pas à ce qui se décrit comme minable. Pour eux comme pour nous, il s'impose de nationaliser la citoyenneté, de revendiquer la « France aux français », comme l'avait fait avec lucidité Dieudonné en un temps où il semblait moins tourmenté, c'est à dire la France pour tous ceux qui veulent y adhérer, indifféremment de leur genre ethnique - pour le droit à l'indifférence.

Certains exemples comme Jamel Debbouze me semblent donner des raisons de croire un avenir possible pour une France solide, généreuse et unie. L'avenir nous le dira, bien entendu ; mais l'avenir, c'est nous, il ne tombera pas du ciel. Soutenons les bâtisseurs, mettons hors d'état de nuire les destructeurs.

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