Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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jeudi XII octobre MMVI

Je ne surprendrais pas ceux qui suivent ce blog en affirmant être opposé aux lois qui font entrer la science dans le giron judiciaire. L'histoire est une science humaine qui évolue sans cesse, d'années en années, de générations en générations. Le savoir y évolue souvent sur la base d'une remise en cause des analyses précédentes, tirant profit de nouvelles sources ou de nouvelles méthodes d'analyse des sources.

Je pense que c'est une erreur magistrale d'avoir laissé les négationnisme s'intituler « révisionnistes », comme si ce qui pouvait leur être reproché est l'idée de réviser l'histoire. Non, le problème du négationnisme, ce n'est pas qu'il révise la vision que l'on a d'un fait passé, ce que font tous les historiens, c'est que cette révision est la négation d'un génocide sur la base d'élucubrations d'individus qui n'ont même pas fait d'études d'histoire, c'est à dire qui n'ont même pas été formé a l'étude rigoureuse des sources à l'instar de Robert Faurisson, élucubrations qui n'ont de sens que si l'on croit qu'existe un complot juif mondial contrôlant tous les médias et gouvernements, car seul un tel complot pourrait expliquer une telle intoxication. Bref, le négationnisme est une débilité qui ne me semble même pas digne d'être discutée. Le piège, c'est de discuter avec des négationnistes des faits du génocide. Ils trouveront toujours des détails, des approximations, pour discutailler sans cesse - car en histoire, on trouve toujours des approximations possibles, des sources discutables, on a toujours une paille à disposition si on veut à tout prix ignorer la poutre. Non, pour jouer carte sur table, il suffit de leur demander s'ils contestent les promesses des discours nazis de la grande époque annonçant l'éradication des juifs d'Europe. Il suffit ensuite de leur demander comment ils expliquent que leurs théories ne sont partagées par aucun historien. Ces deux points suffisent à faire sortir le ridicule d'une théorie qui voudrait prouver qu'il est inimaginable que les nazis aient pu faire ce qu'ils disaient vouloir faire, d'une théorie qui ne repose que sur l'idée que l'ensemble de l'humanité est contrôlée et manipulée par une poignée de comploteurs unis par leur religion.

Ceci étant dit, je ne suis pas favorable aux législations faisant du négationnisme un délit. Tout simplement parce que ce n'est pas à un juge de dire l'histoire en référence à une loi, par définition figée. Par principe, c'est insensé. Mais en plus de reposer sur un principe douteux, c'est contre-productif. Le négationnisme repose sur l'idée absurde de complot mondial. Les négationnistes tirent de leur impopularité leur prestige, ils donnent la sensation à leurs adeptes d'être des initiés, d'être à part, d'être contestataires, sentiment toujours grisant d'appartenir à une forme d'élite. Être interdit, c'est sans doute un des points les plus fondamentaux de leur marketing.

Je trouve donc inadapté qu'une loi française pénalise la négation du génocide arménien. Toutefois, la réaction internationale m'ulcère. La Turquie nous menace (« Turkey [...] has threatened sanctions », lien), parait-il. La Turquie, le pays qui veut entrer dans l'Union Européenne, le machin construit par la France, l'Allemagne et le Bénélux, nous menace parce que nous légiférons [mal] sur la liberté d'expression en France. Ah bon.

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« 13 octobre, Arrogance de corps, forteresses assiégées en situation de défaut d'assaillants   

    8 octobre, L'art de communiquer, adaptation ou manipulation ? »

1. d'accord

D'accord avec vous sur le fait que l'on ne devrait pas légiférer sur l'histoire. Que les négationnistes s'autoproclament révisonnistes, nous n'y pouvons pas grand chose. Pierre Vidal Naquet par exemple s'est toujours élevé contre cette apellation avec les mêmes arguments que vous, mais il s'agit évidemment de leur part d'une lutte de légitimité, d'autant plus que certains vont pinailler (car c'est effectivement leur technique) sur le fait qu'ils ne sont pas réellement négationnistes mais bla bla bla ...

Posté le 15.10.2006 à 9h56 par le passant
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