Une présomption défavorable ?
mardi XVIII juillet MMVIObservant un avocat, s'appuyant sur les travaux d'une commission, parler de « mise en danger délibérée de la vie d'autrui » à propos d'un interrogatoire réalisé dans un hôpital pour une affaire d'extrême-urgence, j'ai la sobre sensation que, de nos jours, le bon sens n'est plus requis pour borner l'accusation dès lors que l'accusé est la force publique. Que l'on mette en danger un blessé en lui parlant dans un cadre hospitalier, cela ne paraît pas criant. Il ne suffit pas de constater qu'un interrogatoire fut fait à un blessé, il aurait fallu avoir au moins l'avis d'un médecin affirmant que le fait de poser des questions à ce blessé là puisse constituer une telle mise en danger (lien).
Me Mignard n'use t-il pas de la forme de cet interrogatoire, certes discutable mais néanmoins difficile à rapprocher d'une mise en danger à la vie d'autrui, pour pouvoir porter l'accusation qui lui tient à coeur de longue date ? Il faut bien entendu se souvenir qu'il a annoncé auparavant au travers d'un article de Télérama (n° 2934, avril 2006 - évoqué dans lien) son intention de porter plainte contre la police pour « mise en danger délibéré de la vie d'autrui ». Persuadé que « a été étouffée la vérité sur la mort des deux jeunes de Clichy-sous-Bois », il voulait attaquer sur ce point, « rétablir la vérité » selon les termes de l'article, à propos de la mort des deux jeunes rentrés de leur plein gré (un fait jusqu'à présent jamais contesté) par effraction dans un transformateur électrique (bardé de panneaux indiquant le danger de mort). Si la véracité de son propos concernant les deux défunts, si la véracité de son accusation initiale, était aussi évidente que ce qu'il semblait à l'écouter, s'il y avait ne serait-ce qu'un commencement de preuve pour fonder ses accusations, sans doute ne s'interesserait-il pas tant à Muhittin Altun, le rescapé, sans doute la multiplication des dépôts de plainte ne serait pas de rigueur.
Car le moins que l'on puisse dire, c'est que Muhittin Altun n'est pas le client idéal. Après avoir fui la police dans l'affaire de novembre 2005 (donc auteur au moins d'un défaut de réponse à une réquisition des autorités judiciaires - rappellons que les Droits de l'homme et du citoyen stipulent que « tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance »), il a de nouveau fait parler de lui six mois plus tard en étant « interpellé mardi vers 22H00 à Clichy-sous-Bois pour dégradation volontaire de biens publics en réunion lors d'incidents entre forces de l'ordre et jeunes du quartier » (lien). On retrouve dans cette affaire ce cher Me Mignard déclamant que « Muhittin Altun a été placé en garde à vue pour des faits dérisoires, un jet de pierre qu'il nie avec la dernière énergie », ce qui nous renseigne sur l'état d'esprit de cet avocat pour qui le fait de lancer des pierres sur des fonctionnaires ou leur véhicule est un fait dérisoire. Vous ne rêvez pas, nous parlons bien de cet avocat qui considère par ailleurs que parler à un malade constitue une mise en danger délibérée de la vie d'autrui. Lui si farouche et répressif lorsqu'il accuse des policiers devient en un instant tout miel et toute clémence.
Il paraîtrait que lorsqu'il est question de la force publique, toutes les licences sont possibles, alors qu'elles seraient condamnées avec la plus âpre énergie s'il était question de n'importe qui d'autre. On pourrait penser qu'il s'agit du jeu habituel et normal de l'avocat de la défense : mais non, Me Mignard n'est pas ici seulement avocat de la défense mais aussi partie civile accusatrice ! Constater cette dichtomie radicale de la perception de la gravité des actes et des responsabilités individuelles en fonction de l'identité du mis en cause frôle avec le procès d'intention, je conviens aisément. J'observe néanmoins des constantes dans l'attitude de certains qui ne semblent pas être de pures coincidences. On pourrait penser que ce débat est phagocyté d'enjeux politiciens (Me Mignard est un proche du premier secrétaire du Parti socialiste français), mais rien ne permet de douter de la sincérité de l'avocat. Une question se pose tout de même : comment les acteurs ou soutiens de cette idéologie gèreront les futures crises sociales nécessitant l'intervention de la force publique, s'ils sont amenés au pouvoir exécutif ? Rappelons que les incendies de voitures ne sont pas propres aux périodes de gouvernance de droite, se produisent régulièrement, affaire polémique impliquant la police ou pas. Me Mignard déclarait il y a peu que « la parole éteint la violence ». Il était néanmoins déjà proche du pouvoir dès les années 1980 (lien), ceci laissant penser que, malheureusement, la parole n'a pas les vertus magiques qu'il veut bien lui préter.
Je suis d'avis que ceux qui soutiennent Me Mignard dans sa démarche, dans son esprit, devraient clarifier le rapport qu'ils entretiennent avec la force publique, notamment avec l'idée que « la garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique », en particulier s'ils briguent un mandat électif.