Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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La neutralité de l'enquêteur

lundi XVII juillet MMVI

Je ne parlerais pas de procédure pénale aujourd'hui, en dépit du titre. L'enquête dont je parle, c'est celle publiée dans Télérama, intitulée « Enquête, qu'est-ce qu'être Français » (n° 2948, p. 16-18). Je ne vais pas vous gratifier d'un élaboré article, je vais me contenter de formuler quelques observations sur la partie « Papiers sensibles » de l'article, traitant de « l'épineux accès à la nationalité française », dont la problématique apparente est « comment un étranger devient-il français ».

Citant Gérard Noiriel, l'article affirme que « le droit de la nationalité va donc être un droit éminemment politique ». Très prosaïquement, je me dis qu'il ne manquerait plus que ça, que le droit à la citoyenneté ne soit pas politique. Qu'y a t-il de plus fondamental pour une cité (polis) que de définir qui en fait partie ? C'est le fondement même de la politique que de dire ce qu'est la polis.

« Le Front National dénonce la "trop grande facilité" avec laquelle des étrangers deviennent des nationaux. Ce serpent de mer resurgit au débuts des années 90 avec le gouvernement d'Edouard Balladur. Rompant avec cent ans de tradition du droit français, la loi Méhaignerie de 1993 à remis en cause l'accès automatique à la nationalité française, en instituant l'obligation pour les enfants nés en France de parents étrangers "de manifester leur volonté d'être français". Cinq ans plus tard, avec le retour des socialistes au pouvoir, le loi Guigou est revenue sur cette exception. Ainsi, depuis un siècle, l'étranger qui demande la nationalité a toujours été, peu ou prou, traité comme un suspect potentiel ». Cette loi de 1993 serait donc de tendance xénophobe, incarnation du « serpent de mer » d'extrême-droite. Mais en quoi est-il honteux pour une cité de demander à ce que ceux qui demandent à y adhérer manifestent une volonté ? Serait-ce parce que cela rompt une tradition : la loi devrait être fondée sur le passé sans raison ? On peut fouiller le droit vieux d'un siècle, on y trouvera des choses qu'assurement on ne voudrait pas ressusciter. Alors en quoi cette loi était-elle douteuse ? Dois-je en conclure que l'on peut adhérer au PS sans manifester la moindre volonté ? Il est pourtant impossible d'adhérer au PS sans payer son inscription. Dois-je en conclure que l'on peut se faire embaucher comme journaliste chez Télérama en disant que finalement on n'a aucun intérêt pour cette revue ?

« Ainsi, depuis un siècle, l'étranger qui demande la nationalité a toujours été, peu ou prou, traité comme un suspect potentiel, menaçant de diluer insidieusement l'identité nationale ou de "manger le pain des français" » nous dit-on. Il est pourtant difficile de relier cette description d'une France xénophobe et avare de sa nationalité avec le constat fait en début d'article : « un quart des habitants compte au moins un grand-parent venu d'ailleurs ». Les faits, les chiffres, ne donnent pas raison à cette description d'une France hostile.

« Max Gallo, au nom de la République, redonne vigueur au slogan "fier d'être français" (titre de son dernier essai). Les "français de préférence" qu'appelle de ses voeux le polémiste riment dangereusement avec la "préférence" nationale, chère à Jean-Marie Le Pen ». Ainsi, il serait honteux, dangereux, de tenir un propos qui d'une manière où d'une autre aurait été tenu par Le Pen. Si Le Pen disait qu'il aime les pomme-frites, il deviendrait ainsi dangereux d'aimer les pommes-frites. Car le journaliste ne nous donne pas une seule raison de désapprouver Max Gallo. On pourrait demander à ce journaliste ce qu'il pense de Télérama: peut-il et voudrait-il afficher Nique Télérama Sa Mère en gros sur son bureau, en détruire les locaux ou encore arborer des drapeaux aux couleurs de Télé 7 Jours ? N'y a t-il pas un malentendu quand le journaliste nous dit ce qu'on devrait penser au lieu de nous donner de quoi penser ?

« Dans ce pamphlet [de Max Gallo] nationaliste et nostalgique, l'auteur fustige les enfants d'immigrés, ces Français "qui veulent bien être de ce pays à condition qu'il ne ressemble qu'à eux". Max Gallo décrète qui est bon français et qui ne l'est pas. Comme si le sentiment d'appartenance nationale, qu'il confond souvent avec le patriotisme belliqueux, pouvait se codifier ou se décréter... ». Il va sans dire qu'il est possible de poursuivre devant un tribunal correctionnel le journaliste pour diffamation, car le journaliste prétend que Max Gallo « fustige les enfants d'immigrés » (et non pas « des » mais bien « les », l'ensemble au plus absolu du terme) en les mettant tous dans le même sac. Je n'ai pas lu l'ouvrage de Gallo mais je doute fort, je ne crois pas un instant, qu'il se soit mis à globaliser de ce la sorte, ce n'est pas son genre : il s'agit donc bien d'imputer injustement à Gallo un fait attentatoire à son honneur. Quoi qu'il en soit, on constate qu'en fait d'enquête, il s'agit plutôt d'un réquisitoire, sans pour autant que les charges aient été clairement établies.

« Finalement, qu'est-ce qu'être Français ? Au terme des 640 pages fort érudites de son histoire politique de la nationalité, le sociologue Patrick Weil, conscient des chausse-trappes d'un débat sans cesse idéologisé, préfère s'en tenir à une définition qui à le mérite de la simplicité : "Est Français celui dont l'Etat dit qu'il est Français". 640 pages pour en arriver là ! Mais y a t-il, au fond, une seule autre définition, plus juste et moins excluante ? ». Là je ne manque pas de rire : le débat serait « idéologisé » ? Ci-dessus, il me semble manifeste qu'à plusieurs reprises, l'article invalide des points de vue au simple prétexte que, très vaguement, ils ressembleraient aux positions de l'extrême-droite. Qu'est-ce donc que cela sinon une lecture filtrée par l'idéologie, une lecture au travers du prisme réducteur de l'idéologie ? 640 pages pour accoucher d'une définition aussi minable, purement factuelle, effectivement, c'était un véritable défi. Mais on ne pouvait trouver une meilleure définition, selon le journaliste, car elle n'aurait pas été plus juste, « moins excluante ». Pour le journaliste, exclure est un verbe à proscrire, forcement synonyme de mal. D'ailleurs, qu'il s'y prépare, demain matin je m'installe dans son salon, et j'espère qu'il n'aura pas l'idée saugrenue de vouloir m'expulser, d'appliquer à mon encontre une forme d'exclusion, par exemple en osant prétendre que je ne suis pas membre de sa famille. Revenons en à cette définition : qu'est-ce que l'État ? L'État, c'est rien, ce n'est qu'un outil d'organisation sociale. L'État n'a qu'un seul sens : incarner les Institutions de la Nation, Institutions mettant en oeuvre les lois choisies par la Nation. Est donc Français celui dont les Institutions choisies par les Français dit qu'il est Français. Est donc Français celui dont les Français disent qu'il est Français. De fait, il appartient aux Français de dire ce qu'ils en pensent, comme le fait Max Gallo.

Vous en conviendrez, en fait « d'enquête », on devrait parler de compilation d'amalgames débiles et de déni de réflexion. Cet article nous informe très peu sur l'accès à la nationalité française mais énormement sur une idéologie qui ne se présente pas formellement mais dont le principe est d'amalgamer en dépit du bon sens le racisme et tout ce qui est national pour refuser tout débat. Rien dans les faits ou propos repris ici ne peut de près ou de loin être considéré comme raciste ou xénophobe : il n'est pas xénophobe de considérer qu'être citoyen signifie des droits et des devoirs ; n'est pas, xénophobe, fermé à l'immigration, un pays dont un quart de la population à des origines d'immigration récente.

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« 18 juillet, Une présomption défavorable ?   

   16 juillet, Le parfum d'un acharnement »

1.

"Qu'est-ce qu'être Français?" demande un gros malin (de gauche, vraisemblablement) imbu des idiots principes de la République, avec la tranquille certitude qu'on ne pourra pas lui répondre?

C'est très simple, être Français, c'est se comporter comme un Français, c'est réagir comme un Français et avoir la mentalité française. Ce qui ne se trouve ni dans une pochette surprise ni à la page 4 du passeport.

Parce que c'est inné. Et cette façon d'être Français, est le produit de dizaines et de dizaines de générations. Le sociologue Gustave Le Bon explique cela très bien, dans les ouvrages qu'il a consacrés à la question.

Gros Malin ne serait pas content s'il prenait connaissance de ma réponse, mais il ne risque rien. Lui, il parle dans la presse à gros tirage, moi, je suis confiné à la confidentialité d'un blog.

Posté le 20.07.2006 à 18h20 par Scipion

2.

Mais c'est quoi « réagir comme un Français et avoir la mentalité française » ? Pouvez-vous offrir une définition précise ?

Quand je vois Jamel Debouze ou Max Gallo, pour moi ils sont assurément Français, ils se montrent digne de notre pays et se proposent d'y contribuer utilement. Et pourtant, leur sang à quelques générations près n'était pas initialement Français.

« C'est inné » dites-vous. Il faudrait préciser en quoi ? Qu'est-ce qu'il peut bien avoir d'inné dans l'amour d'un pays ? N'avez-vous pas constaté qu'il existe des individus qui haïssent la France tout en étant Français, d'origine française de temps immémoriaux ?

Posté le 20.07.2006 à 23h46 par Marcel Patoulatchi

3. Etre Français?

Quand on sait que la France a, depuis des siècles et des siècles,été un creuset de populations diverses, on peut se demander ce que c'est qu'être Français!
J'avais lu (dsl, je n'ai plus la référence) qu'un Français sur 4 avait au moins un grand-parent étranger...Alors?

On peut être né dans une famille d'origine étrangère, mais qui s'est intégrée et a épousé les us et coutumes de la République; n'est-ce pas cela être Français? Vivre dans une France que l'on a choisie, où l'on se sent en harmonie avec les habitudes, les lois, les autres?

N'est-ce pas stupide d'être nationaliste-chauvin à la manière des lepénistes? Français de souche ou de sang? Mais qui peut prétendre vraiment faire remonter sa filiation à Vercingétorix???

Posté le 14.08.2006 à 19h06 par Shama
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