Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Florilège

jeudi XXII juin MMVI

En mai, j'évoquais le trouble sujet de l'immigration (lien). Je concluais qu'à mon sens, seules deux approches permettent d'avancer si l'on veut réguler les problèmes liés à l'immigration illégale : soit abolir le pouvoir de la Nation de refuser l'entrée dans le pays, soit accroître l'efficacité de la lutte contre l'immigration illégale tant en matière préventive que répressive. La première option suppose des moyens économiques évidemment bien plus considérables que la seconde. Et je remarquais que, souvent, ceux qui s'opposent à la seconde option ne disent pas clairement où ils se situent, notamment au regard de la première option.

Ce matin, j'ai lu un discours du ministre de l'Intérieur justifiant sa politique (lien) et j'ai trouvé ce discours pertinent dans le cadre de la seconde option. J'ai lu l'analyse faite du projet de loi par la Ligue des Droits de l'Homme (qui contrairement à ce que le nom indique n'est pas un organisme neutre au nom de la défense des Droits de l'homme, puisque prenant des positions politiques comme le droit au mariage des homosexuels qui dépassent de loi la Déclaration des Droits de l'Homme, l'originelle tout comme la version internationale - lien), j'y ai vu un frein à la seconde option sans jamais que la première option soit proposée. J'y ai donc vu une démarche incomplète, peut-être parce que les auteurs du rapport penchent en faveur de la première option mais qu'ils ne peuvent l'assumer publiquement. Ce n'est qu'une hypothèse, il est toujours délicat de raisonner ex silentio. Il est, en effet, probable que bien du monde accepte de se donner bonne conscience, une teinte humaine, en acceptant de s'opposer à la seconde option, sans un seul instant envisager sérieusement la première option - une bonne conscience qui se fait donc au détriment des immigrés illégaux, qui subissent l'entre-deux.

Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai précédemment détaillé, faute d'éléments nouveaux.

Mais mon passage sur le site de la Ligue des Droits de l'Homme m'a donné l'occasion de découvrir un florilège de citations sur le thème de l'immigration (lien). Certaines valent leur pesant de cacahouète. Morceaux choisis (je postule que les citations sont exactes, je n'ai pas vérifié) :

« Les charters, ce sont des gens qui partent en vacances avec des prix inférieurs. Là, ce sera totalement gratuit et ce ne sera pas pour des vacances. Ce sera pour reconduire des gens dans leur pays lorsque la justice francaise aura établi qu'ils n'ont pas le droit d'être chez nous ». Un nervis d'extrême droite ? Non, Edith Cresson, 1991. Il est donc bel et bien avéré que le PS reconnaît, reconnaissaît, le droit de la Nation à refuser ou accepter l'accès à son territoire à des étrangers (lien). Evidemment, l'assimilation d'une expulsion forcée à un départ en vacances à de quoi surprendre ; on reconnaît bien là la patte d'Edith Cresson.

« Le travailleur francais qui habite à la Goutte d'or et qui voit sur le palier à côté de son HLM, une famille avec un père, trois ou quatre épouses, une vingtaine de gosses, qui touche 50.000 F de prestations sociales sans travailler. Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur, le travailleur francais sur le palier, il devient fou. Ce n'est pas être raciste que de dire que nous n'avons plus les moyens d'honorer le regroupement familial ». Evidemment, c'est de Jacques Chirac, en 1991 aussi (lien). Dire que l'immigré pue, car c'est cela qui est dit en français dans le texte, est évidemment un propos raciste. De fait, il n'est pas surprenant que ce propos attira toutes les attentions et fut condamné de toutes parts. Ce qui est plus troublant, c'est que si on supprime « et l'odeur » du propos, si on retire l'aspect raciste, une question se pose néanmoins : de tels cas existent ? Si on répond par l'affirmative, il y a manifestement un problème de fond, que le propos raciste « et l'odeur » a malgré tout complètement occulté. Ce cas est symptomatique des sujets généralement abordés par l'extrême-droite. Le sujet est dès le départ miné, des mines de stéréotypes racistes. Par anti-racisme, nous avons trop tendance à rejeter tout le problème et faire comme si rien n'avait de prise sur le réel, au lieu de rejeter les composantes racistes du discours. Cela me fait penser aux débats sur le racisme anti-blanc. A en croire certains, il faudrait soit estimer que ce racisme n'est qu'une vue de l'esprit, soit devenir soit même praticien d'un autre racisme. C'est consternant !

« La France ne compte aujourd'hui pas plus d'immigrés qu'en 1982 et pas plus qu'en 1975 par rapport à la population française qui s'est accrue », « le seuil de tolérance a été atteint dans les années 1970 et il n'y a pas eu depuis d'aggravation ». François Mitterrand, 1989 (lien). Exemple moins friable que celui de Cresson, preuve est faite que socialisme ne signifie pas nécessairement opposition à l'idée d'autoriser ou interdire l'accès au territoire de la République.

« Le temps de l'accueil de main-d'oeuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu », « nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde ». Michel Rocard, 1990 (lien). Un blasphème pour certains ? Il me semble que ce constat répond directement à la première option et impose d'adhérer à la seconde, c'est à dire à soutenir l'approche de Nicolas Sarkozy, aussi étrangement que cela puisse paraître.

« L'immigration est un moyen de créer une certaine détente sur le marché du travail et de résister à la pression sociale ». Georges Pompidou, 1963 (lien). Une petite piqûre de rappel, pour ceux qui seraient persuadés que fondamentalement la droite est anti-immigration et la gauche pro-immigration. Lorsque Pompidou parle de « résister à la pression sociale », je doute qu'il veuille dire par là autre chose que le fait qu'un peu de chômage et de misère soit bien commode pour calmer des veillétés syndicales trop pressantes.

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«  2 juillet, Sprint !   

   21 juin, Au royaume des aveugles »

1. Sur la phrase de Rocard

Lire <lien>

La citation non-tronquée est « LA FRANCE ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. »

Rocard précise :
« J'ai déjà dit souvent, et je veux écrire explicitement ici, qu'on ne peut plaider pour le tout ou rien en matière d'immigration. Que nous ne puissions, à nous seuls, prendre en charge toute la misère mondiale ne nous dispense nullement de la soulager en partie. Au contraire. »

Je souscris à son propos, et j'avais donc raison en disant qu' « Il me semble que ce constat répond directement à la première option », en refusant le « tout » en matière d'immigration, qui était la première option.

Posté le 11.07.2006 à 15h22 par Marcel Patoulatchi
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