Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

.

Ici :

Ailleurs :

Une condamnation éternelle ?

vendredi II juin MMVI

Christian Laplanche, 43 ans, condamné en 1987 pour vol aggravé en réunion et tentative d'homicide, a vu son inscription au barreau d'Avignon rejetée par « le conseil de l'ordre des avocats d'Avignon » (lien). Il fut autorisé auparavant à exercer le métier d'avocat « par la cour d'appel de Nîmes, contre l'avis du conseil de l'ordre des avocats nîmois », décision cassée par la cour de cassation saisie par « le bâtonnier nîmois de l'époque ».

Qui est Christian Laplanche ? C'est un condamné mais surtout un modèle de réinsertion sociale. Il a passé un doctorat de droit en prison. Peu d'individus en font autant en liberté. Il enseigne le droit privé à l'Institut d'études supérieures de Cayenne. Il est également manifestement apprécié du juge d'instruction Xavier de la Soujeole ayant instruit son affaire, juge devenu professeur de Théologie à l'Université de Fribourg (lien).

Alors la question que je me pose, c'est comment le monde des avocats justifie son rejet de cet homme, que je suppose réhabilité judiciairement, comment un tel rejet peut se fonder.

Apparemment, il vaut mieux être actuellement délinquant sexuel « des plus dangereux » que braqueur de banques au début des années 80. Car pour ces délinquants, le Syndicat des avocats de France réclame « le droit à l'oubli » en refusant le bracelet électronique (lien), mais pas pour Laplanche.

Chacun se trouve toujours des sympathies, indifférences ou aversions a priori à l'égard de certaines professions. Ce sont des préjugés qui ne sont pas fondamentalement néfastes, tant qu'on ne les prend pas pour des jugements. Il permettent de simplifier l'abord du monde, de savoir quelle conduite adopter a priori, sans pour autant constituer un jugement définitif et global de l'ensemble des individus concernés.

Ce serait mentir que refuser de reconnaître que, personnellement, j'ai un a priori négatif à l'égard de la profession d'avocat. Ce n'est pas réellement ce que cette profession représente qui m'indispose. Je suis évidemment favorable au droit de chacun de faire valoir ses droits et d'être défendu quand il est attaqué. Non, ce qui me trouble, c'est que j'ai l'impression que le recours aux sophismes y est la règle. C'est peut-être une obligation professionnelle, de devoir croire pour pouvoir défendre. Néanmoins, j'ai l'impression que globalement on ne peut réellement se fier au monde avocat, que les grandes déclarations de convictions ne sont que contextuelles. Et que, surtout, jamais dans ce monde là on ne remet en cause ce que l'on fait. Lorsqu'un avocat communique des informations d'une procédure à un délinquant, on ne veut pas que cela puisse être sanctionné, on ne se pose aucune question sur son rôle social. Lorsqu'on assiste à des calamités judiciaires comme le procès d'Outreau, on ne se demande jamais ce qu'on fait, ou plutôt n'ont pas fait, certains des avocats de la défense au procès, on ne se pose aucune question sur son rôle dans la procédure.

Que sont les avocats s'ils ne sont pas capables d'accepter en leur rang un individu qui a payé sa dette pour ses torts envers la société et a transformé son incarcération en une réussite d'insertion sociale ? « Selon la Cour de cassation, les conditions d'honneur et de probité [pour devenir avocat] doivent s'apprécier au moment où l'inscription est demandée » disait la cour d'Appel de Nîmes (lien). C'est tout de même rare d'entendre un avocat, Bernard Delran, le bâtonnier de Nîmes rejettant l'inscription au barreau de Laplanche au motif d'incompatibilité avec les conditions d'honneur et de probité, affirmer, d'un légalisme inconnu de la part de sa profession, qu' « il y a la loi, il faut l'appliquer ou bien alors changer la loi », alors que la loi visée évoque des concepts peu contraignants.

J'apprends là que le monde avocat, en plus de leçons de cohérences, aurait grand besoin de quelques leçons d'humanité. Je suis aujourd'hui encore plus persuadé qu'hier que de nombreux avocats feraient de bien horribles magistrats, très arbitraires et dépourvus (trop pourvus ?) d'humanité.

(PS : Peut-être que le rejet de la demande de Laplanche fut motivée par de toutes autres raisons. Dans ce cas, j'aimerais bien savoir lesquelles)

.

«  9 juin, Zalea Tv, une « vraie télé libre » ou tout simplement un misérable petit tas de vidéos médiocres ?   

    1 juin, L'insoutenable relaxe et les articles 434-24 et 434-25 »

1. farpaitement

Monsieur,

Merci pour ce billet parfaitement emprunt de vérité.

Posté le 9.05.2015 à 17h38 par juriste etudiant
Pseudonyme, nom :

Adresse (url, courriel) :

Titre du commentaire :

Commentaire :

Retour à l'index