Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Au nom de la Sainte-Inquisition

vendredi XIX mai MMVI

Les avocats sont dans le camp des gentils, c'est bien connu, parce que ce sont des défenseurs, de la veuve et de l'orphelin, dans l'esprit de la Paix de Dieu. Et je pèse mes mots, ce n'est pas par hasard que je me réfère à l'idéologie médiévale de l'Église romaine.

Même lorsque les avocats s'érigent en petits juges, voire en ardents dévôts de la Saint-Inquisition, ils sont dans le camp des gentils. Car lorsqu'ils condamnent, c'est la masse floue de la Nation qu'ils accusent et ses vilains serviteurs. « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens » nous disait Simon de Montfort (où l'un de ses compères ; la paternité du propos est parfois discutée) lorsqu'il s'apprêtait à saigner de l'hérétique. Il en va de même aux yeux de l'avocat croisé (ce n'est pas le nom d'une recette culinaire) à propos des infâmes servants de la Nation, tout particulièrement ceux qui osent affronter l'intérêt de noblesse flagrante (bon sang ne ment pas !) défendu par eux.

Ceci n'est pas illogique, si l'on se fie au bon sens certain de l'avocat de Georges Frêche pour qui la diffamation à l'endroit de la police est « droit de parole, libre dans une démocratie » (lien). Cet avocat là est également persuadé que la désignation « sous-homme » veut dire « vous manquez d'honneur », ce qui n'est pas sans nous éclairer sur son espiègle état d'esprit.

Les farceurs du jour sont les avocats de Richard Dumas, Françoise Cotta et Claude-André Chas. Simone Lafleur, mère de Richard Dumas, âgée de 71 ans, malade, est morte en détention. Elle est « morte en prison, pour rien » nous dit-on (lien). Enfin rien, ça peut vouloir dire « escroquerie en bande organisée et blanchiment », car c'est à ce titre que cette dame était poursuivie, dans « une affaire si tendue que la juge a bénéficié, un temps, d'une protection policière ».

Plainte est déposée pour « non-assistance à personne en danger et homicide involontaire » en conséquence du décès de madame Lafleur.

Le mandat d'amener à l'encontre de madame Lafleur était parfaitement légal et justifié. L'état de santé de madame Lafleur ne fut pas ignoré. Suite à son interpellation, le médecin légiste certifie d'un « état de santé compatible avec le mandat d'amener, sous réserve de poursuite du traitement médicamenteux ». A son arrivée à la prison de Nice, « un surveillant la prend en charge. Et s'inquiète ouvertement. Il raconte, par écrit, "que ses mains tremblent de façon importante". Il ajoute : "Vu l'état apparent précaire de sa santé, vu la quantité considérable de médicaments dans ses sacs, nous avons jugé préférable qu'elle soit dirigée vers le médecin de l'établissement, et ce de manière urgente." Ce qui est fait, mais cela ne change rien à l'implacable logique : peu après, elle est incarcérée ». Le lendemain, elle décède en début d'après-midi dans la prison.

Il n'y a pas 400 manières d'interpréter les faits. Soit on considère que plusieurs médecins se sont montrés incompétents, incapables de voir que l'état de santé de madame Lafleur était incompatible avec la détention ; soit on admet l'état de santé de madame Lafleur n'était pas incompatible avec la détention mais qu'à 71 ans et très malade, il est du domaine du possible que l'on décède tout simplement. Car est-ce vraiment troublant qu'une personne agée et malade décède ? Certainement pas, aussi triste que cela puisse paraître, aussi dérangeant que cela puisse être dans une société qui semble avoir presque aboli l'hypothèse de mort naturelle. Est-ce que le fait d'être mis-en-cause dans une affaire importante a pu accélérer le décès ? Possible. Cela doit être stressant d'être mis-en-cause, que l'on soit coupable ou pas. Mais notre Droit, et il a raison je crois, n'envisage pas que toutes poursuites cessent dès lors que le mis-en-cause est âgé - les immunités sont si souvent lamentables.

On va sans doute encore me dire que je suis égoïste et insensible (lien). Soit. Je n'en ferais pas une maladie.

Je ne m'attarderais pas sur ce cas s'il ne s'agissait que d'un triste évènement. Mais il ne s'agit pas que de cela. Il s'agit d'une énième incarnation de la tendance naturelle de certains avocats, qui ont fait de l'acte de défendre la caution morale de leurs actes, à s'ériger en accusateurs d'une partialité exemplaire. « Le fait d'avoir ignoré cet état de santé constitue les délits de mise en danger d'autrui, de non-assistance à personne en danger et d'homicide involontaire » nous disent les avocats de Richard Dumas. Ils ajoutent « ni le magistrat instructeur, ni les officiers de police, ni le médecin légiste, ni le personnel d'accueil de la maison d'arrêt, ne pouvaient ignorer la gravité de l'état de santé de madame Lafleur ».

C'est de bonne guère pourrait-on penser. Après tout, ils ne servent pas la Justice, leur but est la défense des intérêts d'un client, tant pis si ces intérêts sont incompatibles avec la manifestation de la vérité. C'est vrai. Mais admettez que cet état d'esprit prend une coloration toute particulière quand ces avocats ne font plus acte de défense mais acte d'accusation.

De vous à moi, quand on nous dit qu'il faudrait que les magistrats apprennent à se rapprocher des avocats, je ne suis pas sur que cela soit rassurant. Tous ces avocats dont je relate les hauts-faits sur mon blog si régulièrement ne seraient-ils pas de sacrés Burgaud, s'ils étaient magistrats ? C'est mon inquiètude. Quoi de plus vil que ceux qui se permettent tout parce que l'idéologie les consacrent a priori ?

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« 22 mai, Petite annonce : accusateur de service recherche preuves et témoins pour justifier sa démarche   

   17 mai, La faute d'imprudence peut-elle marquer la fin du libre arbitre ? / D'inspiration britannique »

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