Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Droits des écroués et stupéfiants

dimanche XIV mai MMVI

Au Royaume-Uni, des toxicomanes incarcérés font un procès à l'État pour les avoir privé de traitement de substitution (lien).

En terme de répression et de prévention pénale, la démarche a de quoi surprendre. Les écroués en question étant adeptes des opiacés (lien), il n'est pas certain que l'absence de prise en charge du problème soit suffisant pour le régler ; or, sans règlement dudit problème, la récidive parait d'une grande probabilité, les conditions criminogènes restant d'actualité.

Mais peut-on pour autant évoquer les articles 3, 8 et 14 de la Convention des droits de l'homme bannissant discrimination, torture, traitement inhumain et sacralisant le droit au respect de la vie privée (« They are also claiming breaches of articles three and 14 of the Human Rights Convention, which ban discrimination, torture or inhuman/degrading treatment or punishment, as well as article eight, enshrining the right to respect for private life », lien) ?

Peut-on estimer que cesser de fournir un stupéfiant (authentique ou moindre ; car les traitements de substitution sont généralement aussi des stupéfiants, qui font d'ailleurs aussi l'objet de trafics) constitue une torture ?

Tout d'abord, il est bon de garder à l'esprit qu'il est toujours d'une extrême délicatesse de sanctionner des actes négatifs (c'est à dire des abstentions), de définir ce qui peut être exigé de citoyens non pas sur un plan moral mais sur un plan pénal. Par exemple, en France, la non-assistance à personne en péril n'est pénalement répréhensible que s'il était possible de porter assistance à la personne en danger sans danger pour soi-même. De même, la non-dénonciation de crime ne peut être poursuivie lorsque elle est le fait du conjoint, concubin, frères et soeurs et leurs conjoints ou parents en ligne directe du criminel, sauf si la victime est mineur de moins de 15 ans. Si la morale devrait condamner de telles abstentions qui mettent en péril l'oeuvre de justice entre les hommes, ou en tout cas dévaloriser symboliquement l'esprit de telles abstentions, le droit pénal ne s'autorise pas à ouvrir la voie à la répression. Ce ne sont pas des comportements idéaux mais ils sont acceptables socialement, leur répression serait au mieux démesurée, au pire facteur d'aggravation de la situation.

S'il est déjà délicat de définir si l'abstention de fournir des stupéfiants à un toxicomane puisse être sanctionné par une juridiction (pénale mais aussi civile), il est d'autant plus délicat de savoir si cela est moralement condamnable. Nous reconnaîssons le droit à un médecin de ne pas pratiquer un avortement par conviction, pouvons-nous imposer au gardien de prison d'encadrer la consommation de stupéfiants ? Il y a là une question légitime, plus légitime que de suggérer que refuser d'être un pourvoyeur de stupéfiants puisse signifier être tortionnaire.

Quant au respect de la vie privée, non seulement il est partiellement hors-sujet dans le cadre d'un emprisonnement dont le fondement est l'idée de sanction par la privation de droits mais, de plus, il ne me semble pas de nature à imposer le respect de la consommation de stupéfiants.

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