La dénonciation, un devoir, une possibilité ou une honte ?
samedi IV mars MMVIJ'ai déjà pu constater que la dénonciation est un sujet trouble, particulièrement en France. Ainsi, j'ai pu, à plusieurs reprises, en regardant ou écoutant des émissions documentaires (France-Culture, M6), remarquer que souvent les responsables de services recevant régulièrement de telles lettres expriment un dédain net à leur traitement. La présomption de délation (la dénonciation signifie signaler un fait reprochable, la délation est une dénonciation faite pour servir ses intérêts personnels) étant souvent faite implicitement. J'ai aussi pu constater sur le forum télérama que certains ne peuvent considérer la dénonciation autrement que comme délation.
Pourtant, si je ne saurais recommander la délation pour des raisons morales évidentes, si j'ai peu de respect pour les délateurs puisqu'ils n'agissent qu'en fonction de leur intérêt propre, je suis d'avis que le tort principal et notable en revient à celui ayant réalisé quelque chose de répréhensible. Évidemment, cela part du principe que la loi est bonne ; une dénonciation ne peut être une bonne chose lorsque la loi, comme celle de Vichy, bafoue les droits de l'homme et fait de l'appartenance à une religion un fait répréhensible.
En conséquence, je trouve assez douteux que certains reprochent à d'autres le fait qu'ils ont signalé leurs méfaits, comme si leurs problèmes découlaient de cette dénonciation et non de leurs propres actes.
Il est intéressant de voir ce qu'en dirait le directeur de France-Info. Car la chaine de radio dirigée par ce dernier, Michel Polacco, fut accusée par le dénommé Pascal Binet, un enseignant en sciences économiques et sociales, de ne pas respecter les règles du service public d'information en matière de « pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion », dénoncé pour cela par courriel au CSA. On peut penser ce que l'on veut de cette accusation, n'écoutant pas France-Info, je n'en dirais rien.
Mais il est très intéressant de prendre note de la réponse du directeur de France-Info, Michel Polacco, citée par le site Acrimed (lien). Notons qu'Acrimed n'est pas nécessairement d'une grande neutralité dans ses propos, néanmoins je ne pense pas qu'il serait de leur intérêt de monter un canular. Si l'on en croit Acrimed, donc, Michel Polacco aurait répondu à cette accusation formulée devant le CSA « [...] Merci de retourner dans vos livres d'école et d'abandonner la radio, en tout cas la nôtre. Pour les dénonciations vous avez de célèbres prédécesseurs vichyssois... Vielle tradition familiale sans doute. ».
À un autre courriel envoyé à Michel Polacco notifiant l'indignation provoquée par la lecture d'une telle réponse, est répondu « Les dénonciateurs continuent, j'avais donc malheureusement raison ! Et les menaces. Retrouvez Vos Khmers Rouges et vos nazillons. ».
Il est bon de préciser que les messages auxquels Polacco répond ne sont pas insultants, ne sont pas immodérés, ne sont pas menaçants. Qu'on soit d'accord ou pas avec leur propos est une chose mais ils sont mesurés (consultez le lien donné plus haut si vous en doutez).
Si on fait abstraction de l'impression que le directeur de France-Info n'est pas redevable des citoyens (« merci d'abandonner notre radio » dit-il : depuis quand un individu privé peut-il prétendre disposer à sa guise d'une radio publique ? Son employeur, c'est la Nation !), on constate surtout que pour lui, signaler à une instance de la République que l'on estime qu'un service public ne répond pas à sa mission est comparable à se rendre complice d'une entreprise génocidaire : « vous avez de célèbres prédécesseurs vichyssois », « Retrouvez Vos Khmers Rouges ». Selon Michel Polacco, contribuer au fonctionnement de cette instance en attirant son regard sur un point qui semble être de son domaine d'attribution, sans prise d'intérêt personnel quantifiable (vouloir qu'un point de vue politique ne s'impose pas systématiquement sur une chaîne de radio de service public correspond difficilement à une satisfaction personnelle - ce serait comme dire que les droits de l'homme répondent à un intérêt personnel au prétexte qu'ils sont au bénéfice effective de ceux qui les recommandent), c'est une chose inacceptable et honteuse et cela lui ouvre le droit d'insulter gravement (traiter quelqu'un de « nazillon » et de « khmer rouge », c'est sans aucun doute du domaine de l'injure) certains de ses employeurs, c'est à dire des citoyens insatisfaits. D'ailleurs, non-content d'insulter ces insatisfaits, il n'hésite pas à insulter l'ensemble de leur famille, en suggérant par exemple que la famille d'untel est vichyssoise de « vieille tradition ».
Si ces propos sont avérés (je ne saurais en prendre la responsabilité, je pense qu'Acrimed est de bonne foi mais je ne peux m'en assurer), je pense que ce monsieur Polacco devrait quitter le service public. Tout simplement parce que l'on est responsable, on doit agir avec responsabilité, s'exprimer publiquement avec mesure et intelligence et respecter ses interlocuteurs.
Hors-sujet : Le Sénat a considéré que l'article l'article 19 du projet de loi « Égalité des chances » qui donnait à la HALDE le droit de sanctionner pécuniairement les auteurs de discrimination « empiétait sur les prérogatives de la justice pénale » (lien). Ouf ! J'ai bien cru que personne ne s'en était rendu compte ! Séparation de l'autorité de poursuite de l'autorité de jugement, est-ce un vain concept ?