La CNDS contre le droit, suite de l'épisode
mardi XXIX avril MMVIIIDans un article évoquant les déboires de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité sur bakchich.info, on peut lire le paragraphe suivant : « Autre gros point d'inquiétude, et non des moindres : les pressions exercées par les policiers incriminés qui portent plainte pour "dénonciation calomnieuse" contre les plaignants. Tout est parti d'une saisine reçue en 2006, où un témoin présent à l'aéroport de Toulouse avait dénoncé le comportement de fonctionnaires de police frappant à terre un homme menotté au cours d'une expulsion. Ce témoin avait ensuite été l'objet d'une plainte pour "dénonciation calomnieuse", le procureur de la République ayant classé la procédure, après une réparation sous forme d'excuses et d'un dédommagement de cent euros pour chaque policier, sans prendre l'avis de la CNDS. Qui n'a pas tardé à alerter le ministère de la Justice, le 9 octobre dernier. Toujours sans réponse. Pour la Commission, "c'est notre plus grosse inquiétude. C'est la négation de notre action." Isabelle Denise renchérit : "Cet outil juridique est utilisé pour dissuader les citoyens de saisir la CNDS." » (lien).
Tout d'abord, à moins qu'il y ait eu une révolution silencieuse en France, signalons que le procureur de la République représente le ministère public. C'est à dire qu'il représente la société dans une procédure pénale. C'est un magistrat qui ne juge pas, il demande dans ses réquisitions aux juges du siège de condamner ou de relaxer.
Donc, s'il y a eu condamnation pour dénonciation calomnieuse, c'est qu'un tribunal correctionnel a estimé l'infraction caractérisée - et non pas uniquement le procureur de la République. Et s'il y a eu médiation pénale en alternative aux poursuites, c'est que l'auteur des faits a reconnu les faits.
C'est une décision de justice qu'Isabelle Denise (« responsable du service justice et police à la Ligue des droits de l'homme ») conteste.
Pire, l'idée même que le procureur de la République ainsi que le tribunal correctionnel se devraient de solliciter l'avis d'une quelconque commission semble tout à fait cadrer avec ce qu'évoque l'article 434-25 du Code pénal - patent si la CNDS s'associe aux déclarations d'Isabelle Denise.
Le droit ne suffisait pas, il a fallu créer une commission, un artifice extra-judiciaire, pour pouvoir accuser des policiers sans avoir les moyens judiciaires de démontrer ses dires. Depuis, on se rend compte que cela ne suffit pas accuser impunément, à donner dans la diffamation ou dans la dénonciation calomnieuse : lorsqu'on accuse, il faut le faire selon les formes légales.
Et il est vrai qu'imposer le retour du droit est peut-être, pour la CNDS, quelque part, une « négation de [son] action ».
Peut-être qu'il serait maintenant temps de se demander franchement si l'existence d'une commission, qui peu ou prou s'attèle à relayer tout autant que juger des accusations d'infractions pénales, est bien légitime. Car il n'est pas douteux qu'une faute déontologique en matière de sécurité publique correspond assez systématiquement à une infraction pénale (existe t-il des cas traités par la CNDS dépourvus de coloration pénale ?).
1.
Je ne connais pas la procédure dont s'agit mais, entre les lignes, il apparaît que le "témoin" n'a pas été poursuivi et donc condamné du chef de dénonciation calomnieuse mais que sur le fondement des 4° ou 5° de l'article 41-1 du CPP, le parquet, avant classement sans suite, lui a "demandé" de présenter ses excuses aux fonctionnaires puis de les indemniser...
Le tribunal correctionnel ne me semble donc pas avoir été saisi.