Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Sortie de route en répression des infractions routières ?

dimanche IX juillet MMVI

Lorsque le président Chirac fut réélu fut faite la promesse d'une politique de sécurité sérieuse. Mais résoudre les problèmes des banlieues, problèmes se déportant à tous les niveaux de la société française, n'est pas affaire facile, certainement pas lorsqu'on est pas prêt à casser les banlieues. L'astuce fut de se focaliser, au bout d'un an, sur la sécurité routière. C'est plus simple et en plus ça rapporte du fric.

Depuis, on est arrivé à la situation ridicule où l'on charge des fonctionnaires de police de raconter aux citoyens que c'est très grave d'avoir dépassé de 15 kilomètres par heure la vitesse autorisée, alors qu'eux-même sont régulièrement contraint de dépasser la vitesse autorisée de manière largement plus excessive (bien entendu, dans un cadre précis ; néanmoins, cela révèle qu'on peut rouler à une certaine vitesse sans nécessairement être véritablement dangereux), de raconter aux citoyens que circuler avec 0,50 g/LS (gramme d'alcool par litre de sang - lien), en ayant bu deux verres de vin, est d'une gravité suprême, que dans le doute il est préférable de ne rien boire, alors qu'eux-même ont accès à de la bière ou du vin pendant leur repas pris au mess (qu'ils consomment sans doute tous de manière très raisonnable, mais trois verres n'est pas folle déraison, c'était anodin il y a peu, c'est anodin dans de nombreux pays).

C'est là une réglementation qui a perdu toute modération, où l'on criminalise des comportements qui n'ont rien de prodigieusement ravageur (un individu ayant bu deux verres est loin d'être plus dangereux qu'un simple chauffard ou quelqu'un d'un peu fatigué), comme si on croyait pouvoir bannir l'accident en sanctionnant de la même manière les réelles prises de risques que les simples actes anodins. C'est là une approche déconcertante, lorsqu'elle consiste à placer des radars dans des endroits parfois sans dangerosité avérée. Si certains radars sont bien placés, à des endroits cruciaux où le respect de la limitation s'impose, d'autres se trouvent dans des lignes droites sans aucune dangerosité, invitant l'esprit critique à se demander s'il ne s'agit pas d'attraper le touriste (français, car apparemment les contraventions passent très mal les frontières) qui roule un peu au-dessus de la limite, en faisant rire l'authentique chauffard du coin qui sait exactement où piler comme un sauvage. Il est certainement plus rentable de placer un radar, notamment par le truchement d'une entreprise privée, pour attraper le touriste. Mais ce n'est pas le radar qui va se rendre à la sortie des boîtes de nuit pour s'assurer qu'à bord de chaque voiture se trouve un chauffeur en état de conduire, un chauffeur n'était pas manifestement sous l'empire d'un état alcoolique (et là, on n'est plus au stade des enfantillages à 0,51). Ce n'est pas non plus le radar qui constatera la conduite avec un téléphone portable, le dépassement sur la droite, le franchissement de la ligne continue, le non-respect des périodes de repos des camionneurs, toutes ces choses qui semblent pourtant immédiatement dangereuses, bien plus qu'un petit excès de vitesse sur une autoroute dégagée par beau temps.

Approche des présidentielles oblige, voilà que l'on se met à parler des amnisties présidentielles. Comment justifie t-on ces amnisties en vrac ? On ne les justifie pas, on les pratique. Mais concernant la sécurité routière, ça parait désormais de mauvais goût, même si ce fut fait par ceux qui sont devenus depuis des acharnés de la répression routière. Je ne m'en plaindrais pas, je suis opposé à cette supercherie infondée en droit d'amnistier à prix de gros. Mais est-ce bien la peine de persister à proclamer du non-sens, tel que « Il n'y a pas d'infraction mineure au Code de la route » (lien) ? S'il n'y a pas d'infractions routières mineures, pourquoi ne transforme t-on pas toutes les infractions routières en crimes ? En matière de sécurité routière, ne sombrons-nous pas dans la démesure et l'absurdité ? Certains parlent même de réduire la vitesse sur autoroute à 110. Mais qu'on se le dise, tant qu'il y aura des routes, il y aura des morts sur la route. Tant qu'il y aura des humains, il y aura des morts. On n'a pas encore inventé la formule magique proscrivant tout accident. On peut juste se barricader dans un cocon de coton, histoire de réduire les risques aux maximum et de finir par crever d'ennui. Mais faudra t-il un nouveau brûlant mois de novembre pour nous rappeler à certaines priorités en matière de sécurité ? Faudra t-il que la réelle insécurité se rappelle à nous, celle qui n'est pas la faute à pas de chance, la faute de l'imprévu, le destin ?

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« 10 juillet, Dans un an   

    8 juillet, La désobéissance aux lois de la cité peut-elle être acte civique ? »

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