Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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À la Gaymard

mercredi XXIX mars MMVI

Dominique Ambiel, autrefois conseiller en communication du Premier ministre Raffarin, a vu son pourvoi en cassation débouté (lien). La chose a indéniablement force de chose jugée (lien), il est reconnu coupable d'avoir sollicité les faveurs sexuelles rémunérées d'une mineure, « l'élément intentionnel de l'infraction était caractérisé, le prévenu n'ayant pu se méprendre du l'âge de la victime » dixit la cour.

Je pourrais disserter sur cette lamentable habitude du faites ce que je dis, pas ce que je fais, habitude proprement répugnante lorsqu'elle est le fait de théoriques serviteurs de la Nation, mais ce faisant je ne dirais rien de bien innovant. J'en ai en effet déjà parlé ce blog autrefois, par exemple là : lien

Je vais donc parler publication ; de l'ouvrage d'Ambiel intitulé « Fort Matignon ». Je vais parler publication, et non littérature, car je ne vais pas aller plus loin que la couverture dudit ouvrage. Mon temps de cerveau est limité et je n'ai pas pour désir de le mettre à disposition de ceux dont les agissements effectifs sont à contresens sur l'autoroute de l'expression de la grandeur humaine selon mes critères.

Et cette couverture, c'est par internet que j'en prend connaissance, et je vous invite à en faire de même. On peut y lire sous les termes présentation de l'éditeur : « Lorsque ma fille Ludivine pose cette question à sa maman, vient d'éclater l'"affaire qui fait jaser la France". Après une "vraie-fausse garde à vue", le Procureur de Paris m'a fait citer devant le tribunal correctionnel. Cette nuit-là, les deux rapports de police indiquaient qu'"aucune infraction n'ayant été constatée, M. Ambiel était invité à repartir après les vérifications d'usage". Pourtant, un simple contrôle d'identité dans Paris, avenue des Ternes, allait devenir pour l'AFP une "arrestation dans le bois de Boulogne". Pourquoi ? Et pourquoi ai-je refait de la politique ? Moi qui depuis quinze ans dirigeais un groupe de production de télévision "Fort Boyard", "Microcosmos", "L'Affaire Dreyfus", "Fa Si La Chanter" furent mon quotidien. Témoignant ici que tout peut arriver à tout moment à chacun d'entre nous en dépit d'une totale innocence, j'essaie de répondre aux "pourquoi", à tous les "pourquoi", mais surtout à celui de Ludivine. D. A. Cette "affaire" pourrait-elle servir à déstabiliser le Premier ministre ? Dominique Ambiel est, en avril 2004, conseiller de Jean-Pierre Raffarin, chargé depuis deux ans d'organiser la communication d'un gouvernement confronté à de multiples tensions : guerre en Irak, canicule, retraites, querelles de préséance à la tête de l'Etat. Qui peut mieux que lui nous ouvrir les portes de Matignon et nous faire découvrir la vie qui se déroule au quotidien derrière les murs, un peu mystérieux pour le public, de cette "forteresse" ? Un témoignage sans équivalent sur ce qu'on appellera un jour les "années Raffarin". » (lien).

Vous avez compris : monsieur Ambiel prétend qu'il est innocent, dans un ouvrage dont le résumé fait plus penser à une plaidorie pro domo qu'à un témoignage sur la politique gouvernementale d'une courte période du second mandat du président Chirac. Et en évoquant Cicéron et sa demeure du mont Palatin, croyez-bien que je pèse mes mots, m'étant passablement cassé les dents sur le De haruspicum responso en ayant longuement erré, à perdre haleine, avant de finalement réaliser son sens réel dans la querelle entre le citoyen d'Arpinum et Clodius (très bien résumé là : lien), finalement très éloigné d'une réflexion théologique sur l'intérêt des haruspices en tant que tels.

Monsieur Ambiel prétend qu'il est innocent, disais-je. Mieux, il dit à sa fille, sous nos yeux ébahis, qu'il fut arrêté pour « un simple contrôle d'identité », bien que, si je comprend bien, son pourvoi en cassation reposait sur la prétention d'ignorer l'âge de la jeune prostituée roumaine. Je veux bien admettre qu'il y ait un décalage temporel entre le moment où fut interjeté appel et celui de la rédaction de la présentation de l'éditeur mais je ne saurais trouver de mots assez fort pour décrire le mépris que suscite en moi celui prend le parti de mentir publiquement à sa fille.

La justice saura t-elle défendre sa parole en ces temps troubles pour son honneur ? Saura t-elle tenter de faire lecture de l'article 434-25 du Code pénal disposant que : « Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende » ?

Pour des questions de délais de prescription (même si les pages en question sont toujours visible aujourd'hui, si elles datent de la parution de l'ouvrage, on peut sans doute imaginer que les faits, semblant constituer une infraction dite permanente, sont dores et déjà prescrits - je n'en sais rien, le droit de la presse est complexe), il est possible que, justement, rien ne soit possible. Un tel cas appellerait légitimement un ajustement législatif.

Car il me parait dommageable à l'action de la justice que des condamnés, en l'occurrence un expert en communication doté d'une puissance de communication notable, puissent publiquement exprimer leur supposée vérité qui n'est pas celle retenue par les instances judiciaires de la Nation.

Je ne dis par là qu'il faut interdire toute remise en question d'une décision de justice - dans le cas d'une étude d'histoire ou d'une réflexion sur un éventuel recours en révision, cela prendrait parfaitement sens. Je dis qu'un condamné ne devrait pas avoir le pouvoir : de générer le moindre profit financier sur l'évocation d'une condamnation le concernant ; de bénéficier d'une publicité évoquant les faits omettant de préciser quelle est sa condamnation réelle.

Il y va de la légitimité tout entière de la justice qu'elle défende sa version des faits en tant que vérité proclamée au nom de tous. Si la justice n'est plus autre chose que la créatrice d'une version des faits, si elle ne sent pas capable d'autre chose, alors il est temps qu'elle jette l'éponge.

Cela ne veut pas dire que l'erreur judiciaire est impossible. Cela ne veut pas dire qu'on ne devrait absolument pas discuter ses décisions. Cela veut dire qu'un jugement donne une vérité que l'on doit tenir pour vraie et que sa contestation doit impérativement être fondée, doit reposer sur des éléments de preuve. Autrement, il s'agit quasiment d'une diffamation à l'encontre de la justice.

Mise-à-jour du soir : Je ne suis pas un éternel grincheux. J'ai apprécié l'interview suivante : lien

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« 30 mars, Nos amis les clowns   

   28 mars, Pour ces fonctionnaires, bis »

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