Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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dimanche XXXI août MMVIII

Avec son anniversaire arrive l'heure du bilan de la loi du 10 août 2007 (lien) « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs », dite des peines plancher. Selon Libération, « au premier juillet les peines planchers ont été prononcées dans 51 % des cas en première instance (dans 65 % des cas en appel), sur les 10 783 décisions prises depuis un an par les tribunaux contre des récidivistes majeurs » (lien). Qu'en penser ?

Pour le porte parole de la Justice, « la loi est équilibrée puisque dans un cas sur deux la peine minimale a été retenue », sans que l'on sache vraiment quelle conclusion tirer de ces 51 %. Est-ce une application outrageusement a minima, est-ce une application raisonnée, le chiffre brut ne saurait nous l'apprendre. Pour Laurent Bedouet, du l'Union syndicale des magistrats (syndicat majoritaire, sans coloration politique criante), « la loi n'a été appliquée que dans 51 % des cas, ce qui signifie que les magistrats n'ont pas hésité à y déroger ». Enfin, pour Serge Portelli, du Syndicat de la magistrature (extrême gauche), « cette loi est une violation éhontée de tous les principes fondamentaux du droit. Essayer d'imposer une peine au juge est contraire à la notion de justice. Et l'idée que la prison est un moyen de lutter contre la délinquance n'est qu'un attrape-mouches, une idéologie ». Que dire, sinon que ne pas encadrer le choix de la peine du juge par loi est la définition d'une justice arbitraire, que demander sinon que d'avoir une proposition concrète, immédiate et réaliste d'une alternative à l'emprisonnement dans l'intérêt de la société ?

L'article de Libération confirme le prévisible : « Une chose est sûre, la surpopulation carcérale ne cesse de croître. Au 1er juillet il y avait 64 250 détenus, soit 2 470 de plus en un an, pour 50 806 places. Or des magistrats, comme Hervé Lourau, juge des libertés et de la détention à Bobigny, estiment : "Nous n'avons que le bilan de la première moitié de la loi. Le nombre d'emprisonnements va s'accélérer car dans peu de temps nous allons être confrontés à la récidive de la récidive (deux nouvelles infractions commises après la loi) et le juge aura cette fois du mal à écarter la peine plancher puisqu'il faudra trouver des 'circonstances exceptionnelles'"». Ce qui fait sourire quand on songe au projet de loi pénitentiaire consistant à favoriser les aménagements de peine, car comme l'estime Laurent Bedouet « Il faudrait être un peu cohérent, avant il fallait mettre le maximum de gens en prison, et aujourd'hui il faut les faire sortir ».

En somme, chaque fidèle défend son credo, Don Camillo et Pepone sont indubitablement sur le devant de la scène. Certaines questions qui me semblent pourtant essentielles ne sont pas ici posées. Lorsqu'on dit, comme une évidence, que des multirécivistes vont encore récidiver, une fois de plus, les uns ne se demandent pas s'il n'est pas judicieux d'écarter de tels individus de la société, alors que leur volonté malfaisante est nette et le nombre de victimes de leurs méfaits en augmentation croissante (sur le principe, voir aussi : lien) ; les autres, par ailleurs, ne se demandent pas si le fonctionnement du monde carcéral, aussi bien que les délais d'attente entre jugements, sont appropriés pour faire sortir du cheminement de dévoyé les écroués. Tous sont d'accord pour reconnaître des défauts à l'emprisonnement. Les premiers prétendent que la seule solution est la disparition des prisons, sans dire pour autant ce qu'ils proposent en remplacement pour que soit mis fin durablement aux troubles perpétrés par les délinquants. Les seconds prétendent que la solution idéale réside dans l'aménagement des peines et ainsi, après avoir forcé la main vers plus de sévérité des magistrats des juridictions répressives, ils accroissent le pouvoir des magistrats de l'application des peines, qui se chargent de transformer les termes des condamnations en du verbiage hors de toute réalité.

Tout cela me laisser subodorer que nous ne sommes pas prêt d'avoir des prisons où l'on ne troque pas une paix simili-sociale contre la perpétuation du mode de vie terreau de délinquance (trafics et loi du fric, oisiveté, violence) ; que nous ne sommes pas prêt d'avoir une justice lucide, qui prononce des peines raisonnables et appliquées, au lieu de prononcer des peines factices, émiettées et ébréchées dès l'arrivée du JAP (lien) et du CIP (lien).

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« 12 novembre, Perpétuité sur ordonnance   

   25 août, Le temps des dinosaures »

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