Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Le coût humain et financier de la criminalité sexuelle

mardi XXI août MMVII

« Créer un hôpital fermé pour pédophiles, c'est recréer le bagne de Cayenne ! Â» déclare Sylvie Balanger, praticien hospitalier à la prison de la Santé (lien). C'est de toute évidence plus qu'une hyperbole, étant entendu que Cayenne consistait en l'exposition à un cadre de vie rude, aux travaux forcés et à l'éloignement du monde civilisé (donc aux proches du condamné), choses qui ne semblent pas être envisagées dans le cadre d'hôpitaux fermés pour les violeurs d'enfants*. Il est néanmoins indéniable que se pose la question du question du coût humain et financier de la gestion de cette criminalité, la question des moyens que nous sommes prêt ou pas à mettre en place.

Le cas Francis Evrard (lien), tout comme le cas Pierre Bodein (lien), nous ont bien révélé la faillite du suivi socio-judiciaire dans le cadre de la libération conditionnelle. Car en la matière, on ne peut se satisfaire d'un pourcentage d'échecs, de pertes, l'échec prévisible est inacceptable puisqu'il signifie une ou plusieurs vies sacrifiées. Parce que ces criminels ne sont pas ceux ayant des problèmes manifestes avec l'autorité, on les libère pour bonne conduite dès que possible, lorsque la peine de sûreté est purgée, avec la promesse d'un suivi hors l'univers carcéral. La promesse est audacieuse et optimiste : sur le papier, il est vrai, la solution est idéale, elle évite la sortie franche en fin de peine dépourvue de toute possibilité de contrôle ultérieur.

Mais voilà, comme nous le dit l'Union Syndicale des Magistrats (USM, majoritaire), il y a « un manque chronique et scandaleux de moyens de prise en charge de ce type de criminels Â» (lien). Et des moyens, il en faut, car, comme nous le dit Sylvie Balanger « seul un soin personnalisé du malade peut améliorer son état de santé. Il faut admettre que des hommes peuvent être attirés par des enfants, les prendre en charge en leur expliquant pourquoi cela n'est pas normal, leur faire prendre conscience de ce trouble et leur apporter les soins adaptés Â» (lien). Autrement dit, pour suivre correctement le criminel sexuel, il faut un armada médical pour l'entourer et des surveillants pour corriger le tir au cas où les arguments de l'armada deviennent insuffisant. Il faut recréer un hôpital et une prison autour du criminel libéré, pour pouvoir le soigner et, à défaut, parer à tout revirement d'intention de la part d'un criminel qui agit par pulsions, et non selon la raison. Ce sont donc des moyens gigantesques qu'il faudrait déployer. De plus des moyens à proprement parler, il faudrait également s'assurer de la rectitude quasi-mécanique du personnel, car en liberté, la marge d'erreur est moindre, comme en a fait l'expérience le médecin ayant prescrit du Viagra à Francis Evrard. Ce médecin n'avait pas accès au dossier médical. Néanmoins, face à une demande de prescription de confort, face à un individu condamné à une très longue peine, la prudence eut été de s'inquiéter des usages possibles de ladite prescription. Sylvie Balanger nous dit que « qu'il prenne ou non du Viagra, un individu qui a des pulsions pédophiles aura toujours des pulsions pédophiles Â» ; certes, le violeur ayant des troubles érectiles n'en est pas moins un dans la mesure où il a toujours en lui les pulsions criminelles, mais on ne va tout de même pas lui donner un médicament qui « favorise l'acte sexuel Â», on ne va tout de même pas l'aider à faire sa besogne criminelle.

En conclusion, si l'on laisse sortir des criminels de ce type, avec de fortes présomptions quant au risque de récidive et la connaissance des limites de nos possibilités actuelles de mise en application du suivi socio-judiciaire, le coût humain conséquent peut très vide devenir insupportable, comme l'actualité nous le signifie dramatiquement, indépendemment du gain financier induit par la libération d'une place en prison. Il est certes envisageable de mettre plus de moyens dans ce suivi socio-judiciaire : mais est-on prêt à assumer ce coût financier, sachant notre État endetté ; est-on prêt, par exemple, à dire que demain nous allons fermer un service hospitalier et une classe d'école pour financer la libération conditionnelle d'un violeur ? On a coutume de se plaindre du fait que l'exécution des peines est le cousin pauvre de l'univers judiciaire, que les prisons sont inconfortables. Mais il ne suffit pas de vouloir le meilleur pour tous, encore faut-il pouvoir l'offrir. Retirer à Paul le smicard pour donner à Pierre le violeur n'est pas une démarche si évidente. Chaque choix qui est fait en la matière à un coût humain ou financier, voire les deux à la fois. Réclamer toujours plus de moyens pour la prise en charge d'individus qui ne sont connus que pour leurs méfaits n'est pas une posture qui puisse recueillir une approbation unanime. Vouloir à tout prix défendre le principe de la libération conditionnelle anticipée sans avoir clairement posé la question du coût financier que l'on est prêt à assumer pour ne pas avoir à subir un coût humain n'est ni honnête ni lucide.

On peut d'ailleurs subodorer que le problème du suivi socio-judiciaire est aussi celui du sursis avec mise à l'épreuve.

(* je me refuse à employer le terme pédophile - ce qu'on reproche à ces gens là n'est pas d'aimer les enfants, il ne s'agit pas d'une variante anodine de la francophilie, de l'aquariophilie ou de labibliophilie)

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« 22 août, Pour « une société aveugle, insensible et égoïste » ?   

   15 août, Vers l'omni-responsabilité de l'État Â»

1.

Marcel,

Pendant des siècles et jusqu'à un passé pas si lointain, tout ce qui avait trait à la maltraitrance des enfants était étouffé, nié, tout comme le viol des femmes.

C'étaient les secrets de Polichinelle des maisons, des villages et des villes.Mais le silence reignait et si par hasard une victime osait se plaindre ou pis, dénoncer, l'opprobre rejaillissait sur elle et la honte ne tardait pas à l'accabler.

Cette situation était proprement scandaleuse.Pour en sortir, pour que la loi pénale soit énoncée, adaptée et surtout appliquée, il a fallu que des femmes et des hommes se battent et souvent, défient une opinion bien installée dans cette lâche indiffrérence.

Par un de ces mouvements de balancier que connaissent bien les sociétés vivantes

Posté le 22.08.2007 à 2h23 par Parayre

2.

(Il semblerait que votre message ait été amputé)

Posté le 22.08.2007 à 12h24 par Anonyme courageux

3.

Monsieur,

Veuillez trouver ci-après la réponse que je vous fis sur le site de monsieur Bilger, le 21 août dernier et qu’il a censurée. Cela concernait le pédocriminel Evrad.

Peut-être ma réponse était-elle une ânerie sans nom?


@ Monsieur Patoulatchi,

Monsieur Bilger serait plus à même de répondre à votre réflexion, seulement il est aphone. Je vais donc me permettre d'approfondir mon impression quant à cette peine.

Vous avez parfaitement raison, M. Evrard a effectué une peine de sureté de 18 ans. Ce qui correspond au 2/3 de 27 ans. Cette peine lui fut donnée en 1989. Il a donc effectué la peine de sureté.

Sauf erreur de ma part, si mes renseignements sont exacts, selon l'article 721 de la Loi nº 86-1021 du 9 septembre 1986 art. 1 Journal Officiel du 10 septembre 1986 en vigueur le 1er octobre 1986 (loi initiale nº 70-643 du 17 juillet 1970 art. 25 Journal Officiel du 19 juillet 1970), du code de procédure pénale, il avait droit à une réduction légale maximale de 3 mois par année d'incarcération.

Soit une réduction d'une année tous les 4 ans. De cette façon, il a bénéficié de 7 années de remise de peine ordinaire.


La loi Perben 2 du 09 mars 2004 qui modifie le régime des remises de peine fut effective le 01er janvier 2005. Elle dispose ce qui suit :

"Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes...
Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d'un mois pour les années suivantes..."

<lien>


A t-il bénéficié de cette loi, sa peine étant antérieure ? Je ne le pense pas.

Je suppose qu'il a effectué une période de préventive qui vient se déduire de la peine à accomplir.


Il se serait fait soigner afin d'obtenir une remise de peine complémentaire.

Cette disposition émane également de la Loi Perben 2, pouvait-il prétendre à son application ?

" ...Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d'un mois pour les années suivantes..."

D'après les informations, il ne l'aurait pas obtenue ??


Avec la loi actuelle, pouvait-on le maintenir en prison ? Il aurait, à mon sens, fallu s'en inquiéter un peu plus tôt, bien avant sa mise en liberté. Ce qui est certain, c'est que cet individu a été condamné à près de 48 ans de prison. Qu'il est en attente d'une nouvelle sanction.


Malheureusement, les surprises ne sont, peut-être, pas terminée, puisqu'il paraîtrait qu'un individu semblable, de la même prison, serait libérable samedi prochain.


Est-ce qu'il y a eu dans cette affaire un effet "vacances" ? Durant cette période, il y a bien moins de personnel. Possible.


Dans l'affaire Dutroux, il avait été indiqué :

"...Quant aux solutions pour éviter la récidive des condamnés, prenons par exemple, la fameuse camisole chimique, l'injection qui ôte toute pulsion sexuelle auprès d'un pédophile avéré, les autorités refusent toujours de les rembourser. Or cela coûte très cher (plus de 450 euros/mois) et sera donc souvent hors de portée financière des condamnés..."


Personnellement, je pense qu'une injection est plus sûre qu'un médicament. Elle permet d'assurer le contrôle total de la prise du traitement. Maintenant, il y a toujours la question du coût.
Par ailleurs, j’ai lu que ce traitement ne pouvait s’appliquer aux diabétiques et aux dépressifs, que prévoira t-on pour eux, si certains délinquants sexuels présentent ces maladies ?


Quelle responsabilité pour des grands parents, de garder et de surveiller des petits-enfants de nos jours ! La vigilance doit être plus qu’aiguisée.


Pour les néo-nazis, c'était une réflexion quant à l'un de vos commentaires sur un autre billet.

Une petite anecdote au passage. Il y a quelques années, maintenant, je me trouvais, avec quelque compagnie, dans une cité de l'Allemagne du Nord. Nous visitions un monument historique, entre autres. Une fois la visite achevée, nous sommes sortis du lieu admiré et en avons fait le tour. A l'arrière de celui-ci, une porte était ouverte. Innocemment, croyant que la visite se continuait de ce côté ci du monument, nous sommes entrés. Comme il y avait des escaliers, nous les avons montés. A l'étage, nous nous sommes trouvés face à une porte fermée. Nous l'avons ouverte. Là, oh stupeur, nous nous sommes retrouvés dans une pièce avec d'anciens nazis, c'était évident. Les portraits au mur ne laissaient aucun doute. Nous avons tous été surpris, eux comme nous. A leurs têtes et à leurs regards, ils n'ont pas trop aimé cette incursion de notre part. Après un "Entschuldigen Sie uns bitte", nous avons tourné les talons, redescendu l'escalier et continué notre visite de la ville. Comme si de rien n'était.

A cette même époque, il y avait beaucoup de problèmes de racisme en Allemagne avec les turcs, en particulier. Il est vrai, toujours à cette époque, que l’Allemagne de l’Est accueillait des étrangers spécifiquement pour ensuite les refouler sur l’Ouest. Mais, c’est un autre sujet.




Posté le 25.08.2007 à 13h22 par Marie

4. Evrard, Perben II, etc

Concernant la loi Perben, Evrard a du en bénéficié, au nom du principe de la rétroactivité in mitius qui veut que les lois pénales de fond soient rétroactives lorsqu'elles bénéficient au mis en cause/condamné. C'est logique, s'il parait judicieux d'être à présent plus favorable aux auteurs de certaines infractions, il n'y a pas de raison de ne pas appliquer ce régime préférentiel à ceux qui ont été condamnés avant la loi - contrairement aux lois plus défavorable, nous ne sommes pas tenu dans ce cas de figure par le principe plus général de légalité des peines.

Vous demandez si avec la loi actuelle, il eut été possible de le garder en détention. Je ne vois pas ce qui nous en aurait empêché. Les réductions de peines sont des faveurs. L'élaboration de leur automaticité (à laquelle je suis personnellement opposé) s'est faite au nom de l'harmonisation des parcours carcéraux (car les remises de peines étaient de facto déjà automatiques, mais variaient selon la soupe faite dans les différentes juridictions) ne saurait remettre le sens même de la libération conditionelle, c'est à dire sous conditions, avant le terme de la peine.


Je suis tout à fait stupéfait d'apprendre que monsieur Bilger censurerait des messages sur son blog. Je le trouve d'une très large tolérance et n'ai jamais eu à m'en plaindre. Je ne m'explique pas ce qui dans votre message vous vaudrait censure, hormis l'accusation d'aphonie que vous lui adresser. Ne vous a t-il point donné d'explication ? Monsieur Bilger me semble être quelqu'un d'extrêmement courtois et poli, je ne crois pas me tromper en disant qu'il n'hésite pas à envoyer des courriels pour expliquer ses choix.
Etes-vous sure que ce n'est pas qu'une question de délai ? Peut-être n'a t-il tout simplement pas encore eu le temps de valider votre message.

Posté le 25.08.2007 à 14h41 par Anonyme courageux

5.

Correctif, il apparaitrait que mon commentaire ait été publié. A l'occasion, j'irai constater.

Vous avez peut-être lu dans la presse d'hier qu'un individu porteur du bracelet électronique depuis février 2007 avait réussi à le neutraliser et qu'il s'est fait prendre à cause d'un incendie qui avait éclaté à son domicile. L'alarme ne s'étant pas déclenchée.Il fut repris. Il est de nouveau incarcéré et doit être jugé en septembre.

Cela devait arriver. Et risque de se reproduire, évidemment.

Tout est une question de moyens. Comme toujours. Il faut espérer que les bracelets électroniques seront de qualité, solides et résistants !!! L'avenir nous le dira. Il y a déjà un couac. C'est prometteur.






Posté le 25.08.2007 à 16h46 par Marie

6.

Les systèmes de « protection » informatique sont toujours brisés tôt ou tard, plus souvent tôt que tard.
En ce sens, je ne m'étonne pas que l'on trouve des failles dans ces bracelets. La question qui se pose est maintenant de voir quelle sera la réaction de la juridiction répressive face à ce malhonnête.

Posté le 25.08.2007 à 21h47 par Anonyme courageux
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