Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Réservistes de la citoyenneté ?

samedi XXIV mars MMVII

Au nom du devoir de réserve, on ferme -on fait fermer- des blogs. Des blogs de fonctionnaires de police, tel feu lien - bien sûr, ne sont-ils pas « astreints à un devoir de réserve plus strict que les autres fonctionnaires » selon une formule presque consacrée ? On ferme aussi des blogs de fonctionnaires de l'inspection du travail, tel feu lien . Notre administration française aurait-elle peur de gagner à être connue ? Préfère t-elle que les seuls « que fait la police » disponibles sur internet soient constituées d'élucubrations, d'exagérations systématiques et de partis-pris anti-sociaux à l'instar du « bulletin d'information anti-autoritaire » (sic) lien ? Préfère t-elle perpétuer un certain silence autour des activités de ses inspecteurs du travail, silence qui conduit à la violence ayant laissé Sylvie Trémouille et de Daniel Buffière sur le carreau (lien), paroxysme flagrant d'une haine des serviteurs d'un État qui ne les assume plus, ni matériellement, ni spirituellement (lien) ?

Qu'est-il ce « devoir de réserve » ? Abolit-il, est-il en droit d'abolir, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 explicitant que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme » ?

Sur Légamédia lien, on apprend que « Le devoir de réserve imposée aux agents de l'État résulte d'un nécessaire équilibre entre la liberté d'expression reconnue à tout citoyen et les exigences du service public. Le fonctionnaire, se voit reconnaître une liberté d'expression et une certaine indépendance. Mais, son statut d'agent de l'État l'oblige à une certaine réserve dans l'exercice de cette liberté, comme le rappelle la jurisprudence administrative. [...] L'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 garantit d'ailleurs "la liberté d'opinion au fonctionnaire". Au sens strict, le devoir de réserve ne concerne que les opinions émises en dehors de l'exercice des fonctions. Mais quelquefois (par abus ou facilité de langage) la jurisprudence et la doctrine utilise cette notion pour désigner, plus largement le respect dû par le fonctionnaire aux obligations de neutralité, de discrétion, d'obéissance hiérarchique. Des confusions sur l'étendue respective des différentes obligations du fonctionnaire peuvent naître à ces occasions. La notion de manquement à l'obligation de réserve a été consacrée en 1935 par le Conseil d'État, à propos d'un employé à la chefferie du Génie à Tunis qui a tenu des propos publics jugés trop critiques envers la politique du gouvernement (CE 15 janvier 1935, " Bouzanquet ", Rec. p 44). Des propos diffamatoires, tenus hors service et sanctionnés pénalement, sont jugés comme des manquement à l'obligation de réserve (CE 11 février 1953, " Touré Alhonsseini ", Rec p. 709). Plus le niveau hiérarchique du fonctionnaire est élevé, plus son obligation de réserve est sévère. Monsieur Tessier, directeur du CNRS et professeur à la Sorbonne a été relevé de ces fonctions au CNRS pour avoir refuser de désavouer une lettre ouverte jugée violente et injurieuse envers le gouvernement dont il n'était pas l'auteur. [...] Les derniers arrêts concernent l'activité associative extra-professionnelle des agents de l'État. Le collaborateur d'un préfet, animateur d'une association, a été licencié, du fait que son association a publié des communiqués dans les journaux critiquant sévèrement la politique du gouvernement concernant les droits de la femme (CE 28 juillet 1993, " Marchand ", Rec. p.248). »

Est-il cohérent avec l'article 11 de la DDHC cité en sus d'interdire aux fonctionnaires d'exercer regard critique sur l'activité gouvernementale alors qu'il n'est pas en service ? S'il importe d'éviter qu'une fonction publique, un titre, serve d'argument d'autorité pour l'expression d'un point de vue citoyen, si j'entends bien que des propos immodérés tenus par un fonctionnaire pourraient nuire à l'image de la fonction en suggérant qu'elle est exercée par des individus inaptes à l'impartialité qui lui sied, il est à mon sens tout à fait abusif de parler de « réserve » si on impose le silence, si on interdit même l'expression de simples éléments factuels ou de leur analyse.

En ce sens, s'il parait juste que la magistrat Josiane Bigot se soit vu reproché la tenue d'un propos extrême (déclarant un candidat à la présidence de la République inapte à respecter la Constitution de 1958), on peut s'inquiéter que de tels reproches soient aussi fait à l'encontre de magistrat tel Philippe Bilger au prétexte d'avoir participé à une conférence portant sur la Justice organisée par un parti politique (lien).

Et même si deux maux ne font jamais un bien, on est libre d'exiger une certaine justice par égalité de traitement lorsqu'on constate que d'autres fonctionnaires de l'État semblent eux complètement détachés de toute réserve sans en être inquiété. En effet, que penser du soutien apporté à « une directrice d'école parisienne », Valérie Boukobza, directrice de l'école maternelle Rampal à Paris (XIXe) (lien lien), qui selon Jack Lang « mérite notre plein respect », soupçonnée d'avoir commis des « outrages et dégradations de biens publics en réunion » en s'opposant à une intervention de police et en dégradant un de ses véhicules ? Dominique Voynet déclare que « c'est à l'un des derniers refuges des valeurs de la République - l'école - que le ministre-candidat de l'UMP s'attaque ». L'école est-elle un refuge s'il elle est dirigée par des individus qui commettent des délits réprimés par la loi pénale ? Je ne le pense pas.

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« 25 mars, L'arroseur a perdu l'arrosoir   

   17 mars, Comme un voile opaque »

1.

Le Riesling est un vin excellent.
Sa robe d'or chatoie dans le verre et donne à nos propos le brillant d'un or pur mais parfois, au réveil, l'or nous paraît dur.

Que ne lis je sous votre brillante plume cette affirmation maquillée d'un point d'interrogation : " L'école est-elle un refuge s'il elle est dirigée par des individus qui commettent des délits réprimés par la loi pénale ? "

Mais quoi? Nos représentants de l'état sous Vichy ne se virent ils pas reprocher prestement leur collaboration avec la loi du moment? Ne sommes nous pas aujourd'hui promptes à les condamner et à leur trouver une bien basse moralité pour avoir "laissé faire".

N'était-ce pas le rôle d'une responsable d'éducation d'enfant que de montrer à l'enfant dont on venait saisir le grand-père que la loi pouvait être humaine malgré sa fermeté? Qu'il y a un temps pour tout et un lieu pour chaque chose?

Irions nous violer un sanctuaire religieux pour en soustraire un assassin ? Acceptons nous ce viol du temple de la laïcité?

Je reproche aux Policiers en question non pas l'interpellation ni même la reconduite à la frontière de la personne en situation irrégulière mais l'absence d'humanisme, de compassion, d'intelligence, d'humanité qui aurait dû la caractériser dans une interpellation.

Si dans le futur, ce petit fils voue une haine aux vertus de la république et qu'il milite parmi les extrêmistes de droite, de gauche ou d'une religion de haine, je pense que cette journée là aura eu son importance.

Posté le 5.04.2007 à 9h19 par az

2.

Je pense parfaitement incongru de comparer la législation raciste de Vichy visant à une épuration ethnique avec l'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile. Si on tient vraiment à faire une telle comparaison, une démonstration rigoureuse s'impose.

Par ailleurs, il n'y a pas un temps et un lieu pour toute chose. Le temps et le lieu de la loi pénale est délimité par le territoire de la République et les délais de prescription de l'action publique. Si quelques faveurs sont parfois accordées, on ne saurait les estimer dues. Cela est indifférent quand à la dimension laïque de l'école : la loi n'est pas une religion et la loi a vocation à s'appliquer aussi dans les écoles, même si dans la pratique certains chefs d'établissements se croient investis d'un mandat de dictateur.

Quant à ce « petit fils », ce qu'il sera demain tiendra avant tout à lui. Le cheminement intellectuel des individus leur appartient.

Posté le 6.04.2007 à 15h31 par Marcel Patoulatchi

3. Devoir de reserve dans la police, selon le DGPN

L'actuel Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), dans son livre publié en 2007 écrit :

« Le fossé serait-il si grand entre les citoyens et ceux dont la mission est de les protéger ? Je ne veux pas le croire. Nous autres policiers ne sommes probablement pas exempts de reproches. Par nécessité nous vivons dans un univers parallèle, mais n'est-il pas trop opaque ? Est-il possible de s'ouvrir, d'expliquer qui nous sommes, comment nous fonctionnons ? Je ne sais pas. C'est une piste de réflexion. » (Péchenard Frédéric, Gardien de la Paix, Neuilly/Seine, 2007, p. 160)

Il me semble que cela va dans le sens de la promotion d'une application du devoir de réserve apaisée pour les fonctionnaires de police.
Le livre du DGPN, sur la couverture duquel est clairement établie la qualité et le grade de son auteur, me semble pouvoir être interprêté comme indicateur des libertés que devraient pouvoir prendre aujourd'hui les fonctionnaires : communication sur le mode de fonctionnement de leur Institution, anecdotes, préservation du secret professionnel.

Posté le 30.06.2008 à 12h01 par Enclume des Nuits (auteur du blog)
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