Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Des propositions de Ségolène Royal en matière de « lutte contre toutes les formes de violence »

samedi XXIV février MMVII

À l'approche des élections, il convient de s'enquérir des positions des différents candidats, n'est-il pas ? Aujourd'hui, je vais me pencher sur celles de Ségolène Royal en matière de justice et de sécurité, qui sont publiées dans son « pacte présidentiel » à lien

Je ne fais cependant nul secret de mon a priori -la locution est faible- plus que négatif à son endroit. Je n'ai pas digéré ceci lien ni cela lien et je garde à l'esprit ceci lien Toutefois, j'aime à rappeler qu'un a priori n'obère nullement toute volonté d'objectivité.

Entrons dans le vif du sujet sans plus de détour :

« 50- Rétablir la civilité : - Apprendre la civilité aux enfants : des programmes d'éducation au respect de l'autre pour apprendre aux enfants à gérer les conflits par la parole plutôt que par la violence. - Garantir à chacun de voyager sans crainte dans les transports en commun (RER, TER, trains de banlieue, tram et bus, spécialement la nuit) en imposant des obligations réglementaires plus grandes aux transporteurs (recours plus grand aux équipements technologiques, personnel plus importants aux horaires sensibles). - Mettre en place des gardiens dans tous les immeubles sociaux. »

Commentaire : Rien de neuf sous le soleil. Je serais prêt à parier que cela fait bien 20 ans que l'on parle de cette idée de gérer les conflits par la parole et non la violence - « la parole éteint la violence » proclame depuis trop longtemps sans démonstration effective le parrain des enfants de Ségolène Royal (lien). Je me demande même si cette peur de la violence de la part des adultes n'a pas offert à cette jeunesse le monopole de la violence, en répondant trop régulièrement sans assumer les rapports de force physique, en réagissant sans songer au concept de violence légitime. Par ailleurs, je trouve particulièrement tordu de blâmer les « transporteurs » des risques encourus par les passagers : que peuvent faire les transporteurs face aux pierres et cocktails molotovs ? Doivent-ils se convertir en entreprise de sécurité privée ? Proposition médiocre hormis l'idée de développer la présence de gardiens.

« 51- Lutter contre les violences scolaires en renforçant la présence des adultes dans les établissements : - Recruter des surveillants des collèges. - Doter chaque établissement d'une infirmière scolaire et d'une assistante sociale à temps plein. - Mettre en place des gardiens dans tous les immeubles sociaux. »

Commentaire : Nécessaire. Mais très largement insuffisant. Les violences scolaires sont, à présent, ce de manière régulière et en toute sorte d'endroit (comprendre : en ZEP évidemment mais aussi ailleurs également), de l'ordre du délit grave, voire du crime. On ne peut plus se contenter de laisser les établissements gérer ces incidents, avec une légèreté des plus consternantes parfois, en fonction des chefs d'établissement. Tout crime ou délit devrait être signalé et sa résolution devrait être confié aux services appropriés, c'est-à-dire judiciaires. Je rappelle que les violences volontaires en réunion constituent un délit. Je rappelle également que la légitime défense s'applique à tous, y compris au personnel des établissements scolaire : l'an dernier, une Conseillère Principale d'Education d'un collège strasbourgeois clamait à tue-tête que le personnel des établissements scolaires n'a nul droit de frapper pour se défendre un enfant qui est en train de le frapper - je vous laisse deviner les ravages en terme d'autorité et d'éducation que peut provoquer une hiérarchie qui, sure d'elle en dépit de son ignorance manifeste et dommageable de l'article 122-5 du Code pénal, à un tel rapport à la gestion des conflits violents. Mieux vaut-être agresseur qu'agressé, la toute-puissance puérile existe vraiment, nombre de gamins ont du retenir la leçon !

« 52- Etre ferme face aux mineurs violents : - Mettre en place une politique de prévention précoce de la violence : encadrement éducatif renforcé, mise en place de tuteurs référents. - Développer les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines. - Prendre des sanctions fermes et rapides : un plan d'urgence sera mis en place pour la justice des mineurs (recrutement de juges des enfants, d'éducateurs, de greffiers) - Mettre en oeuvre des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance : suppression des peines de prison pour les mineurs en dehors des cas d'atteintes graves aux personnes ; développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire. »

Commentaire : Ral-le-bol des « plans d'urgence », je crois que notre société à besoin de sérénité et de pérennité, pas de plans concoctés en urgence. L'ensemble de la justice requiert plus de magistrats et de greffiers - concernant les éducateurs, peut-être faudrait-il un jour se doter de moyens d'évaluation de leurs activités. À quoi bon encore développer le particularisme du droit spécial des mineurs alors que toutes ses spécificités sont connues et abusées par la petite et moyenne délinquance ? Supprimer les peines privatives de liberté pour tous les faits qui ne sont pas des atteintes graves aux personnes, cela signifie t-il que le multirécidiviste est à l'aise tant qu'il ne commet pas d'homicide, où encore que le violeur reste sur la voie publique tant qu'on pratique la lamentable correctionnalisation judiciaire du viol ? C'est absurde, je pense que l'on passe largement à côté de l'essentiel. Ce n'est pas un tort d'avoir l'imagination débordante, bien entendu, mais parfois il est nécessaire d'en revenir à plus de rusticité, gage d'efficacité.

« 53- Faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité nationale : - Faire adopter une loi cadre sur les violences conjugales prenant en compte tous les aspects permettant d'éradiquer ce fléau. »

Commentaire : Déclaration d'intention dépourvue d'éléments palpables. Rien à commenter.

« 54- Créer une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne : - Procéder à une répartition plus juste des effectifs : donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs des zones sensibles. - Affecter des policiers expérimentés, bénéficiant d'une réelle différenciation de rémunération, dans les secteurs plus difficiles (avantages de carrières, aides au logement, etc.) »

Commentaire : Léger. Que veut-dire une meilleure répartition ? On prend d'où ? Qui déshabille t-on ? Comment procède t-on aux missions de sécurisation ? Qui envoie t-on accompagner transports collectifs et pompiers ? Que peut faire cette « police de quartier », quels moyens lui seront accordés, quelles missions lui seront attribuées ? Pourquoi n'y a t-il pas de réflexion sur l'hémorragie des fonctionnaires expérimentés des circonscriptions de sécurité publique les plus troublées ? La carotte financière suffirait-elle à compenser le dégoût provoqué par le sentiment d'inutilité, sauf à être en BAC ou autre service directement et concrètement efficace, dans ces zones où le non-droit est la règle ?

« 55- Aider les victimes : - Faciliter et moderniser le dépôt de plainte pour briser la loi du silence : amélioration de l'accueil dans les commissariats par la mise en place de travailleurs sociaux de la police nationale, possibilité de déposer plainte via Internet. - Mettre un avocat à la disposition des victimes de violences graves dans l'heure suivant le dépôt de plainte. »

Commentaire : Proposer un avocat à ceux qui ne le peuvent, pourquoi pas, certes. Pour le reste, c'est du grand n'importe quoi, je suis contrit d'être obligé de le dire  : comment peut-on imaginer initier une procédure judiciaire sans audition ni constatation ? Quelle valeur probante donner à un procès-verbal qui serait basé sur une déclaration écrite à distance sur un clavier d'ordinateur ? Quel est le fond du propos sinon d'encore une fois rappeler cette méfiance à l'endroit de la police ? Si on estime que l'accueil est mal fait dans les services de police (ce qui est sans doute parfois une réalité, je ne dis pas le contraire), qu'on n'hésite pas à développer les tests par l'IGPN et l'IGS dans les commissariats, et qu'on annonce qu'on sanctionnera réellement les fonctionnaires incompétents ! Mais pour dire cela, encore faudrait-il avoir le courage de discriminer les mauvais fonctionnaires, au lieu d'insulter l'ensemble en vrac, de blâmer les bons pour les agissements des mauvais sans jamais vouloir sanctionner ces derniers. Bref, il faudrait se soucier sincèrement de la police, au lieu de la voir comme un mal nécessaire ; c'est trop en attendre du couple Hollande-Royal, j'en suis convaincu.

« 56- Doubler le budget de la justice pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits. »

Commentaire : La proposition n'appelle pas à commentaire tant elle semble circonscrite dans le temps.

« 57- Faciliter l'accès à la justice des plus modestes : - Renforcer l'aide juridictionnelle. - Renforcer les maisons de la justice et du droit - Mettre en place un service public d'aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués aux victimes. »

Commentaire : Des telles béquilles sont très assurément nécessaires en l'absence d'un programme répressif réel. La société va, une fois de plus, payer pour les malfrats, en assurant le recouvrement de leur condamnations civiles, c'est-à-dire les dommages et intérêts.

« 58- Protéger les citoyens : - Assurer la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue. - Encadrer strictement le recours à la détention provisoire dont la France use beaucoup plus largement que les autres pays européens, en imposant notamment des délais butoirs. - Renforcer les alternatives à la prison préventive. - Assurer dans les prisons des conditions qui permettent la réinsertion du détenu. - Créer un organe indépendant de contrôle des prisons.  »

Commentaire : Apparemment, par « protéger les citoyens », on entend surtout protéger les individus mis en cause dans une affaire pénale. Ces gens là méritent d'être protégés comme n'importe qui d'autre ; mais ça laisse songeur de voir qu'on ne pense qu'à eux dans une article intitulé ainsi. L'avocat ayant accès au dossier dès le début de la garde à vue ? Pourquoi pas, si on trouve que la police est trop efficace et si, bien sur, on donne accès au dossier à l'avocat du plaignant au même moment. Encadrer le recours à la détention provisoire ? Pourquoi pas, si on est toujours incapable d'appliquer le cadre actuel pourtant déjà assez restrictif et si c'est fait intelligemment - c'est-à-dire avec plus de finesse que la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence (cf. lien). Quand aux prisons, le chantier est gigantesque, je ne peux que constater qu'il est resté singulièrement en friche lorsque le PS était aux affaires.

« 59- Rendre la justice impartiale et efficace : - Modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature pour garantir son pluralisme et l'équilibre entre magistrats et non magistrats. - Recomposer l'organisation judiciaire en fonction des besoins et de la démographie de la population. - Réformer la justice du travail après consultation des acteurs concernés. - Mettre en place la possibilité de conduire des "actions de groupe". »

Commentaire : Rien à dire, ces propositions là sont courantes, voire déjà partiellement mises en oeuvre.

Conclusion : Si on ne saurait résoudre un programme présidentiel à sa partie traitant de la sécurité des personnes, des biens, de l'Etat, de la Nation et de la paix publique, je n'ai rien trouvé ici m'invitant à trahir mon a priori. Beaucoup de vent, beaucoup de dérivatifs, absolument rien de nature à offrir une réelle politique de fond, aucune démarche alliant avec intelligence prévention et répression, les deux mamelles du domaine. C'est la politique hémiplégique assurée (lien) qu'on était en droit de craindre.

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