La plus abrutie des historiographies
mercredi XV novembre MMVILa plus plus abrutie des historiographies, c'est assurément celle qu'on nous somme, par l'effet de masse, de prendre en considération. C'est l'historiographie qui ne cherche plus de nouvelles sources, de nouvelles pistes d'interprétations des sources, qui ne cherche plus avant tout à expliquer le fait passé de mille et une manières. Non, c'est l'historiographie des petits juges de pacotille auto-mandatés, des nigauds persuadés que leur jugement sur des faits passés, complètement passés et dépassés, qui n'ont plus prise réelle sur le présent, que leur jugement, disais-je, importe.
Alors qu'il n'en est absolument rien.
Ce qu'on dira aujourd'hui de la colonisation n'y changera rien. Ce qu'on dira aujourd'hui de l'esclavagisme n'y changera rien. On ne fera pas le procès de l'esclavagisme car les esclavagistes sont morts et enterrés. On pourra bien salir leur mémoire, se gausser ou s'indigner de leurs erreurs, le fait que nous sommes ceux qui connaissons la suite de l'histoire, que notre jugement est un acte sans risques pour nous, de la plus grande gratuité.
C'est là la manière la plus lamentable d'aborder l'histoire, celle qui assurément ne permet absolument pas de comprendre les hommes, trop empêtrés dans nos considérations contemporaines qui leurs étaient étrangères.
Le plus mesquin, c'est que les porteurs de cette historiographie méprisable revendiquent au présent. Comme si au présent, ces faits du passés pouvaient donner lieu à des doléances, à des reproches, comme si au présent il fallait s'omnibuler par le passé, au lieu d'avancer.
Le plus déshonorant, c'est quand certains d'entre-nous ont la vanité de prétendre pouvoir donner suite à de telles revendications. Ainsi, on nous dit que « le refus des autorités françaises d'honorer pleinement la mémoire des Gardes Suisses, massacrés par les émeutiers républicains en août et septembre 1792, a non seulement humilié l'ensemble du peuple suisse, mais a suscité une vigoureuse réaction dans l'opinion française », un citoyen français, Jean-Christophe Vallet, se croit en droit de condamner les exactions de nos ancêtres, 200 ans après (lien). Le type, dans un pays qui n'a pas connu la guerre depuis 50 ans, qui n'a pas connu la monarchie, qui n'a pas vu les dirigeants de son pays s'appuyer sur une armée étrangère contre le risque de soulèvement populaire, qui n'a pas vu des armées étrangères fondre vers la France pour mettre fin à ses balbutiements démocratiques, ce type prétend qu'il est en droit de parler au nom d'individus qui ont vécu une époque et des situations à mille-lieux de sa vie paisible de « Directeur d'une Maison de Vins [...] Diplômé de Sciences Politiques ».
Ces gens là me dégouttent. Quelle légitimité croient-elles avoir, toutes ces pleureuses, toujours là à dénoncer des morts, et ces carpettes, toujours là à vouloir s'honorer de cracher sur les morts ?
Je veux bien entendre que des sympathies tiers-mondistes poussent certains à toujours et sans cesse chercher dans l'Ailleurs des explications de la pauvreté de certains pays du tiers-monde (y compris des pays bourrés de mines de diamant ou de puits de pétroles) - quand ce ne sont pas les États-Unis d'Amérique, c'est donc forcément l'Europe, et comme elle n'est plus vraiment là on va parler de la colonisation ; mais surtout, on ne parle pas des quelques autochtones qui vivent dans des sortes de Taj Mahal, des ministres de pays en ruine qui s'achètent des villas en Floride, de présidents de pays en famine qui se font livrer des limousines pour le confort de leurs multiples concubines. Je veux bien entendre aussi que certains Européens et Nord-Américains ont tellement envie d'être du bon côté, dans le camp des gentils, qu'ils veulent se poser en redresseurs des torts des morts qui ne sont plus là pour se défendre. Je peux l'entendre, je veux bien le comprendre. Mais je ne peux pas trouver cela louable ni intelligent.
1.
Que du bonheur!ciselé et acéré comme une dague de Tolède...un article que j'aurais voulu écrire ,si le talent m'avait été prodigué...
Merci,l'ami!