Proposition d'une autre attitude pour la France face à la mondialisation
mardi XIV novembre MMVIDélocalisation, mondialisation... Selon l'extrême-gauche, on doit se contenter d'être anti-libéral (interdire les licenciement, par exemple). Selon la gauche, on ne peut rien faire (dixit Lionel Jospin, alors Premier Ministre, face à des ouvriers en détresse). Selon la droite, tout va bien, on peut se contenter d'un patriotisme économique ponctuel, même si ce dernier est condamné par l'Union Européenne telle qu'on la construit au même moment.
Le choix est donc entre l'inaction ou l'opposition brute. Le fond de la question, c'est de savoir quel est le champ d'action politique, quel domaine la cité peut régir - on entend souvent dire que la politique est devenue caduque.
Le malheur, c'est que la gauche actuelle est encore tributaire d'une conception marxisante où il serait sensé de se focaliser sur l'outil de production, le cadre de production. Les propositions abondent dans ce sens : interdire les licenciement, mettre le SMIC à 1500 euros (sans se rendre compte un sens instant qu'une hausse artificielle de cette nature ça n'aurait que pour effet de provoquer une hausse du coût des produits tout aussi artificielle), etc.
C'est là la marque d'une incompréhension du cheminement du siècle dernier, du grand paradoxe du capitalisme qui a créé des sociétés humainement largement plus valables que toutes les expériences d'inspiration communiste (de l'URSS à la Chine, en passant par Cuba). Un des paramètres essentiels, et trop souvent ignoré, c'est que l'obsession de profit peut servir l'humain, en dépit des apparences. C'est là la raison qui fait que le commerce équitable d'abord ignoré par l'industrie agro-alimentaire est maintenant récupéré par celle-ci, présent dans la plupart des grands magasins. Quand l'éthique d'un commerçant est facteur d'attractivité pour un produit, le capitalisme devient éthique par intérêt. C'est évidemment une victoire pour l'humanité quand le capitalisme se subordonne à l'intérêt commun, même si c'est dans le but d'être rentable. Améliorer, ça demande de comprendre et d'adopter une stratégie en fonction.
La marche à suivre est toute indiquée. Par exemple, au lieu de se contenter de laisser certains industriels créer des labels mettant en avant des critères positifs valorisant leurs produits (commerce équitable, mais aussi label rouge, garantissant la non-torture des animaux mangés, etc), on peut décider d'en créer de manière systématisée. On peut décider que dès demain, la loi imposera sur chaque produit une étiquette précisant le niveau de vie des habitants du pays d'origine, le salaire moyen des employés, l'application ou absence du respect des Droits de l'homme et du citoyen tels que défini en 1789 (et non 1948) - une étiquette simple avec un code de couleur, rouge, orange ou vert. Partant de là, plus aucun consommateur ne sera dans l'ignorance, ne pourra dire qu'il n'a pas le choix des produits qu'il consomme. Par son achat, il dira immédiatement quel genre de société il désire ; il dira s'il estime préférable d'économiser 2 francs sur un produit fabriqué dans un pays dans lequel il n'aimerait pas vivre ou s'il préfère dépenser 2 francs de plus pour obtenir un produit fabriqué dans un pays qui lui ressemble. Les délocalisations ne seront plus tant à craindre, parce que celui qui délocalise devra payer la contrepartie négative en terme d'image de son choix financier, et ce à chaque vente, pour chaque produit, et non simplement au moment T de la délocalisation. Les citoyens, en pleine application de la démocratie directe, par décision financière cautionneront ou sanctionneront de telles pratiques.
Nous ne sommes pas pieds et poings liés. Il est difficile de légiférer en matière de droit du travail, car il est trop facile pour le moment pour une entreprise de délocaliser : nos travailleurs seront toujours moins attractifs que ceux des pays pauvres (qui ne manquent pas d'experts dans les hautes technologies, contrairement à ce que prétendait notre président de la République, manifestement inconscient du nombre d'informaticiens en Inde). Il est facile de légiférer en matière de droit de la consommation, car ce qu'on oublie trop vite, c'est que ce sont nos pays qui intéressent en terme de débouché. Croyez-vous qu'un industriel puisse se dire qu'il se passe délibérément de 60 millions de consommateurs d'un pays riche ? Croyez-vous qu'un industriel à un intérêt à délocaliser si ça signifie qu'il devra chercher des débouchés à ses produits dans les pays ou il délocalise ?
Une telle mesure est simple à mettre en place. La France a déjà été confrontée à des paris plus grand. Il ne reste plus qu'à faire la proposition. Alors, que fait la gauche, que fait la partie de la droite qui s'intéresse aux entreprises française ?
C'est bien joli de chanter à tue-tête son attachement à notre construction sociale. Il est temps de le revendiquer dans les actes et d'agir pour faire de celle-ci un exemple pour le monde, pas un contre-exemple. La mondialisation n'est pas plus incontrôlable que le capitalisme ; comme le capitalisme, elle peut nous apporter beaucoup, si on la régule correctement. La France, tout ce qu'elle représente, peut avoir un avenir, si on cesse de baisser les bras.
1. <lien>
"Quand l'éthique d'un commerçant est facteur d'attractivité pour un produit, le capitalisme devient éthique par intérêt."
C'est exactement ce que je dénonce. L'éthique est pour moi, par définition, un processus qui contredit l'intérêt. Ce que tu proposes, et qui existe déjà en partie (les labels sont indépendants des producteurs : "max havelaar" ou "AB" sont des cahiers des charges auxquels adhèrent des marques différentes")me semble être une cautère sur une jambe de bois car il s'anihilera du fait même de sa généralisation. Car, si l'intérêt reste le moteur du comportement, et que le respect de tel ou tel "éthique" n'est qu'un moyen de vendre plus que ses concurrents, l'entreprise devra trouvera toujours une manière de se rattapper ailleurs. Il n'est qu'à voir les grandes surfaces qui en même temps qu'elles vendent de l'équitable exotique, pressent le citron de leurs fournisseurs agricoles.