Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Du placement en détention provisoire

mercredi VIII novembre MMVI

« C'est mon mari, la victime, qui est emprisonné ! » titrait l'Express le 30 octobre (lien).

Citant la compagne de René Dahan, placé en détention provisoire, le journal relate que « Il était 9 h 30 ce matin-là et René était venu me dire au revoir dans la salle de bains, avant de partir au travail. Une fois la porte refermée, j'ai entendu des grands bruits dans l'entrée, j'ai cru que mon mari était tombé. Je me suis précipitée et j'ai été attrapée par deux hommes, le visage masqué, qui m'ont maintenue par le cou pendant que René se battait avec un troisième. Mon mari a réussi à lui arracher son arme, un gros revolver, et a tiré. Je ne peux pas donner tous les détails sur ce qui s'est passé afin de ne pas violer le secret de l'instruction ». À vrai dire, le secret de l'instruction ne tient que les acteurs de la procédure pénale, policiers et magistrats. L'Express ajoute « Selon les éléments de l'enquête, le malfaiteur pointe l'arme sur la mâchoire de René Dahan, celui-ci parvient à retourner sa main, et un premier coup part contre l'agresseur. Dahan réussit alors à attraper le 357 Magnum et tire une deuxième balle. Le voyou tombe à terre, se relève, apparemment indemne. Tandis que les deux autres s'enfuient par la porte, le blessé court dans le fond de l'appartement, poursuivi par le commerçant, qui tire sur lui à nouveau, à deux reprises. L'homme tombe par la fenêtre qu'il venait d'ouvrir ».

Si les « éléments de l'enquête » sont exacts, l'acte de René Dahan n'est pas de l'ordre de la légitime défense. La légitime défense désigne un acte forcément concomitant à l'agression, pas antérieur ni postérieur. Il ne s'agit pas d'une carte blanche pour se faire justice, pour se venger. Si, lors d'un cambriolage, il y a une présomption de légitime défense favorable au cambriolé, cette présomption n'est pas irréfragable et il me semble que les éléments décrits la font tomber.

C'est donc à une cour d'assises de trancher de la répression d'un tel acte. Si l'affaire est scrupuleusement celle que décrite ici, la condamnation me paraîtrait devoir être clémente. L'emportement d'un homme agressé chez lui, devant en venir aux mains, voyant sa femme menacée, me semble compréhensible - un dol dépassé pas dépourvu d'honneur.

Par contre, le choix du placement en détention provisoire, qui doit être « l'exception et non plus la règle » dit-on (dixit le garde des Sceaux Pascal Clément, lien), me semble étonnant. Je ne pense pas qu'il y ait un besoin particulier de « préserver les preuves, empêcher des pressions sur des témoins ou des victimes ou encore une concertation frauduleuse entre le mis en examen et ses complices ; de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ; lorsqu'une peine de 10 ans ou plus est encourue : de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public ». Je doute que ce soit nécessaire d'assurer le « maintien [du mis en examen] à la disposition de la justice », car les circonstances de l'homicide ne semblent pas indiquer une personnalité habituée à fuir ses responsabilités. Il ne reste plus que l'hypothèse du placement en détention pour « assurer la protection du mis en examen ».

On ne peut évidemment pas avoir d'avis net et définitif sur la question en se fondant simplement sur cet article de l'Express. Ce placement en détention provisoire a de quoi surprendre, néanmoins. J'aimerais être certain qu'on (juge des libertés et de la détention, mais aussi magistrat instructeur et parquet - le JLD ne fait que statuer sur une demande, il n'en est pas l'origine) a accordé à cet homme la même sollicitude que celle qui semble souvent accordée aux mineurs multirécidivistes, mis en cause dans des affaires moins graves, certes, mais dont le sens social semble bien plus manifestement néfaste.

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«  9 novembre, L'intérêt de se positionner par rapport à l'extrême-droite   

    7 novembre, Vieille nation cherche statues »

1.

est-il tombé par la fenêtre en se prenant les pieds dans le tapis?... est-il mort ,blessé? allons ,Marcel,on voit que cette pauvre victime vous laisse de marbre !(je n'ai pas dit de zinc,et pourtant...)

Posté le 8.11.2006 à 18h25 par sbriglia

2.

« qui tire sur lui à nouveau, à deux reprises. L'homme tombe par la fenêtre qu'il venait d'ouvrir », je crois que la chose est claire.

Ai-je prétendu qu'il n'y aurait pas homicide ? Je reconnais même que la présomption de légitime défense me parait tomber. Que voulez-vous de plus ?

Cette victime d'homicide me laisse de marbre. C'est vrai, je vous mentirais si je disais le contraire.

Lorsqu'un individu entre par effraction dans la demeure d'un autre avec un 357 Magnum (<lien>), je dois dire qu'il n'apparaît pas à mes yeux comme un parfait innocent, un individu qui paie pour les erreurs d'autrui. Non, je pense que c'est quelqu'un qui a pris le luxe de vouloir nuire à autrui avec suffisement de malice à l'esprit pour se munir d'une arme létale. Sa mort ne m'attriste pas spécifiquement plus que celle de poivrots qui se tuent au volant. Je préfère que ça soit la sienne plutôt que celle des cambriolés.

Il y a tant d'individus qui meurent chaque jour, par la faute à personne, par la faute à d'autres. Si je dois m'en attendrir, je commencerais par ceux qui ne sont pas venu les armes à la main chez autrui.

Posté le 8.11.2006 à 18h30 par Marcel Patoulatchi

3.

perdriez-vous votre humour,Marcel?c'était du second degré!vous imaginez bien que j'ai la même analyse!
cette fois la tournée est pour vous! ...garçon! deux gewurtz!

Posté le 9.11.2006 à 0h13 par sbriglia

4.

Je dois reconnaître est assez long à la détente pour saisir l'ironie dans l'écrit. Rien ne vaut l'expression d'un visage amusé pour comprendre le sens de ce qu'on lit. :)

Posté le 9.11.2006 à 9h06 par Marcel Patoulatchi

5.

PARIS, AP, jeudi 9 novembre 2006, 17h59 <lien>

Pascal Clément « précise également à Nicolas Sarkozy "qu'en l'état des investigations, les faits reprochés à Monsieur René D. ne semblent pas s'inscrire dans le cadre de la légitime défense".

Sa détention provisoire était justifiée, selon M. Clément, dans un premier temps par le fait que son épouse, principal témoin des faits, n'avait pas encore été entendue par le juge d'instruction et que les deux autres agresseurs étaient encore en fuite, constituant donc une menace pour la sécurité des époux D.

"A ce jour, les motifs du placement en détention de Monsieur René D. ne semblent plus constitués dès lors que son épouse a été entendue par le juge d'instruction et que les deux agresseurs en fuite ont été interpellés et incarcérés", ajoute le garde des Sceaux.

Par conséquent le parquet général devrait requérir vendredi, devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, la remise en liberté sous contrôle judiciaire de René D., indique le ministre. La cour d'appel doit en effet examiner vendredi l'appel interjeté par le mis en examen contre son placement en détention.

René D. est mis en examen pour "homicide volontaire". Le parquet de Créteil a ouvert deux informations judiciaires suite à cette affaire: l'une pour "homicide volontaire" visant René D., l'autre pour "tentative de vol avec arme" visant les agresseurs. »

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« Il ne reste plus que l'hypothèse du placement en détention pour « assurer la protection du mis en examen » », disais-je l'autre jour. C'est manifestement le seul argument valable. J'ose espérer que ce soit plus qu'un argument valable ; j'ai du mal à le concevoir. Il aurait fallu aussi écrouer la femme de monsieur Dahan, pour que cela soit cohérent. Par ailleurs, je constate que ceux qui estiment que c'est un mauvais choix d'écrouer un multirécidiviste n'expriment pas de gêne par l'écrou d'un individu inconnu jusque là.
Sans parler de l'exception plus très exceptionnelle. Il me semble qu'il arrive que des fonctionnaires de police accompagnent parfois dans un hôtel des individus en attente de reconduite à la frontière, individus qui ne peuvent être placé en centre de rétention. Ne peut-on vraiment protéger des citoyens autrement que par l'écrou alors que l'on peut retenir des clandestins à l'hôtel ?

Comme je le disais, la légitime défense ne semble pas bénéficier au mis en cause.

Si les cambriolés ont bien été violenté et que le premier coup de feu fut tiré par un des agresseurs, on peut estimer toutefois la qualification des faits les concernant d'une grande clémence.

Posté le 9.11.2006 à 18h48 par Marcel Patoulatchi
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