Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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L'antagonisme Police/Justice

mardi XXVI septembre MMVI

Récemment, un proche me demandait : mais au fait, les policiers et les magistrats sont souvent antagonistes, non ?

Mais pas du tout, lui répondis-je. Je ne crois pas que les Bilger et autres Thiel s'opposent à la police, pas plus que la police ne s'oppose à eux, puisqu'ils ont à coeur de remplir la même mission, de servir de tampon entre les hommes en leur offrant l'égalité par le Droit.

La Police ne saurait être efficace si personne ne donnait de suites pénales à ses enquêtes. La Justice serait bien inactive, si personne n'était là pour traduire devant elle contrevenants, délinquants et criminels.

C'est donc une évidence que les deux institutions que sont la Police et la Justice sont dans le même bateau.

Dans le même bateau, cela veut dire que les deux ont un rôle à tenir - ils se doivent mutuellement quelque chose. En ce sens, on ne peut exiger d'un ministre de l'Intérieur qu'il n'évoque jamais l'action de la Justice alors qu'il constate que certains délinquants notoires ne sont pas en voie de réinsertion mais de récidive, alors pourtant que leur cas a été traité à plusieurs reprises par la Police. Dans un tel cas de figure, il est du rôle du ministre de l'Intérieur de dire que la Police ne peut pas tout. Il ne s'agit pas d'une insulte à l'adresse des magistrats.

Ce que dit régulièrement Nicolas Sarkozy, c'est que l'ordonnance de 1945, et d'une manière générale la législation concernant les mineurs, est désormais inadaptée. Il s'agirait de poser le débat suivant : quels moyens légaux doit-on donner aux magistrats pour qu'ils puissent s'acquitter de leur mission ? Quel moyens légaux doit-on donner aux magistrats pour que lorsqu'un individu mineur est interpellé par un fonctionnaire de police en flagrant délit de vol de véhicule, le fonctionnaire ne croise pas dès le lendemain le même individu souriant, à nouveau sur la voie publique, prêt à commettre un nouvel acte de délinquance ? Cela ne veut pas dire nécessairement enfermer, cela ne veut pas dire nécessairement être brutal. Cela veut dire trouver des réponses pénales brisant l'impunité, faisant que l'action de la Police ne se résume pas à écarter les mineurs délinquants pendant la courte durée d'une garde à vue.

Bien entendu, lorsqu'un juge des enfants met en cause la société en déclarant « Il faudrait ne pas attendre de cette justice ce que les responsables politiques ne font pas : elle n'éradiquera jamais le crime. Seule la justice sociale peut réduire la délinquance, ici comme ailleurs ! » (lien), je pense que sa non-adhésion au concept de responsabilité individuelle le rend antagoniste du fonctionnaire de police interpellateur. Le policier, lorsqu'il arrête un jeune qui nuit à autrui dans l'espoir qu'on trouvera une solution adaptée à ce jeune (car ce n'est pas un cadeau fait à ce jeune que de le laisser descendre la pente savonneuse qui à terme le mènera au bagne) et, ne l'oublions-pas, avec à coeur l'envie de permettre aux citoyens environnants de jouir de leurs biens (leur automobile en l'occurrence), ne peut s'attendre à ce que l'avenir de ce jeune soit remis entre les mains d'un magistrat qui pense que son action n'est pas susceptible de « réduire la délinquance ».

C'est une évidence de dire qu'on ne saurait supprimer toute délinquance, qu'on « éradiquera jamais le crime ». Mais un acteur judiciaire, policier ou magistrat, qui déclare que son action professionnelle n'est aucunement susceptible de réduire la délinquance et la criminalité est un individu qui estime que le rôle social qui lui est attribué est inexistant. Or, lorsqu'on doute du sens de son action, le risque est grand que l'on ne la poursuive qu'à contrecoeur, sans enthousiasme : en d'autres termes, on risque de ne plus faire son boulot. Et un individu qui ne fait plus son boulot est une épine dans le pied de tous ses collaborateurs, proches ou distants.

Dans ce cas de figure, oui, il y a antagonisme. Mais en temps difficiles, l'optimisme s'impose : nous pouvons espérer que les magistrats qui pensent que ce n'est pas leur rôle, que ce n'est pas en leur pouvoir, de réduire la délinquance ne sont pas si nombreux que cela.

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« 27 septembre, Les méfaits dans l'histoire   

   25 septembre, De bonnes idées »

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Avec du recul, je note toutefois que les deux magistrats pris en exemple sont des magistrats (parquet et instruction) dont la fonction les rapprochent de la police.

Posté le 25.08.2007 à 10h49 par Anonyme courageux
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