Un diable dans la glotte ?

« Derrière un ballon de riesling moitié-vide moitié-plein, naviguons d'une digression à l'autre, devisons de l'actualité judiciaire, politique, culturelle ou tout simplement et largement sociale... en tentant d'échapper aux sentiers balisés de la bien-pensance, sans s'interdire de remarquer qu'on peut aussi aisément être le bien-pensant d'un autre. »

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Parler discrimination

jeudi XIV avril MMV

Ce soir, sur France 2, dans Envoyé Spécial, un dossier porte sur la discrimination à l'embauche.

J'ai trouvé intéressant de décortiquer les propos des personnes faisant une étude sur ce type de discriminations, autour du sociologue Jean-François Amadieu, lorsqu'eux-même décortiquent des entretiens d'embauche, filmés à l'insu des recruteurs.

Ainsi, on entend déclarer que la discrimination est toujours implicite, qu'on ne va pas vous dire qu'on ne vous embauche pas « parce que vous appartenez à un groupe minoritaire ». Mais appartient-on à un « groupe minoritaire » parce qu'on est gros, noir, handicapé ou âge de plus de 50 ans ? Pourquoi la lutte (car il s'agit bien de lutte, pas d'une simple étude descriptive) contre les discriminations injustes accepte t-elle d'employer le langage du communautarisme ? Pourquoi être différent du citoyen lambda est une chose automatiquement associée à l'appartenance à un groupe extra-national ?

Ce biais de langage ne reflète t-il pas une tournure d'esprit, tournure d'esprit qui implique que l'on est pas foutu d'imaginer mieux que la discrimination supposée juste pour contre la discrimination injuste, qui implique que l'on est pas foutu d'opposer au racisme autre chose que du racisme ?

Par ailleurs, sur le fond, n'oublie t-on pas un élément de contexte notable, à savoir le fort taux de chômage actuel ? Ces discriminations injustes ne sont-elles pas une des multiples incarnations de ce problème plus large ?

 

Mise-à-jour du 17 avril : j'ai sans doute été mauvaise langue, j'ai sans doute trop extrapolé. En effet, Jean-François Amadieu, dans ses conclusions, ne propose pas la discrimination positive comme solution. Selon une synthèse de l'étude lien « La première démonstration de cette enquête, a commenté pour l'AFP le professeur Amadieu, est qu'il faut +anonymer+ les CV". Il en veut pour preuve les exemples du candidat handicapé (qui a eu beaucoup de réponses positives à son CV en ne déclarant pas son handicap) et de la femme maghrébine qui, bien qu'ayant un meilleur CV, n'a obtenu que peu de réponses positives à sa lettre même si elle s'est ensuite "bien débrouillée" à l'entretien. M. Amadieu a aussi estimé que "les entretiens d'embauche, trop souvent discriminatoires, doivent être complétés par des tests professionnels". Il a enfin souligné l'importance de former les candidats à la technique de l'entretien, comme cela se pratique dans certaines grandes écoles et le rappel de la loi aux employeurs. ».

Par ailleurs, dans un entretien, le chercheur déclare « A l'évidence, les tenants de la « discrimination positive » ont le vent en poupe en s'adossant à des réseaux politiques. Face au constat de l'inégalité des chances dans le système éducatif et aux phénomènes discriminatoires, les initiatives d'abord prises par Sciences po puis par l'institut Montaigne ont eu le mérite de susciter un débat. Aujourd'hui, Un groupe d'hommes politiques et d'intellectuels souhaitent la généralisation à d'autres grandes écoles de l'expérience sciences po en considérant qu'il y aurait là un modèle de correction de l'inégalité des chances (d'origine socio-économique). Dans le même temps, sont proposées des politiques « d'affirmative action » en faveur des minorités visibles, au premier rang desquelles figurent les minorités ethniques et culturelles. Dans les deux cas, il s'agit de politiques qui visent à corriger à la marge, après coup (et avec des objectifs parfois quantitatifs) l'inégalité des chances scolaires et les discriminations sur le marché du travail. On mesure le risque qu'il y aurait à s'engager dans une telle direction.
Au lieu de remédier aux déficiences du système éducatif, de doter en ressources supplémentaires tous les établissements scolaires qui accueillent les jeunes de milieux défavorisés, ou certains élèves qui souhaitent passer des concours, on préfère contourner la difficulté en intégrant à la marge un contingent de jeunes issus de ZEP. A l'inverse, l'expérience de l'Essec, beaucoup moins médiatique que celle de Science Po consiste justement à injecter des moyens et du soutien dans des lycées peu favorisés et pour des jeunes particulièrement motivés. La méthode choisie pour remédier à une inégalité des chances croissante et à une reproduction sociale effarante n'est pas anecdotique. Si la discrimination positive mise en œuvre par sciences po reste une expérience limitée, elle servira de cache misère. Elle retarde en effet la réforme des autres voies d'accès à l'école (qui sont ouvertement discriminantes) et une action vigoureuse de « justice sociale » dans les établissements scolaires. Si l'on généralisait la nouvelle voie d'accès, on renoncerait aux règles du concours et de l'anonymat au profit de modalités de sélection à la discrétion des enseignants et d'oraux devant des jurys. En quoi ce retour en arrière garantira-t-il à l'avenir un traitement égal et non discriminatoire des candidats ?
S'agissant de la vie professionnelle, les tenants de la discrimination positive expliquent, qu'à compétences équivalentes, les minorités visibles doivent, au titre de la diversification du personnel, être préférées. Ici encore, la méthode privilégiée n'est pas la bonne. Un candidat de couleur, un homme de 50 ans ou un handicapé se heurtent par exemple à une discrimination massive lorsqu'ils candidatent à un emploi. Ces candidats ont souvent des compétences et une expérience professionnelle supérieures aux candidats non discriminés et la discrimination qui les touche est totalement illégale. Les statistiques, les testings et les sondages confirment cette inégalité flagrante de traitement. Il suffit de restaurer dans leur droit ces candidats. Ils ont tout simplement droit à un traitement égal. Mettre en place une discrimination positive risque d'éviter de se demander comment on peut éradiquer les pratiques discriminatoires lors des recrutements ou des promotions alors que cette réflexion servirait les intérêts de tous. Enfin, comment imaginer d'engager des politiques d'affirmation des minorités visibles devant la multiplicité des victimes de faits discriminatoires (victimes de l'homo phobie, du jeunisme, du racisme, etc.) »

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« 15 avril, Dictature ou démocratie   

    7 avril, Amnistie nationale »

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